Prestataires
"Notre plus gros challenge, c’est l’évangélisation et la pédagogie"
Né en 2020, Deki se présente comme le premier fournisseur de solutions de livraisons 100 % décarbonées à destination des chargeurs et des logisticiens. Béatrice Leduby, CEO de Deki, détaille les prémices de la start-up et ses ambitions.
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Deki
Dans quel contexte avez-vous créé Deki ?
Nous sommes trois cofondateurs, chacun venant d’horizons différents. Mes deux partenaires (Emmanuelle Champaud et Gwenaël Kervajan), avaient, comme beaucoup de citadins, des difficultés à circuler, notamment à cause des camions de livraison. J’avais, de mon côté, une entreprise de parfums à Aubagne (13). Toute l’équipe prenait soin de respecter le cahier des charges pour le sourcing de la matière première. Mais lorsque les camions venaient chercher les palettes, je les voyais repartir à moitié pleins. Quel dommage que le transport ne soit pas optimisé : tous nos efforts se trouvaient réduits à néant. Nous avons répondu à un appel à projets de la Région Sud et de l’Ademe sur la transition écologique et économique des entreprises et avons été lauréats. Cela nous a conduits à fonder Deki, le 1er juillet 2020.
Comment votre solution fonctionne-t-elle concrètement ?
La solution s’appuie sur l’intelligence artificielle pour optimiser et réduire l’impact des livraisons en ville. Notre start-up se présente comme un intermédiaire : nous ne transportons pas, nous avons consolidé une capacité de livraison avec des prestataires, à l’instar d’un commissionnaire. Cette solution est exécutée avec un SaaS métier que nous avons conçu et qui permet à chacun de nos clients de bénéficier d’un pilotage en temps réel de ses marchandises. Notre outil, basé sur un algorithme, nous permet d’identifier le meilleur prestataire parmi tous nos affiliés. Chacun de nos clients dispose d’un espace sécurisé sur la solution où il transmet à Deki ses besoins en termes de livraison et où il peut, en parallèle, vérifier l’avancement de sa livraison et son impact (économie de CO2, réduction de la distance…). Pour certains d’entre eux, notamment les transporteurs, il est possible de plugger notre outil sur leur système d’information afin de transmettre par EDI leurs demandes de livraison de façon fiable et sécurisée. Nous vendons ainsi une prestation de transport à forte valeur ajoutée grâce à l’optimisation et à l’accès aux mesures d’impact. Notre réseau est constitué de partenaire engagés et 100 % décarbonés : cyclo-logistique, véhicules quatre roues électriques et demain toutes les solutions décarbonées disponibles.
Quelles ont été les étapes de votre développement depuis 2020 ?
Entre octobre 2020 et mars 2022, nous avons été incubés chez Zebox, spécialiste de la logistique 4.0, initié par le groupe CMA CGM, ce qui nous a permis de confronter notre concept au marché du transport. Nous avons réalisé un POC sur la ville de Marseille, que nous avons expérimenté pendant 12 mois à compter d’avril 2021. C’est ainsi que Deki a été lancé, le premier fournisseur de solutions de livraisons 100 % décarbonées à destination des chargeurs et des logisticiens. Depuis le début d’année 2022, nous facturons nos premiers clients. Nous avons un groupe de prestataires affiliés à Marseille, notre première implantation, ainsi qu’à Lyon et à Paris depuis la rentrée 2022. Notre équipe est aujourd’hui constituée de cinq personnes avec trois collaborateurs dédiés au développement et à l’IA : un data scientist et deux développeurs codeurs. Un responsable grands comptes ainsi qu’une responsable communication nous ont également rejoints et nous pensons être le double au mois de juin prochain. Nous comptons actuellement une dizaine de clients, comprenant des industriels, des transporteurs, des enseignes et des commerçants comme Lego, Ralph Lauren, Printemps, le centre commercial marseillais Les Terrasses du Port… Le groupe Sealogis, spécialiste du transport et de la logistique, en fait partie. Ce dernier exécute au nom de ses clients des prestations de transport et de logistique mais ne dispose pas de prestations décarbonées. Or, certains de ses clients, comme la marque Bonton, exigent une livraison zéro carbone ce qui a amené Sealogis à se tourner vers Deki.
Proposer des solutions décarbonées rentre de plus en plus dans les mœurs de la logistique du dernier kilomètre, avez-vous encore besoin d’éduquer pour trouver de nouveaux clients ?
En effet, c’est un sujet de plus en plus important et, avec la mise en place des ZFE, c’est même devenu une nécessité. Nous ne croulons pas encore sous les demandes mais nous disposons d’une très forte écoute. Aujourd’hui, beaucoup pensent faire de la livraison décarbonée alors que ce n’est pas toujours le cas. La plupart des acteurs de la logistique urbaine sont soit partiellement décarbonés, soit neutres en carbone, c’est-à-dire émettent puis compensent. Chez Deki, nous n’émettons rien, nous ne compensons donc pas, il n’y a aucune nuisance. Notre plus gros challenge, c’est l’évangélisation et la pédagogie auprès des clients et des donneurs d’ordres. Car si tout le monde est intimement convaincu qu’il faut le faire, cela nécessite quand même des changements au sein d’une entreprise et peut provoquer certains freins.
Vous avez reçu en octobre dernier le label GreenTech Innovation de la part du ministre de la Transition écologique. En quoi cela va-t-il vous permettre d’asseoir vos ambitions ?
C’est avant tout, une grande fierté pour l’équipe et cela constitue une première assise pour le développement de Deki. Cela montre une vraie reconnaissance de la part du métier et de l’État de ce que nous avons développé, ainsi qu’une validation de l’impact réel que nous avons : être le premier outil à mettre l’impact comme critère de choix des prestataires, le meilleur d’entre eux n’étant pas le moins cher mais celui qui préserve la planète. D’autant que celui-ci sera plus efficient, car il utilisera moins de ressources pour faire la même chose.
Quelles sont vos ambitions de développement ?
Nous privilégions la qualité de notre service pour nos clients. Nous avons donc choisi de nous déployer par étape : Marseille, Lyon et Paris sont déjà opérationnelles et nous visons l’implantation dans 10 nouvelles métropoles d’ici fin 2023. Nous sommes actuellement en cours de levée de fonds, à hauteur d'un million d'euros, que nous devrions boucler d’ici mars prochain. Cela nous permettra d’atteindre 1,6 million d’euros de chiffre d’affaires et l’équilibre dès 2024. Notre feuille de route à cinq ans est d’atteindre, dix millions d'euros de chiffre d’affaires. Nous nous assurons également que nos fournisseurs garantissent des salaires corrects et une protection sociale à leurs équipes de livraison à travers un cahier des charges sur lequel ils s’engagent. Nous avons besoin de préserver les niveaux de rémunération et de redonner de la valeur à la livraison du dernier kilomètre pour pouvoir garantir à cette filière de sortir de « l’uberisation » et d’avoir accès à des formations.