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Bilans et héritages logistiques des JOP de Paris : témoignage de Jean Castex, PDG du groupe RATP
Le 26 novembre 2024, la Métropole du Grand Paris a réuni élus, chargeurs, prestataires et fédérations professionnelles pour qu’ils puissent dresser leur bilan logistique des Jeux olympiques et paralympiques. En découlent certaines problématiques, mais aussi des bénéfices et des héritages. Comme l'illustre le témoignage de Jean Castex, PDG du groupe RATP.
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Métropole du Grand Paris
Après l’exceptionnalité éphémère des Jeux et un peu de recul, quels bilans, quels héritages et quelles perspectives pour la logistique métropolitaine ? Tel était le leitmotiv d’un événement organisé par la Métropole du Grand Paris (MGP) le 26 novembre 2024, au cœur de la capitale. Après avoir initié en 2018 son Pacte pour une logistique urbaine, conçu pour préparer bien en amont les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’intercommunalité d'Île-de-France a réuni nombre de ses partenaires – élus, chargeurs, logisticiens, fédérations professionnelles… – pour un bilan collectif. Mais aussi témoigner de certains héritages, et esquisser des prospectives autour de l’évolution du transport de marchandises et des réseaux de distribution en métropole. Des réussites aux alertes, rien n’a été éludé, comme en a témoigné le discours introductif édifiant de l’invité d’honneur du rendez-vous.
L'explosion de la logistique urbaine, épine dans les pneus des bus RATP
« Le groupe RATP est d’autant plus heureux de la réussite des Jeux olympiques et paralympiques qu’il avait été annoncé et prévu le contraire. Ils devaient être un fiasco complet, voire un talon d’Achille », entame Jean Castex, PDG de la Régie autonome des transports parisiens, en illustrant le rôle crucial des transports collectifs pendant la période, mais aussi de la logistique urbaine. Tout en pointant les incidences de cette dernière, couplées au phénomène d’« uberisation de la société », selon ses mots. L’ancien Premier ministre en contextualise les impacts sur l’activité de son groupe, statistiques à l’appui : « Entre 2010 et aujourd’hui, le chiffre d’affaires de l’e-commerce a bondi de 300 % (1). Des données indiquent parallèlement que 55 % des livraisons dites du dernier kilomètre s’effectuent avec des véhicules utilitaires légers (2). C’est là que pour nous, groupe RATP, les problèmes commencent. Car ce mode de livraison, couplé à d’autres, s’effectue à 65 % en double file, sur des couloirs de bus ou sur des stationnements interdits, selon les chiffres de la DRIEAT (3). Bien qu’il ne s’agisse évidemment pas de revenir sur le développement de la logistique urbaine, le défaut de régulation et de développement qui l’entoure a un impact considérable. Si vous y ajoutez la diminution par plusieurs autorités municipales des couloirs de bus, la multiplication des travaux, la cohabitation avec les vélos et les trottinettes… le développement extrêmement désordonné de la logistique urbaine empêche le bon fonctionnement de nos services de bus. Leur vitesse commerciale est actuellement inférieure à ce qu’elle était en 1910 ! Nous sommes en-dessous de 10 km/h, et certaines lignes, notamment dans Paris intra-muros, sont à moins de 6 km/h... »
Un appel à une autorité organisatrice des mobilités, tous types confondus
Après avoir témoigné d’une véritable « hémorragie » de la clientèle bus du réseau RATP (-20 % de fréquentation en moyenne depuis 2019, et jusqu’à -30 % sur certaines lignes parisiennes), Jean Castex a rappelé l’importance de ce mode de transport pour les personnes âgées, ainsi que celles en situation de handicap. « Plusieurs phénomènes, dont le développement de la logistique urbaine que j’ai évoqué, ont des conséquences extrêmement fortes sur un service public absolument indispensable à une catégorie de nos concitoyens. » Il invite ainsi son auditoire à en décortiquer les causes, en travaillant à une amélioration collective et à une cohabitation sensée avec d’autres modes de transports. Pour rappeler la contribution de son groupe à l’amélioration de la logistique urbaine, il cite l’exemple de quatre centres-bus RATP vidés en partie en journée (4), « pour accueillir des livraisons de la logistique du dernier kilomètre » et « dédensifier l’espace public ». Pour conclure, le haut fonctionnaire appelle, après des Jeux olympiques et paralympiques dont il salue la réussite pour l'ensemble de son groupe, à un « chantier logistique » commun et d’ampleur : « Je suis de ceux qui pousse à ce qu’il y ait désormais une autorité organisatrice des mobilités. Je soutiens vivement une vision politique et organisée avec l’ensemble des acteurs de ce secteur. »
Sources, vérifications et compléments informatifs
(1) Selon le portail de statistiques en ligne Statista, le chiffre d'affaires annuel du e-commerce en France est passé de 31 milliards d’euros en 2010 à 159,9 milliards en 2023, soit une augmentation de 415,8 %, supérieure à celle exposée par Jean Castex. La Fevad, fédération représentative des acteurs du commerce électronique, a exposé des données similaires à celles présentées par Statista, que ce soit pour le dernier bilan de 2023 ou l’année de référence de 2010.
(2) Le parc automobile français comptait, au 1er janvier 2024, 6,5 millions de véhicules utilitaires légers (VUL), selon les dernières Données et études statistiques du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Le pourcentage évoqué par Jean Castex est cependant difficilement vérifiable, car issu de sources de données au pluriel, comme il le déclare.
(3) Pour la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l’aménagement et des transports. Elle met en œuvre « les politiques de l’État en matière de transports, de planification et d’aménagement durable, d’environnement, d’énergie, d’urbanisme sous l’autorité du préfet d’Île-de-France, préfet de Paris, du préfet de Police et des préfets de département », selon sa propre présentation.
(4) Après un avis d’appel public à la concurrence (AAPC) émis en 2021, attribué à Chronopost et Amazon, RATP Capital Innovation, filiale d’investissement du groupe, a proposé l’occupation partielle de trois centres-bus pour des activités de logistique urbaine : Corentin (14e arrondissement de Paris), d’environ 300 m² ; Lagny (20e arrondissement), d’environ 200 m², Charlebourg (à La Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine), d’environ 300 m². Face au succès de son expérimentation, l’entité de la RATP l’a ensuite étendu à un site bien plus important. À savoir la zone logistique de Châtillon-Bagneux (92), domaine privé de la RATP étendu sur 4 000 m².