Transversal
InTerLUD, heureux du chemin accompli et fort de nouvelles résolutions
Pour sa deuxième réunion depuis sa création en 2020, InTerLUD, conviait bon nombre de ses parties prenantes à témoigner sur la mise en place du programme, ses nécessaires phases de diagnostic et de concertation avant le déploiement de plans d'actions. Une journée riche en partages d'expérimentations et en démarches concrètes.
Pour la deuxième édition de sa rencontre nationale, le 4 octobre dernier, le programme InTerLUD (Innovations territoriales et logistique urbaine durable) intitulait ce rendez-vous « Vers une logistique plus durable : de la concertation aux solutions ». Si l’évènement avait eu la saveur des commencements en 2021, 2022 a permis de mesurer les progrès accomplis, les projets en place et les pistes de travail à venir. Tous se sont félicités pour l’enthousiasme, la fédération et la productivité d’ores et déjà à l’œuvre dans cette démarche : « En l’espace d’un an, tout ce qui était en train de se lancer, se met en œuvre et fonctionne. Et si cela marche, c’est parce que l’on a réuni les conditions avec nos équipes, avec les collectivités autour de cette idée centrale que pour les actions puissent être réunies autour des acteurs, il faut les fédérer et donner toute sa place aux fédérations professionnelles qui les représentent », jugeait Jean-André Lasserre, directeur de programme chez Logistic Low Carbon (filiale de la CGI, porteuse d’InTerLUD).
43 EPCI ont signé une convention InTerLUD
En introduction de ce rendez-vous national, Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rappelait à quel point la logistique est un secteur clé pour la France, et est confrontée au défi du développement durable. « La question de la place de la logistique en ville doit nous appeler à nous interroger sur nos modes de consommation : est-il nécessaire de se faire livre à domicile plutôt qu’en point relais ? La logistique est aujourd’hui en pleine mutation, et nous devons accompagner concrètement le développement de solutions durables ». Venue participer à l’évènement en distantiel, Anne-Marie Idrac, présidente de l’association France Logistique exprimait sa volonté de voir se dégager des expériences partagées et des travaux collectifs dans le cadre d’InTerLUD : « des fiches d’actions pour décarboner, pour financer des installations utiles à tous, pour mutualiser les livraisons ». Le tout dans « une approche de plus en plus profonde » ayant permis de passer de la préoccupation à l’intérêt et « désormais de l’intérêt à l’action pour aller dans le sens de la décarbonation ».
Yann Tréméac, chef adjoint du service Transports et Mobilité de l’Ademe, rappelait les chiffres de cette « année très riche » avec 43 EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) - avec 22 ZFE-m en cours ou à venir - ayant signé une convention avec InTerLUD, dont 14 de plus de 250 000 habitants, 23 entre 100 000 et 250 000 habitants et six de moins de 100 000 habitants. Concernant la progression de ces territoires dans la démarche, 70 % d’entre eux sont en phase de préparation de la concertation tandis que les autres sont d’ores et déjà en phase de concertation ou de rédaction d’une charte. « InTerLUD vient apporter un cadre méthodologique. Via des financements, il permet aussi de faciliter la mise en place des démarches sur court et long terme », rappelait Hélène de Solère, chef de projets logistique urbaine et interurbaine au Cerema. Le programme créé en 2020, avec un budget de 8,1 millions d'euros, financent ainsi 26 diagnostics et 12 postes de chargés de mission logistique urbaine dans les collectivités.
La nécessité de la concertation
InTerLUD entraine aujourd'hui dans son sillage des fédérations, leurs adhérents et différents secteurs d’activité qui ont été amenés à s'étoffer. Neuf sont actuellement représentés dans les instances de gouvernances : transporteurs, distributeurs-grossistes, artisanat réparation, bâtiment, restauration-café, petits commerces, grande distribution, travaux publics, gestion des déchets-recyclage. Avec cependant une présence moindre et regrettée des chargeurs, « pas directement implantés dans les centres urbains », estime Christophe Schmitt, président de la commission Logistique urbaine de L'Union TLF et directeur des relations institutionnelles du groupe Heppner.
