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Face à un secteur en mouvement et des désirs de consommateurs sans cesse renouvelés, l’e-commerce prend parfois des chemins de traverse. À rebours des schémas actuels, la fin des retours gratuits commence à faire parler d’elle tandis que la tendance vers la seconde main se confirme, amenant les prestataires logistiques à adapter leurs services en conséquence.
Le 28 avril 2022, l’enseigne de prêt-à-porter espagnole Zara jetait un pavé dans la mare en indiquant qu’elle allait désormais faire payer les retours e-commerce à ses clients. Ceux-ci, déduits du montant remboursé, s’élèvent à 1,95 €. Chez H&M, les frais de retour sont de 0,95 €. Ils deviennent gratuits pour les membres à partir de 20 € d’achats et gratuits pour les membres Plus. Il faut dire que cette reverse logistics a un coût, ce qu’ont parfois tendance à oublier les consommateurs, alors que la plupart des marques leur proposent une manière simplifiée de renvoyer les produits commandés en échange d’un remboursement.
La livraison gratuite n’existe pas
Selon le Global Consumer Survey publié par Statista en 2022, en France, 39 % des internautes indiquent ainsi avoir retourné un produit acheté en ligne au cours des douze derniers mois (51 % en Allemagne, 66 % en Chine…). C’est dire si la tendance est lourde. La décision de Zara pourrait-elle faire des émules et être la première d’une longue lignée ? « Totalement, répond Nicolas Pelletier, senior manager de Citwell. L’approche de Zara a également consisté à développer des espaces de vente plus oxygénés pour inciter le consommateur à venir directement en magasin. Le fait que l’enseigne fasse payer la reverse logistics devrait être un basique et déclencher une tendance. C’est un changement de culture qui pourrait permettre de limiter de manière assez rapide le nombre des retours, par la réduction d’achats compulsifs, générateurs de flux ». Cette décision ne doit pour autant pas amener les consommateurs à penser que les retours coûtent soudainement de l’argent, car cela a toujours été le cas, le terme de « livraison gratuite » relevant d’un argument marketing : « La livraison gratuite n’existe pas, elle est offerte, mais est incluse dans le prix déjà payé dans le produit », rappelle Mercedes Ortiz Gracia, directrice business developpement de Rhenus Logistics France. Cette dernière observe la naissance de nouvelles stratégies pour sensibiliser davantage le client en lui présentant un découpage du coût du produit acheté pour lui donner de la valeur : « Et un produit coûte le même prix à un consommateur qui décide de le garder qu’à celui qui achète de façon un peu irresponsable… C’est un des axes sur lesquels il s’agit de sensibiliser pour mieux faire comprendre cet aspect logistique », juge-t-elle.
Le rôle du logisticien
Selon Ludovic Lamaud, directeur général adjoint développement et innovation d’ID Logistics, à partir du moment où de grands acteurs commenceront à mettre en place cette pratique de retours payants, « une partie du secteur devrait suivre », à l’image des sacs plastiques dans le retail devenus payants. « Il y aura peut-être également des régulations étatiques sur le sujet », juge-t-il. Et dans le cadre de cette initiative, le logisticien peut par ailleurs jouer un rôle : « Lorsque nous fournissons au client des éléments concrets mesurés, en expliquant l’impact de chacune des actions d’un changement, de l’amélioration de process, sur l’environnement, cela change sa perception et son état d’esprit ». Chez Log’s, Vincent Mangin appelle aussi à la responsabilisation du client final qui parfois manifeste des attentes paradoxales. Chercher des produits responsables et éthiques tout en ayant des exigences assez fortes en termes de délai de livraison et de possibilité de retour : « Chaque jour, les consommateurs intègrent ainsi davantage le fait que les allers-retours de colis ont un coût réel et un impact écologique certain. Nous avons vocation à traiter ces flux retour en proposant les solutions les plus adaptées et efficaces possibles pour accompagner nos partenaires : le campus reverse dédié que nous allons mettre en place fait aujourd’hui partie des solutions. Disposant d’outils adaptés et d’expertises de tri complémentaires, ce campus a pour vocation de mutualiser les opérations de traitement des retours par catégorie de produit : petit et convoyable, encombrant, etc. Il est d’autre part interconnecté avec les acteurs de la seconde main [produits non neufs proposés à la vente] et de la revalorisation ».
