Transversal
InTerLUD planche sur l'amélioration de la performance logistique des circuits courts
Accompagné de collectivités, fédérations, grossistes, chercheurs, associations de producteurs et chambres d'agricultures, le programme InTerLUD (Innovations territoriales et logistique urbaine durable) s'interrogeait, au cours d'un webinaire le 8 novembre dernier, sur les problématiques à affronter et les démarches à mettre en place dans le cadre d'une logistique alimentaire des circuits courts.
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Comment améliorer la performance logistique des circuits courts de proximité ? Comment augmenter la résilience alimentaire des collectivités ? Ce sont sur ces questions et bien d’autres que le webinaire organisé par InTerLUD (programme Innovations Territoriales et Logistique Urbaine Durable) souhaitait réfléchir le 8 novembre 2022. Un évènement organisé suite à une demande importante de sa communauté. « Environ 25 % de la population française habite dans un territoire engagé dans InTerLUD, expliquait Sébastien Desroques, chargé de mission logistique urbaine durable chez Logistic Low Carbon. Parmi eux, un tiers des collectivités a indiqué souhaiter travailler sur la thématique de la logistique alimentaire, et plus spécifiquement sur les circuits courts ». Pour répondre aux besoins de ce secteur, qui adresse 10 % du marché alimentaire national, InTerLUD a déjà rédigé une fiche méthodologique sur le sujet, accessible sur son site, notamment pour mettre en valeur les bonnes pratiques, et s’entourait ce jour-là de spécialistes du sujet, acteurs sur le terrain et chercheurs, pour interroger ce concept et ces complexités.
Différentes problématiques
Une des sujets de cette matinée : trouver des solutions d’optimisation des circuits courts et apporter une résilience dans les territoires en clarifiant les enjeux divers de ces CCAS (circuits courts alimentaires de proximité). Nécessité pour se faire de redéfinir ce qu’est un circuit court alimentaire de proximité, sujet sur lequel Suzanne Friedrich, chargée de projets R&D et innovation chez Sogaris a largement travaillé, au cours de la rédaction d'un mémoire intitulé Logistique urbaine de l’alimentaire. Analyse des chaines logistiques courtes ou de proximité. Selon le ministère de l’Agriculture, il s’agit d’ « un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire ». Celle de « circuit de proximité » est plus floue, car elle intègre la notion de local et définit une distance variable selon les réglementations, les produits et les territoires, pouvant aller de 30 à 250 km selon les institutions. Ces circuits sont concernés par de nombreuses problématiques décrites par Suzanne Friedrich : « La logistique des CCAP n’est pas une logistique des circuits longs en miniature et implique une multiplication des tâches logistiques », détaille-t-elle. La difficulté réside également dans la multitude de types de commercialisation (BtoB, BtoC, vente directe, Amap, marketplace). Et la question du modèle économique se pose également, le montant de ces tâches logistiques pour les producteurs pouvant être très élevé. « Cette logistique, dont les coûts peuvent représenter entre 20 et 30 % du chiffre d’affaires des producteurs, est souvent un des facteurs limitants du développement des circuits courts alimentaires de proximité », détaille InTerLUD dans sa fiche méthodologique. Enfin, se pose la question du transport et la manière de l’optimiser pour réduire l'empreinte carbone. Face à ces problématiques, quels sont les leviers d’action du territoire ? Ils passent par les réglementations françaises et européens (loi Egalim 1 et 2, Climat et Résilience, les directives de la PAC), mais aussi par la création de collectifs logistiques à l’échelle de la collectivité pour amener des « espaces relationnels » avec les producteurs. Suzanne Friedrich évoquait également les actions mises en place pour favoriser les liens entre campagne et ville afin de « reconnecter les bassins de production et de consommation ».
Le PAT, levier d'action pour les CCAP
Un des principaux leviers d’action pour mettre en œuvre un CCAP passe par le PAT (Projet alimentaire territorial). Celui-ci a pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux notamment dans les cantines. « Il offre un cadre de réflexion et une mise en concertation des différents acteurs de la chaine alimentaire. Ils a un rôle de facilitateur, d'accompagnement des projets d'aménagement et d'infrastructures en lien avec les questions alimentaires et logistiques », détaille Léna Pleuvergne, en chargée des sujets alimentation de proximité et agriculture urbaine à la Chambre d’Agriculture France. Le PAT va ainsi générer un rassemblement d’acteurs afin d’établir un diagnostic territorial dont le but est de mettre en avant les problématiques locales. Va en découler un plan d’actions concret à travers des démarches collectives de terrain. 403 PAT sont aujourd’hui recensés, portés à différentes échelles (communautés de communes, intercommunalités dont des métropoles, territoires de projet, départements). Les chambres d'agricultures sont à ce titre, de véritables relais dans la construction de ces PAT. En témoignait Christian Daniau, agriculteur et président de la chambre d’agriculture de la Charente, pour qui, l’ambition de départ est d’accompagner les producteurs vers une production durable, basée sur trois piliers : environnemental (produits plus propres), économique (« comment contractualiser dans le cadre des PAT des contrats permettant d’apporter de la rémunération aux agriculteurs ») et social (« travailler à rendre nos métiers séduisants »). Parmi les exemples de projets mis en place par la chambre d’agriculture de Charente, la plateforme Pensez local 16, pour un recensement et une mise en relation entre consommateurs et producteurs. Un projet né pendant les premiers jours du confinement, pour permettre aux producteurs mis dans l’incapacité de livrer la restauration collective, de vendre cette marchandise à des consommateurs de proximité. La démarche continue d’avancer aujourd’hui : « Cela passera par un outil logistique capable de collecter les produits chez les producteurs, de préparer les commandes dans un site centralisé et ensuite de les redistribuer soit chez des particuliers, soit dans des établissements collectifs ou chez les restaurateurs », décrit-il.