Le diagnostic se présente comme le premier jalon de la démarche avant la concertation visant à construire des solutions. Car toutes les EPCI n’ont pas les mêmes problématiques, impliquant un discours parfois différent, même si l’objectif demeure de parler d’une seule voix. « On est à la croisée de nombreuses politiques publiques et d’ambitions très différentes à côté des partenaires qui ont leurs envies et leurs besoins. On gère énormément d’injections contraires », témoignait Béatrice Agamennone, vice-présidente en charge de la mobilité et des transports à l’Euro métropole de Metz. Cette étape de diagnostic vise ainsi à connaître les pratiques du territoire, les massifications possibles, les véhicules utilisés… Dans ce cadre, Émilie Clair, chargée de mission mobilité et logistique urbaine à Grand Besançon Métropole indique avoir réalisé un travail conséquent de modélisation des flux sur ses 68 communes : « une enquête de terrain auprès des livreurs, commerçants, une audit des aires de livraison… ». Il s’agissait également de développer un volet pédagogique pour « acculturer les élus à ces démarches », ces derniers étant plus connaisseurs des flux de transport voyageurs. Celle-ci observe combien l’étape du diagnostic est nécessaire à la bonne compréhension, précisant qu’InTerLUD a développé des outils permettant d’obtenir des modélisations. Une manière pour chacun de poser ses enjeux et d’avoir une compréhension mutuelle de ceux des autres avant de passer sur des fiches action traitées de manière très opérationnelle.
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InTerLUDDes enjeux plus ou moins saillants selon les territoires
Au cours de ce travail, il s’agit de cibler également les spécificités territoriales. Illustration avec Philippe Vergnaud, conseiller délégué au Commerce et à l’Artisanat du Grand Angoulême dont la communauté a mis en place cinq ateliers de travail : « Notre particularité : nous sommes sur un plateau qui regroupe 70 % des flux, ce qui provoque des embouteillages permanents entre 8 h et midi que le diagnostic nous a permis de mettre en avant. Celui nous a par ailleurs amenés à nous apercevoir que certaines aires de livraison n’étaient pas du tout aux normes, nécessitant la réalisation d’un nouveau schéma et de fixer des règles plus en cohérence ». Comme le soulignait Cédric de Barbeyrac, directeur transports du groupe Monoprix, certains sujets sont « plus ou moins saillants dans certaines collectivités et InTerLUD a l’avantage d’harmoniser l’ensemble de ces problématiques et de les ouvrir pour tous les territoires. Avec deux problématiques pour l'accès aux centres-villes avec les ZFE-m. Tout d'abord la motorisation des matériels : on entend parler des carburants B100, HVO (Hydrotreated vegetable oil)... mais aujourd’hui, il y a une vraie tentation de retour au diesel, car il est moins cher. Pourtant il faut tenir bon, c’est un véritable enjeu ». Deuxième enjeu : celui du gabarit des véhicules : « C’est en limitant le nombre de véhicules qu’on peut les convertir et investir dans des modèles plus intéressants », juge-t-il.
De la concertation à l’action
Pour autant, ces problématiques n’empêchent pas le secteur de bouger et de mettre en place des plans d’actions. Comment en mesurer la réussite ? « Nous avons ciblé des indicateurs par rapport à des résultats attendus : le report horaire des livraisons, l’objectif de massification (moins de camions)… », illustre Justine Kerouedan, animatrice Pacte logistique urbaine durable et résiliente pour Nantes Métropole. « Nous incitons les collectivités, lorsqu’elles vont créer leurs fiches actions, à définir des indicateurs », indique Lucie Carriou, chargée d’études logistique urbaine, département Mobilité, au Cerema Ouest, tandis que Claire Souet, responsable unité Études de mobilité pour Rennes ville et métropole l’affirme : « Le premier indicateur aujourd’hui, c’est le nombre de personnes autour de la table et la diversité des personnes représentées ». Rennes a, dans ce cadre, proposé une action spécifique avec la mise en place d’une zone à trafic limitée spécifiant un horaire pour la livraison de marchandises. Sur ce sujet des aires de livraison, hautement symptomatique des problématiques de logistique urbaine, Jean-Philippe Elie, chef de projet numérique & développements service aux entreprises chez Logistic Low Carbon, était venu présenter l’application DeliveryPark, permettant au livreur de signaler sa présence sur une aire de livraison et lorsqu’il la libère. Une solution qui a intéressé la métropole de Lyon et ses 170 000 livraisons quotidiennes : « Nous sommes totalement saturés de 7 h du matin à 21 h ; avec l’inertie de l’aménagement du territoire, cela devient invivable. Nous devons mettre en place une ZFE-m et nous sommes obligés d’aller jusqu’à l’interdiction des Critair 2 dans le centre [en 2026]. Dans ces groupes de travail, nous avons trouvé une adhésion pour utiliser cet applicatif », explique Jean-Charles Kolhaas, vice-président déplacements, intermodalités et logistique urbaine de la métropole de Lyon.
