Immobilier
Loi Climat au Sénat : Afilog déplore les « amalgames » entre logistique et e-commerce
Après le passage de la loi Climat au Sénat, Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog, l’association professionnelle représentant les métiers de l’immobilier logistique et de la supply chain, revient sur les débats, regrettant une certaine incompréhension de la part des sénateurs face aux questions logistiques.
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Afilog
Quel regard portez-vous sur le passage du projet de loi au Sénat ?
Nous avons été déçus de la teneur des débats au Sénat. Quand le projet de loi est passé à l’Assemblée en avril dernier, nous avions eu le sentiment d’avoir été entendus, aussi bien par la majorité que le gouvernement, avec une position raisonnable qui était tenue. Mais au Sénat, un amendement a été réintroduit qui vise à soumettre à autorisation d’exploitation commerciale les entrepôts de plus de 5 000 m2 qui ne sont pas construits sur friche. Cela pose plusieurs problèmes. Déjà, les formats supérieurs à plus de 5 000 m2 représentent quasiment tous les entrepôts qui se construisent ! Mais surtout, cela veut dire un passage en CDAC (commission départementale d’aménagement commercial), avec des entrepôts assimilés à des commerces. On cumulerait donc la réglementation des installations classées et la réglementation des surfaces commerciales. Les entrepôts sont des usines, et il est donc normal d’être soumis aux ICPE. Mais avoir les deux est problématique, car très peu d’entrepôts ont une vocation purement commerciale : environ 10 % des bâtiments en France, tandis que les 90 % restants font seulement des échanges entre établissements économiques.
Qu’est ce qui justifie ce changement dans le projet de loi du côté des sénateurs ?
Un principe d’équité avec les centres commerciaux et les commerces de proximité. Mais c’est un amalgame entre logistique et e-commerce, et entre e-commerce et Amazon. En voulant attaquer Amazon, qui représente peut-être 1 % des surfaces d’entrepôts en France, on tape sur le reste du secteur. De plus, la définition de l’entrepôt de e-commerce est difficile à écrire car les bâtiments logistiques sont construits de manière banalisée, pour qu’ils puissent être loués par différents occupants dans le temps. De plus, des flux de e-commerce peuvent coexister avec des flux dirigés vers le commerce physique.... L’équilibre entre vente en ligne et magasins ne peut être résolu avec des mesures portant sur les entrepôts : il faut faire de la pédagogie sur les choix de consommation et avancer davantage sur la fiscalité internationale.
Il s’agit donc d’une méconnaissance des sénateurs sur le sujet ?
Je le pense. Un autre sujet qui est revenu est celui de la taille des bâtiments. Il y a une défiance envers les bâtiments d’une certaine taille, ce qui nous semble problématique car, en termes d’artificialisation, concept qui est au cœur du projet de loi, faire un seul bâtiment de 100 000 m2 consomme moins d’espace que de faire 10 bâtiments de 10 000 m2. Nous n’avons pas d’idées préconçues sur la taille que doit faire un bâtiment, nous répondons aux besoins des occupants, mais quand un besoin est avéré pour un bâtiment XXL, il serait contre-productif sur un plan économique, organisationnel et environnemental de le diviser en plus petits bâtiments !
Quelles sont les prochaines étapes pour le projet de loi ?
Tout d’abord une commission mixte paritaire. Si celle-ci n’est pas conclusive, le texte repartirait en seconde lecture à l’Assemblée, et nous avons bon espoir que les députés reviennent à des écritures plus équilibrées. Mais nous sommes gênés par le fait que les sénateurs aient envoyé ce signal, alors que la France, en cette période de relance, a plus que jamais besoin d’une logistique forte. Il ne faut pas aller vers une « délogistisation » de la France, comme on a pu voir une désindustrialisation il y a quelques dizaines d’années.