Transversal
[Portrait] Isabelle Dubois, directrice générale d'Element Logic France
Elle dirige la filiale française du spécialiste norvégien de l’automatisation Element Logic depuis plus de cinq ans, gère une douzaine de personnes, élève deux jeunes filles, ambitionne de poursuivre le développement de la société et de servir d’exemple à ses enfants. Portrait d’Isabelle Dubois, une dirigeante singulière.

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Romane Coston
« Au sein d’une entreprise prônant la diversité, les femmes chez Element Logic exercent à tous les niveaux hiérarchiques. Dans les filiales les plus importantes, l’effectif féminin avoisine les 30 %. La société est par ailleurs très ouverte aux sujets du genre ou de l’orientation sexuelle. En Norvège [pays d’origine du groupe, ndlr], nous avons notamment participé à un festival des fiertés et avons passé notre logo aux couleurs de l’arc-en-ciel pour l’occasion. Pour moi, cette diversité est juste géniale. » Tel est le premier sujet qu’Isabelle Dubois, directrice générale d’Element Logic France, aborde lors de notre entretien. Elle se présente comme une femme active, directe et fière de son parcours.
Née à Chalon-sur-Saône (71), très vite intéressée par le commerce et les langues, elle suit des études de commerce international en alternance et construit très tôt sa carrière dans des secteurs d’activités peu féminisés ou industriels : « J’ai démarré dans le vin en Bourgogne, un milieu très masculin à l’époque, marqué par de vieilles légendes affirmant que les filles ne devaient pas rentrer dans les cuveries en période de cycle pour ne pas faire tourner le vin », se rappelle-t-elle. Âgée de 23 ans, elle cumule alors « le fait d’être une femme, jeune et de manquer d’expérience ». Si ses débuts ne sont pas des plus simples, elle se fait accompagner, acquiert de l’expérience et gagne en crédibilité face à ses clients. Elle vit aussi l’arrivée significative de femmes reconnues dans le secteur, notamment de Ludivine Griveau-Gemma il y a quelques années, nommée œnologue du Domaine des Hospices de Beaune. « Une première depuis la constitution des Hospices. Pour moi, cela a été un symbole important, la preuve que les femmes peuvent réussir », affirme-t-elle.
Nommée directrice commerciale export, Isabelle Dubois voyage beaucoup. Après sept années, en 2005, elle tombe enceinte. Effectuer des déplacements professionnels fréquents s’avère alors plus compliqué : « Je n’avais pas envie de me retrouver au fin fond du Japon alors que j’avais un nouveau-né à la maison. J’ai donc arrêté l’export, consacré plus de temps à ma première fille et racheté une entreprise d’agencement en liquidation judiciaire avec le père de mon enfant, que nous avons redéveloppé pendant sept ans », raconte-t-elle. Isabelle gère alors un atelier de fabrication avec une dizaine de personnes, prend en charge la gestion administrative, financière et commerciale de la société. Sa seconde fille naît en 2007.
La force du réseau au féminin
Cinq ans plus tard, en 2012, elle décide de repartir dans une entreprise extérieure pour donner une nouvelle orientation à sa carrière. Embauchée chez un spécialiste de fabrication de cartons ondulés, plats et d’impression, elle y reste peu de temps et passe ensuite chez DS Smith : « J’étais bien dans cette entreprise à rayonnement international, avec une population féminine plus large. On m’y a offert des possibilités d’évolution importantes, en me confiant notamment la responsabilité de la branche e-commerce en France. C’est à ce moment-là que je rencontre Isabel Rocher [actuelle senior vice president global growth marketing d’Autostore, ndlr]. Lorsqu’elle quitte DS Smith, elle m’affirme que l’on se reverra. » En 2019, Isabel Rocher rappelle ainsi Isabelle Dubois : un intégrateur est à la recherche de son directeur France depuis plusieurs mois. La première propose alors à la seconde de postuler : « J’ai un emploi très intéressant mais je me dis que je n’ai rien à perdre, j’y vais. »
Isabelle Dubois entre en fonction à la tête d’Element Logic France le 1er octobre 2019. Auparavant, elle est partie près d’un mois à Oslo, au siège, pour une immersion et une formation complète : « J’étais très excitée par ce nouveau challenge et ce secteur d’activité où j’avais tout à apprendre. Je pars de zéro. Je n’ai pas de bureau, pas de site internet, pas d’équipes techniques. À l’époque, les gens ne connaissaient pas Element Logic. J’ai recruté un premier salarié, Philippe Mac Calment, puis rapidement, les équipes ont grossi. » Un premier système est vendu en 2020 et la société se développe : « C’est finalement comme si je donnais naissance à mon troisième enfant. J’ai mis énormément de cœur dans cette entreprise, j’ai fait tout mon possible pour que cela fonctionne. Nous sommes presque une douzaine aujourd’hui et notre chiffre d’affaires a doublé entre 2023 et 2024, avec un très bon niveau de résultat net », souligne-t-elle.
Montrer l’exemple
Parmi les différentes recrues d’Isabelle Dubois figure Alexandra Cheymol, directrice commerciale d’Element Logic. Recrutée il y a deux ans, elle est devenue une proche collaboratrice, tant d’un point de vue professionnel que personnel : « De prime abord, Isabelle peut paraître froide. Mais il y a une énorme différence entre ce qu’elle est et les premières impressions qu’elle donne. J’ai rarement vécu ce type de rapprochement dans le travail. Il faut néanmoins avouer que nous avons pas mal de points communs : nous ne sommes pas langue de bois, avons le même âge et évoluons dans des schémas personnels très similaires ; nous gérons des ados tout en occupant des postes à responsabilités. Par la force des choses, nous sommes solidaires. Isabelle est une personne qui sait bien s’entourer et accorder sa confiance », souligne Alexandra Cheymol.
Car effectivement, en parallèle de sa carrière, Isabelle Dubois mène de front sa vie personnelle, séparée du père de ses filles. Elle élève ses deux enfants et pratique du sport très régulièrement afin de s’offrir des moments de décompression : « Je cours, marche et pratique la danse latine. Au-delà du plaisir que cela me procure, c’est un très bon moyen de lâcher prise. Et en parallèle, j’ai la chance d’être super bien accompagnée, ma mère m’aide. Sans elle, je n’aurais pas pu faire ce job. » Un job qui, cinq ans après sa prise de poste, lui procure toujours autant de plaisir, soutenu par un marché porteur et de belles perspectives : « J’ai envie d’être un exemple pour mes filles, qu’elles puissent avoir accès à ce dont elles ont envie en termes d’études et qu’elles trouvent un emploi qu’elles aiment, autant que j’aime le mien. Je suis ambitieuse et j’ai toujours voulu faire un peu de management. De là à envisager un poste de directrice un jour ? Non, mais je suis fière d’y être parvenue. »