Autre illustration avec Flora Quarantin, coordinatrice du Projet Agriculture et Alimentation du Grand Angoulême. Son PAT, lancé en 2018, a notamment mené à la mise en place d'un espace test agricole de formation et de prise en main pour des porteurs de projets en maraîchage biologique, ou encore au développement du réseau "Bien mangez à l'école" venu valoriser l'approvisionnement local. Depuis un an, le Grand Angoulême développe par ailleurs un marché d'intérêt local, né du constat que l'alimentation, la production et la consommation étaient peu territorialisés. Destiné à proposer des produits de proximité aux métiers de bouche, il a amené les partenaires du PAT à se réunir pour réaliser un état des lieux : « À partir de ces sessions de travail, nous avons initié une étude d’opportunité : elle nous a permis de bien cerner les besoins des usagers de ce potentiel marché d’intérêt local, fournisseurs comme acheteurs. Cela nous a conduits à confirmer le besoin, notamment du côté des acheteurs en quête d’une solution logistique leur permettant de s’approvisionner au quotidien, avec un gros besoin de sourcing. De nombreux acteurs sur le territoire portent des initiatives allant dans le sens des circuits courts de proximité et il est important de les coordonner dans une approche concertée ».
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InTerLUDMettre les acteurs autour de la table
Bien que territorialisés, les circuits courts peuvent concerner des volumes importants, nécessitant d’atteindre des taux d’approvisionnement suffisants en produits locaux et labellisés. Dans ce cadre, Benoit Gilles, président du comité régional d’Interfel (Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais) Centre Val de Loire et directeur commercial du groupe Coerys (distributeur de produits frais), estime que « ce sont les grossistes qui ont les volumes, à la livraison et dans les entrepôts, ainsi que la capacité de répondre à des appels d’offres », enjoignant à les intégrer dans les CCAP pour avancer « tous ensemble ». Coerys développe des circuits courts de proximité et de produits locaux depuis déjà une quinzaine d’années, disposant aujourd’hui de cinq plateformes livrant l’Ile-de-France et la région Centre avec 140 collaborateurs : « Nous sourçons particulièrement les produits locaux et depuis environ cinq ans, nous accompagnons davantage nos clients chez les producteurs. Nous avons vu des besoins émerger que nous avons réussi à contractualiser, en mettant en lien la production et le client », détaille-t-il. Et face à la complexité renforcée sur l’amont, avec les évènements climatiques, les coûts en hausse pour les distributeurs, ou encore la problématique de main-d’œuvre, Benoît Gilles insiste, sous sa casquette de président du comité régional d’Interfel, sur le rôle crucial à jouer par l’interprofession en tant que coordinateur et organe représentatif : « Dans la mise en place de démarches d’approvisionnement locale durable, les interprofessions sont des interlocuteurs clés pour mettre les acteurs autour de la table, voir comment prendre en compte les schémas existants, et étudier tout ce qui peut être fait pour atteindre les objectifs que nous visons tous : alimenter nos concitoyens avec des produits locaux de qualité qui permettent de rémunérer correctement l'amont ».
Améliorer les circuits courts pour la restauration collective
Autre complexité abordée dans la mise en place des CCAP, celle de la restauration collective, parfois confrontée à des difficultés logistiques pour s’approvisionner localement malgré ses efforts. Parfaite illustration d'une logistique concertée avec AgriParis, opérateur mis sur pied, dans le cadre d'un PAT, par la Ville de Paris et ses partenaires, pour répondre aux objectifs de la loi EGalim de 50 % de repas durables, -la Ville assurant chaque année le service de 30 millions de repas aux crèches, écoles primaires, collèges, Ehpad municipaux, agents, etc. -« Nous visons 100 % en 2026 en fin de mandature dont 50 % en local, défini comme étant à 250 km autour de Paris. Nous atteindrons cet objectif avec des actions englobantes sur l'amont, l'aval, les filières et la formation », explique Théo Manesse, chargé de projet AgriParis. Romain Barbé, consultant logistique urbaine, évoquait de son côté la plateforme Mangez Béarnais de la collectivité de Pau, lancée initialement par 25 producteurs, pour une logistique plus intéressante en termes de coûts. « En 2019, des producteurs qui se sentaient exclus du marché des cantines. Suite à une grande concertation, ils ont identifié plusieurs freins : une logistique peu optimisée avec beaucoup de déplacements de véhicules peu remplis, mais aussi des problématiques autour du développement commercial. En effet, les petits producteurs n'avaient pas le temps, n'étaient pas à l’aise, n'avaient pas forcément connaissance des besoins de la restauration et ne savaient pas comment trouver et répondre aux appels d’offres. Ils se trouvaient face à un modèle industrialisé low cost dont ils se retrouvaient exclus, pour des raisons de quantité, à cause du prix et pour la typologie de produits. Ils ont vu qu’ils étaient souvent capables d’adapter leur offre, mais cela nécessitait de mieux connaître les besoins de la restauration collective et d'être certains des débouchés. Côté acheteurs, les cantines ont besoin de simplification et veulent avoir un catalogue avec un seul interlocuteur », détaille-t-il. La plateforme est aujourd’hui en train d’être montée avec un service de mutualisation de la partie commercialisation. Le projet s’appuie sur un transporteur local qui, à partir du moment où les livraisons arrivent sur la plateforme, va les préparer et les livrer dans le Béarn. Sur la partie amont, l’association gère pour le moment les co-transports avec les producteurs tandis que, dans un second temps, quatre ou cinq points de ramasses seront disséminés sur le territoire et les producteurs auront également le choix de livrer eux-mêmes le client final. Il existe en France une quarantaine de plateforme de ce type.