media supply chain
et logistique

Éditeurs

Le Chemin des Mûres repense le transport pour les circuits de proximité

Le Chemin des Mûres développe depuis 2019 une plateforme de mise en commun des livraisons pour les circuits courts et de proximité. Nils Olivier, président de la jeune pousse, nous détaille cette solution innovante et les modèles de transport qu'elle permet d'activer.

Publié le 6 janvier 2022 - 09h26
A_1

Le Chemin des Mûres

Pouvez-vous revenir sur la création du Chemin des Mûres ?

Le projet a été lancé en 2019 dans les locaux de l’Inria [Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique]. Nous ne venons pas du tout du monde agricole, mais nous avons plutôt imaginé le projet en tant que consommateurs ayant encore du mal aujourd’hui à accéder à des produits locaux, particulièrement en ville. Rapidement, nous avons constaté qu’il y avait un enjeu technique et logistique pour gérer l’acheminement de ce type de produits, et qu’il fallait des outils pour les transporter dans des conditions économiquement viables. Les circuits de proximité sont beaucoup plus complexes que les circuits longs, car ils sont plus petits et plus fragmentés sur le territoire, avec une difficulté pour atteindre une rentabilité du transport via la massification.  Quant aux producteurs, ils travaillent avec des volumes moindres, pas forcément en monoculture, et en flux tendu afin d'offrir des produits frais. Plus généralement, il y a moins d’intérêt pour ces circuits de proximité à passer par des intermédiaires de groupage tels que des grossistes, car ils veulent éviter d'avoir à payer leurs marges. En l’état, il n’est donc pas possible de passer à un stade de performance supérieure sans passer par la mutualisation de ces différents flux de proximité. Cependant, la mutualisation implique de grandes complexités, surtout avec des centaines de producteurs travaillant sur un même territoire, car chacun à ses tournées, ses contraintes, ses produits. Nous avons fait le constat qu’il fallait une brique technologique capable d’automatiser cette mutualisation, et cela nous a incités à créer Le Chemin des Mûres.

 

Que propose votre solution ?

Notre application travaille sur le calcul des mutualisations les plus performantes, en prenant en compte toutes les contraintes spécifiques aux circuits de proximité. Celles-ci sont variées : il faut déjà faire avec des impératifs horaires, aussi bien du côté des producteurs que des magasins pour la réception. Les véhicules sont très variés, pas forcément tous en température dirigée alors que certains produits sont sensibles. Il y a aussi des questions de compatibilité, car il n’est pas possible de mélanger par exemple du bio et du non-bio dans certaines conditions. Il faut être également capable de bien calculer les volumes de produits face aux contenances des véhicules. Après quoi, il faut pouvoir définir un ordre de tournée, en allant chercher le plus de points de passage, et en prenant en compte des temps de chargement/déchargement parfois plus longs, car on va livrer des petits magasins. En circuit long, vous avez des grossistes avec leur propre flotte qui ont déjà l’accès à l’information nécessaire. Dans les circuits de proximité, avec le fourmillement de petits acteurs indépendants qui vont demander un service de transport, il faut être capable de reconstruire la tournée selon les besoins, car chaque nouvelle demande peut totalement repenser la chaîne logistique. C’est un vrai éclatement du besoin, que l’on doit faire évoluer au fil de l’eau, avec beaucoup d’agilité. Pour l’instant, nous ne prenons pas encore en compte la livraison aux particuliers, et nous nous limitons aux dépôts tenus par des professionnels et des associations : magasins, restaurants, cantines, points relais...

 

Quelles organisations de transport peuvent ensuite être déployées ?

Pour nous, deux modèles sont utilisables. On peut passer par un véhicule de partage via le co-transport, entre producteurs dans le cadre de l’entraide agricole. C’est un système rentable, mais qui peut prendre du temps à se mettre en place, d’autant que les producteurs ne sont pas toujours disponibles. Une alternative est donc possible, que nous désignons via le concept du « bus des produits locaux », qui passe par un professionnel du transport chargé des ramasses et des livraisons, et qui est beaucoup plus rapide à mettre en place. Cependant, ce type de service n’existe pas encore aujourd’hui. On a des transporteurs avec des flottes plus ou moins adaptées pour les produits de proximité, mais qui ne sont pas capables en l’état de proposer leurs services face aux variations d’activités des circuits courts. Nous souhaitons intervenir en tant que commissionnaire de transport, afin d’aller réceptionner les besoins de livraison des producteurs, puis les agréger et les sous-traiter à des professionnels. Nous assumons donc le remplissage de la tournée et sommes responsable de la rentabilité de celle-ci que nous facturons au transporteur. Cela nous permet de faire le lien entre les acteurs logistiques et cet écosystème de producteurs. Pour les premiers, nous leur offrons un accès à ces marchés. Et côté producteurs, c’est la possibilité de tarifs plus attractifs ainsi que davantage de flexibilité, grâce à des flux constants.

 

Pensez-vous être un maillon aujourd’hui manquant entre producteurs et transporteurs ?

Oui. Nous apportons une vraie plus-value économique et écologique. Néanmoins, la difficulté sur laquelle nous travaillons aujourd'hui, c’est celle de l’amorçage. Il faut construire les volumes et notre enjeu est de trouver des utilisateurs sur tout le territoire français pour massifier les tournées. Mais cela passe aussi par la mise en place d’investissements et financements de la part des collectivités pour lancer ces projets. C’est un peu comme la construction d’une autoroute : ce n’est pas aux automobilistes de la financer, mais de payer ensuite son utilisation via le péage.

 

Quelles sont les prochaines étapes pour Le Chemin des Mûres ?

Nous nous concentrons aujourd’hui sur la confirmation de nos modèles sur les territoires avec nos partenaires : le conseil départemental et la chambre d’agriculture du Loiret, via un projet alimentaire territorial [label mis en place par l’État pour créer des projets de transition alimentaires, avec des financements]. Et nous espérons, d’ici la fin d’année 2022, aller tester opérationnellement nos modèles dans les différentes régions françaises.

à lire aussi
CHAQUE JOUR
RECEVEZ LES ACTUALITÉS
DE NOTRE SECTEUR
INSCRIVEZ-VOUS
À LA NEWSLETTER
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !