Transport
En progression, Haropa Port poursuit ses transformations
Malgré le contexte international incertain, Haropa Port évoque sa résistance aux vents contraires avec de bons résultats pour 2022. Cette année, le premier port français entend poursuivre ses investissements en déployant un écosystème industriel décarboné et en développant son corridor logistique multimodal.
©
Haropa Port
« Une année qu’il vaudrait mieux ne pas reproduire », c’est en ces termes que Daniel Havis, président du conseil de surveillance d’Haropa Port, décrit 2022. « Quelques crises ont traversé l’exercice, l’environnement économique a été marqué par une accumulation inédite de chocs exogènes qui ont pesé sur l’ensemble de l’activité et amené à l’inflation », détaille-t-il. Entre la hausse des prix, l’économie chinoise marquée par l’épidémie, le conflit russo-ukrainien, la crise énergétique et la sécheresse de l’été, le tableau général « guère réjouissant » n’empêche pas le quatrième port nord-européen, constitué du Havre, Rouen et Paris de se situer sur « une dynamique positive » et d’enregistrer de « bons résultats », selon Stéphane Raison, directeur général, président du directoire de Haropa Port.
Une hausse de 2 % des trafics maritimes
Pour le grand port fluvio-maritime de l’axe Seine rejoignant les ports du Havre, Rouen et Paris, le trafic maritime s’établit en 2022 à 85,1 millions de tonnes, en croissance de 2 %, par rapport à 2021. 14,2 millions de tonnes y concernent les vracs solides (soit une hausse de 3 %), dont 8,6 pour les céréales qui enregistrent une croissance de 12 %. Quant aux vracs liquides, leur trafic a été de 40,1 millions de tonnes soit +5 % d’augmentation, portés par la croissance du trafic de pétrole brut (+ 23,3 % à 18,8 Mt) grâce au « fonctionnement à plein régime de deux raffineries de l’axe Seine » malgré le contexte international ayant nécessité de revoir les sources d’approvisionnement. Le trafic de conteneurs s’établit de manière stable à 3,1 millions d’EVP par rapport au niveau record atteint l’an dernier avec 3 millions d’EVP. Des résultats montrant une progression de la part de marché d’Haropa Port dans un contexte de baisse du trafic de conteneurs sur les ports du range Nord. Le roulier est de son côté en baisse de 11 % dans un marché volatile. « Cette année pour Haropa est celle d’un changement d’échelle avec une bonne résistance aux turbulences due en partie aux orientations stratégiques validées par le conseil de surveillance mais aussi à de très grands projets », estime Daniel Havis.
555 millions d’investissements publics et privés en 2022 pour un écosystème décarboné
« 18 mois après sa création et après une année 2021 historique avec le franchissement du cap des 3 millions d’EVP, Haropa Port consolide ses positions. Au-delà de la résistance remarquable des trafics, des jalons essentiels ont été franchis au premier rang desquels l’annonce faite par le groupe MSC et sa filiale portuaire Til (Terminal Investments Limited) en juillet dernier d’investir 700 millions d’euros d’ici 2028 pour tripler son volume de conteneurs qui nous positionne comme une porte d’entrée majeure vers la France et l’Europe et nous donne les moyens de développer la desserte du bassin parisien par le fleuve », commente Stéphane Raison. Niveau investissements, ce sont par ailleurs en 2022, 555 millions d’euros qui ont été mis sur la table (251 venus du public et 304 du privé). Des financements mis au service de deux objectifs pour Haropa Port : celui de développer le premier écosystème industriel décarboné et de poursuivre la structuration de son corridor logistique multimodal.
« En 2022, 16 % de nos investissements concernent la transition écologique, ce sera 19 % en 2023 sur des branchements quai, accompagnement aux industriels… », spécifie Stéphane Raison. Cette stratégie s’inscrit dans cette ambition de créer un cluster industriel décarboné de pointe sur l’axe Seine. Une ambition qui s’illustre à travers divers projets, parmi lesquels la démarche ZIBAC (zone industrielle bas carbone) de l’axe Seine, développé dans le cadre de l’appel à projets de l’Ademe auquel ont répondu les trois zones industrialo-portuaires d’Haropa Port. Une liste prévisionnelle d’études de plus de 10 millions d’euros a été établie dans ce cadre pour préparer cette décarbonation. Autre projet : sur le port de Gennevilliers, l’entreprise Paprec a été choisie pour concevoir et exploiter la future usine de méthanisation des biodéchets de la population francilienne sur la plus grande plateforme multimodale de la région. Une nouvelle génération de stations multiénergies capables de distribuer de l’hydrogène pour les besoins du transport routier, puis du fluvial, devraient d’autre part être déployée sur les plateformes multimodales franciliennes de Gennevilliers, Bonneuil-sur-Marne, Limay, Bruyères-sur-Oise et Montereau. Un autre site devrait bénéficier de la production d’hydrogène renouvelable dans le cadre du projet Normand’Hy d’Air Liquide avec une capacité de 200 MW, celui de la zone industrialo-portuaire de port-Jérôme qui va accueillir le cluster industriel Plastic Valley, destiné au recyclage et à la production de plastique renouvelable de nouvelle génération.