Passer d’une logistique redoutée à une logistique souhaitée
Pour conclure cette journée d’échanges, une table ronde était l’occasion de souligner les avancées réalisées sur le sujet depuis l’année précédente, avec la mise en place d’expérimentations et d’expériences territoriales, autour d’un challenge commun décrit par Etienne Chauffour, directeur en charge des mobilités chez France Urbaine : passer de la logistique subie, voire redoutée, à une logistique souhaitée. « Sur le plan qualitatif, InTerLUD a permis de lancer des dynamiques complétement nouvelles dans certaines agglomérations, de relancer la concertation avec les acteurs économiques. Oui, bien sûr, il faut poursuivre les efforts pour toucher les territoires concernés et c’est tout l’enjeu d’InTerLUD+ dont le projet a été déposé hier [3 octobre 2022] », indiquait Pascal Berteaud, directeur général du Cerema. Y était bien sûr soulignée la place nouvelle prise par la logistique urbaine, devenue l’affaire de tous, selon Xavier-Yves Valère, chargé de mission politiques de fret et de logistique à la DGITM : « Alors qu’avant, il s’agissait plutôt d'une initiative privée, aujourd’hui, on voit bien que c’est de plus en plus une politique publique. On est donc obligés d’assoir des décisions privées et publiques aux différentes échelles ». Rendez-vous est désormais pris l’année prochaine avec un objectif de 100 EPCI, une volonté de travailler davantage avec les chargeurs, tout en musclant le côté évaluation et suivi des indicateurs afin de connaître les gains environnementaux concrets mis en place par ces actions de logistique urbaine durable. « Nous souhaitons poursuivre l'année prochaine les échanges entre collectivités, faire des visites de terrain, outiller les formations... », concluait Hélène de Solère.
Un rapport remis au Sénat
La prise en compte d'une logistique urbaine durable était d'autant plus visible cette année avec le document remis sur le sujet par les sénatrices Christine Herzog et Martine Filleul, ayant promu dans ce document la suite du programme InTerLUD.
Le 24 mai dernier était rendu public le rapport d’information remis au Sénat par les sénatrices Christine Herzog et Martine Filleul fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Un rapport portant sur la logistique urbaine durable et faisant 14 propositions « pour anticiper un défi majeur pour nos agglomérations ». Parmi les trois grands axes développés, le premier consiste à accompagner les collectivités territoriales pour qu’elles s’emparent du sujet logistique urbaine « car elles sont assez mal outillées, indiquait Martine Filleul. Et il apparaît, à travers les auditions que nous avons menées, qu’InTerLUD est un programme qui fonctionne bien et permet d'avancer vers une prise en compte des intérêts particuliers pour en faire des objectifs collectifs ». La deuxième grande conclusion aborde la nécessité d’harmoniser et innover dans le domaine de la logistique urbaine tandis que le troisième grand axe du rapport traite de sa durabilité. « On doit accompagner ceux qui n’ont pas de véhicules propres. Nous préconisons des prêts à taux zéro. Il faut également travailler sur le fluvial pour desservir les villes et aider VNF à avoir du foncier en bord canal tout en s’intégrant dans une chaîne avec les vélos cargos ». Dernier point : la sensibilisation du consommateur : « Ils peuvent aussi jouer un rôle important par rapport à la question du e-commerce et comment le rendre plus durable ». À cet égard, la sénatrice a rappelé sa volonté, avec Christine Herzog, de transformer une partie de ce rapport en une proposition de loi pour inscrire la logistique urbaine durable dans les textes définitifs.