Les labels de durabilité sont-ils gages d’une amélioration de la performance opérationnelle de votre supply chain ?

Label Diversité, Ecovadis, B-Corp, Ecocert… Certains acteurs n’hésitent pas à souligner que les labels de durabilité n’ont jamais été aussi pertinents et nécessaires, qu’ils vont permettre de donner du sens aux consommateurs, aux producteurs, de se développer à l’international… et de renforcer l’image et la réputation des entreprises qui s’y engagent ! Ces demandes de certification sont en train d’exploser ! Et pourtant ? D’un point de vue purement opérationnel, font-ils une quelconque différence ?

Bien que les labels de durabilité sont surtout reconnus comme étant utiles pour évaluer les pratiques environnementales et sociales d'une entreprise de manière générale, nous avons mené une étude qui avait comme objectif de voir s’ils peuvent, en particulier, garantir une performance opérationnelle supérieure de la supply chain. Généralement, les entreprises se concentrent sur l’obtention de labels pour des raisons de marketing et jusque-là aucune étude n’avait cherché à savoir si ceux-ci peuvent aussi améliorer la performance opérationnelle de la supply chain.

Bien sûr, l'objectif premier des labels de durabilité n'est pas d'améliorer la performance opérationnelle de la supply chain. Néanmoins, pour obtenir ces labels, les entreprises doivent répondre à une batterie de questions dans laquelle se trouvent le plus souvent des aspects liés aux achats, à la production et à la logistique. Par exemple, pour le label international “B-Corp” (Benefit Corporations), qui certifie aujourd’hui plus de 5000 entreprises dans le monde dont près de 200 en France (ex : Sézane, Picture, Danone, Michel et Augustin, Nature & Découvertes ou encore le Slip Français), les entreprises doivent indiquer : la tenue d’une évaluation et d’une forme de contrôle social et environnemental des fournisseurs, la réalisation d’un code de conduite des fournisseurs, les actions menées pour améliorer la transparence liée aux fournisseurs, et les actions pour la gestion environnementale liée au transport et des déchets dans la supply chain… Ainsi, compte tenu de l’ensemble des aspects de supply chain management identifiés dans les éléments de certification, il est à penser qu’une forme de synergie puisse exister entre labellisation et performance opérationnelle de la supply chain. En effet, pour atteindre les objectifs fixés par les labels de durabilité, les entreprises sont amenées à revoir leurs processus, à investir, ce qui peut leur laisser espérer également une amélioration de la performance de leur supply chain. En bref : d’une pierre deux coups.

Nous avons donc sondé 177 répondants travaillant pour des entreprises situées en Europe et présentant une expérience significative dans le management de la supply chain et des achats : 56 % de nos répondants ont plus de neuf ans d’expérience dans ces domaines. Dans notre échantillon, 42 % des entreprises n’adoptent aucun label de durabilité (ni à visée sociale ni même environnementale), 30 % adoptent au moins un type de label (soit sur le volet social, soit environnemental) et 28 % des entreprises adoptent au moins à la fois un label pour l’aspect social et un label pour la dimension environnementale. Notre étude montre également que 62 % des entreprises de l’échantillon ont adopté un label environnemental contre 55 % qui ont adopté un label social. Il faut dire que les entreprises présentent aujourd’hui une plus grande maturité dans leur prise en compte des enjeux environnementaux plutôt que sociaux, et ce en lien avec un cadre réglementaire et coercitif ayant plus rapidement évolué sur le premier aspect que le second.

Dans cette étude, nous nous sommes concentrées sur les avantages pratiques de ces labels. Pour ce faire, nous avons d’abord statistiquement démontré que les pratiques de responsabilité sociétale des achats avaient un impact positif et significatif sur la performance opérationnelle des supply chains. Le questionnement était alors le suivant : est-ce que posséder un label de durabilité fait une différence ? Est-ce que les entreprises labellisées voient un plus grand impact des pratiques responsables des achats sur la performance opérationnelle de la supply chain ?

La réponse est claire : non. Nous avons constaté que les entreprises possédant au moins un label de durabilité, qu’il soit à visée sociale ou environnementale, ne présentaient pas de liens statistiques plus forts entre la responsabilité sociale des achats et la performance opérationnelle de la supply chain que celles qui ne possédaient aucun label de durabilité. Ce résultat laisse suggérer une forme de “greenwashing” ou “social-washing” à l’endroit du supply chain management. Bien sûr, on ne peut pas nier les effets positifs de l’obtention de ces labels sur l’attractivité marketing de l’entreprise ni même la prise en compte de manière générale des enjeux environnementaux et sociaux par une entreprise cherchant à être labellisée. Néanmoins, il serait présomptueux pour les entreprises que de mettre en avant, dans des services supply chain management visant le plus souvent l’optimisation des processus opérationnels, une forme de synergie vertueuse émanant de la labellisation.

En conclusion, les labels de durabilité peuvent être utiles pour évaluer les pratiques responsables des entreprises. Même s’ils peuvent contribuer à identifier et évaluer les risques environnementaux, sociaux tout au long de leur supply chain, notre étude montre qu’ils ne garantissent pas une meilleure performance opérationnelle.