©
Voxlog I Stéphane Raison et Daniel Havis (Haropa Port)Structurer un corridor logistique multimodal
Deuxième grande ambition, celle d’ancrer une position de logistique multimodale, une volonté à l’origine de la fusion des trois ports, désireux de développer ce couloir en mesure d’acheminer des marchandises du monde entier au cœur du premier bassin de consommation français. L’avancée est encore timide, puisqu’à fin octobre 2022, les parts du transport ferroviaire et fluvial sont passées de 12 à 13,3 % sur les conteneurs en sortie du Havre mais on peut noter une augmentation de 25 % de l’activité fluviale manutentionnée sur le terminal PTSA de Gennevilliers grâce au lancement de nouveaux services fluviaux (Greemodal/Hapag Lloyd en septembre 2022 et Fluviofeeder/Marfret en novembre 2022). Autre élément à prendre en compte : « Le projet d’investissement de 700 millions d’euros MSC TUIL avec la volonté de passer de 1,5 million d’EVP pour leur terminal à 4,5 à terme montre que le transbordement va être un nouvel élément dans le paysage. Normalement, ce hub va nous amener des volumes complémentaires en hinterland donc une partie du trafic français qui passe aujourd’hui par les ports belges et qui devrait à l’arrivée du nouvel outillage passer par le Havre », indique Stéphane Raison. Le 6 janvier 2023, la décision a d’autre part été prise d’attribuer le terminal de Bruyères-sur-Oise dans la construction du corridor, à Medlog, afin d’accompagner là aussi, un investissement initié par Til-MSC, « l’objectif étant d’éviter un million de trajets par la route sur dix ans » avec la réalisation d’un terminal trimodal ferroviaire et fluvial destiné à la desserte en conteneurs de la zone Grand Paris et ses bassins de consommation proches.
Montée en puissance du fluvial sur l’axe Seine
À moyen terme, le corridor logistique devrait d’autre part bénéficier de nouvelles infrastructures portuaires, à l’instar du Port Seine Métropole Ouest (travaux prévus en 2023) et le projet de la « chatière » consistant en une liaison fluviale entre les terminaux de Port 2000 et le port du Havre afin de favoriser le transport fluvial sur la Seine. Citons également les différentes démarches innovantes récemment mises en route, comme la livraison par la Seine réalisée par Ikea depuis décembre dernier.
D’autres projets se dessinent, notamment avec la retenue de 21 dossiers pour le premier Appel à manifestation d’intérêt en octobre 2022 pour développer une logistique urbaine fluviale et décarbonée sur 32 sites de l’axe Seine. Sur le sujet de la logistique urbaine durable, le directoire d’Haropa Port a également, début janvier 2023, attribué l’appel à projets Austerlitz sur un bâtiment de 6 000 m², au groupe immobilier Sogaris, avec l’objectif d’y redévelopper une logistique fluviale intégrée dans le quartier. « Sogaris va déployer une trentaine de millions d’euros d’investissements pour développer le bâtiment, le transformer, lui redonner une vocation logistique fluviale et aussi accueillir sur les étages supérieurs des activités ouvertes sur le quartier permettant d’avoir un projet mixte qui s’intègre dans cet environnement très urbain », détaille Florian Weyer, directeur général délégué d’Haropa Port. 1 500 m² seront consacrés à la logistique dans les étages inférieurs du site qui intégrera aussi de la logistique décarbonée, probablement en électrique, pour de la distribution urbaine. Cette montée en puissance du fluvial sur l’axe Seine devrait se poursuivre à l’avenir notamment avec la tenue des Jeux Olympiques et paralympiques en 2024, estime Haropa Port. Au final, « ces annonces préfigurent quelque chose de très important pour nous dans la construction du corridor logistique industriel, indique Stéphane Raison. Et dans les années qui viennent, c’est dans ce corridor que nous avons un intérêt à assembler chacune des places pour aller du Havre à Paris et couvrir la totalité de la France dès qu’on le peut avec le ferroviaire ».