L’attrait de la seconde main
Cette démarche de la seconde main constitue un autre axe de travail de Log’s, et devrait, selon Vincent Mangin, voir ses volumes croître énormément d’ici 2025, pour devenir un pan incontournable du e-commerce multisecteur. Selon l’étude menée en mai 2022 par Mondial Relay et Opinion Way (Videdressing 2022), les moins de 35 ans sont 68 % à privilégier la seconde-main plutôt que le neuf et bien que les vide-greniers aient encore le vent en poupe, les consommateurs sont 61 % à se tourner vers l’achat en ligne. Le prestataire Log’s s’attelle donc à mettre en place des solutions pour répondre aux besoins de ce marché grandissant qui se situe dans la droite lignée de l’économie circulaire et intègre les mêmes process que la reverse logistics : « Depuis le début, nous réalisons de la reverse logistics pour le textile, l’univers de la maison, et bien d’autres secteurs. Nous avons toujours traité les retours, trié les produits, remis certains d’entre eux en état pour qu’ils puissent être recommercialisés. Aujourd’hui, il y a un réel enjeu économique et durable. Cela concerne la revalorisation, le tri des produits retournés pour les remettre dans le circuit de distribution adapté à leur état (neuf, seconde main, discount, etc.) ou la réutilisation des produits qui ne seront pas commercialisés, leur recyclage en alimentant certains sites de productions locaux qui refabriqueront, formant ainsi un cycle plus vertueux », décrit-il.
Cette tendance pour la seconde main est ainsi devenue un nouveau mode de fonctionnement pour les consommateurs dans la prise de conscience écologique. « Cela réduit l’empreinte carbone sur la fabrication mais l’augmente par voie de conséquences sur le transport et la logistique. Un travail de fond sur une logistique et des transports plus durables dans l’économie circulaire est nécessaire afin de limiter notre empreinte écologique end-to-end », rappelle Nicolas Pelletier qui pense voir ce marché devenir majoritaire dans les cinq à dix prochaines années. C-Log, de son côté, travaille actuellement sur deux appels d’offres : « Des marques dynamiques de moins de 15 ans d’existence ayant toutes deux une activité de seconde main qui se développe », détaille Bertrand Chabrier, son directeur du développement. Un nouveau service qui s’associe à une logistique complexe pour le prestataire : « Lorsque l’on récupère ces articles, un contrôle qualité doit être réalisé amenant à confirmer l’état du produit et à le classifier en seconde main ou en article détérioré. Nous allons ensuite remettre cet article en stock. C’est une référence que nous risquons d’avoir en très petite quantité, ce qui n’est pas du tout pratique en termes de logistique puisqu’il n’est pas possible de réserver un emplacement à une seule référence. Cela implique donc de mélanger les produits entre eux ce qui amènera une nouvelle complexité lors du picking… ». Si C-Log n’opère pas encore sur ce marché spécifique de la seconde main, il entrevoit des possibilités à court terme et envisage déjà les services associés, avec l’installation d’un studio photo sur son hub de Poupry en Eure-et-Loir. En la matière, les plateformes e-commerce Cdiscount ou Rakuten font figure de précurseur, le premier proposant une offre reconditionnée sur son site : « Sur Cdiscount un téléphone sur quatre est vendu en reconditionné », précise Antoine Wolff. « Rakuten est historiquement une place de marché hybride, sur le neuf et la seconde main, ce dernier secteur représentant un produit sur deux vendus sur la plateforme. Notre particularité réside aussi dans notre système de fidélisation, permettant à nos membres de gagner plus de cashback s’ils achètent ce genre de produits », précise de son côté Fabien Versavau, CEO et président de Rakuten France.