media supply chain
et logistique

Transversal

« Le don aux associations devient un moyen de challenger la performance économique du fonctionnement supply des entreprises »

Acteur de l'économie circulaire, Comerso fonde son modèle sur la mise en relation entre des sociétés (distributeurs, industriels) possédant des invendus alimentaires et non alimentaires et des associations désireuses de les recevoir. Pour gérer le parcours logistique et la traçabilité de chaque produit, l'entreprise à mission s'appuie sur une équipe transport dédiée ainsi que sur un logiciel développé en interne.

Publié le 2 mai 2023 - 17h00
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Comerso

L’histoire tire ses racines en 2008. Pierre-Yves Pasquier travaille alors chez Danone et se retrouve chez un client d’une enseigne de la distribution alimentaire à Paris qui se plaint d’avoir à jeter ses invendus, tandis qu'en sortant du magasin, le jeune commercial croise une personne faisant la manche dans la rue. « Je me suis dit : comment est-il possible que dans un pays aussi avancé que la France, on en soit encore là, avec une problématique de gestion des articles en fin de vie par une société, alors qu’à quelques mètres se trouve une personne qui ne mange pas à sa faim et qui pourrait être la solution… », se souvient Pierre-Yves Pasquier, qui garde alors l’idée en tête, voit le sujet de « l’anti-gaspi » prendre de l'ampleur au cours des années, et fonde finalement Comerso en 2013, venue « rendre de la valeur aux invendus ».


67 millions d’euros de marchandises sauvés des poubelles en 2022

 

À l’époque créée sur un modèle d’interconnexion physique entre des points de vente de la distribution alimentaire et des associations caritatives directement livrées avec des produits non vendus, l'entreprise à mission a conservé sur ses fondamentaux au cours du temps, à la différence près qu’elle a ouvert sa solution à des produits non alimentaires – « Nous sommes aujourd’hui capables de valoriser également du textile, des appareils technologiques ou encore de l’ameublement »- et a remonté la chaîne de valeur pour travailler également auprès des entrepôts et des fabricants. « Le même objectif demeure : traiter des surstocks en petite ou grosse quantité pour ne plus jeter les produits, que ce soit 50 palettes d’une seule référence ou un caddy dans un magasin multi-référence. Et notre principe n’a pas changé : faire faire des économies aux entreprises et simplifier les approvisionnements des associations », poursuit Pierre-Yves Pasquier. L’intérêt est en effet économique pour les enseignes, sur deux aspects. D’une part, les produits non jetés sont autant de coûts de déchets évités pour la société : « Ceux-ci coûtent de plus en plus chers à cause de l’inflation et pour une question de législation, puisque l’État français, par des systèmes d’incitations fiscales, augmente le coût du traitement à la tonne du déchet notamment par le mécanisme de la TGAP [Taxe générale sur les activités polluantes] ». En plus de leur permettre d’économiser ce traitement, le cœur du modèle économique de Comerso résidant dans le don de produits aux associations, il leur offre la possibilité d’autre part de bénéficier d’une réduction d’impôt de 60 % sur la valeur du stock donné. « Résultat : sur 2022, nos clients ont généré 67 millions d’euros d’économie » : 40 millions d’euros de valeur de marchandise alimentaires et 27 millions de non alimentaires ont été sauvés des poubelles.


Une solution 50 % digitale, 50 % opérationnelle

Pour simplifier cette relation entre entreprises et associations, le modèle de Comerso se base à 50 % sur de l’opérationnel et à 50 % sur de la digitalisation. « Nous avons développé un logiciel en interne qui permet de simplifier l’interconnexion entre les acteurs, de sécuriser la traçabilité et de gérer toutes les formalités administratives pour prouver que les produits ont bien été donnés aux associations », détaille le fondateur. Niveau opérationnel, la société vient gérer et assurer le parcours logistique de chaque produit :« Soit c’est l’association qui vient chercher directement la marchandise car elle dispose de l’outil nécessaire pour la collecter, soit elle ne l’a pas ou il n’est pas disponible et dans ce cas, nous allons nous charger nous-mêmes de l’affrètement en achetant du transport -VL, poids-lourds, complet ou pas- de manière à récupérer la marchandise et livrer directement l’association bénéficiaire ». L’affrètement par la société représente actuellement un tiers des opérations réalisées, ses premiers clients étant les GMS qui  fonctionnent à plus de 95 % en direct avec les associations car cela concerne souvent de plus petites quantités en local. « En revanche, lorsque nous travaillons avec des fabricants, nous nous situons plutôt dans un rapport inverse avec de plus grosses quantités à gérer en affrètement ». Concrètement, l’équipe transports de Comerso va recevoir les demandes d’enlèvement de ses clients qu’elle va traiter avec les associations partenaires du magasin ou à proximité. « Nous prenons contact avec elles pour savoir si elles sont intéressées et calons ensuite un rendez-vous avec l’entrepôt ou le magasin pour l’enlèvement, décrit Thomas Cherbuy, responsable transport de Comerso. Nous créons nos commandes pour que le suivi s’opère et que la donation se retrouve dans notre système informatique. Lorsque l’association ne peut pas se déplacer, nous travaillons avec nos prestataires de transport qui s’occupent de trouver un camion correspondant aux critères du client. Nous essayons, principalement pour des questions écologiques, de travailler en local ». Au global, les différents cas d’usages sont réduits avec une réplicabilité des sujets étant donné les similitudes de fonctionnement des associations, ce qui permet à Comerso de standardiser sa gestion logistique. Une gestion qui compte néanmoins ses problématiques quotidiennes gérées par l’équipe transport :« Lorsque nous recevons des propositions de dons dans le frais, nous nous assurons que les DLC soient valides en amont pour ne pas donner des produits impropres aux associations. Nous sommes également vigilants au respect de la chaîne du froid en ce qui concerne les produits frais, ce qui nous amène à travailler avec des prestataires logistiques frigo et surgelés et à valider que les associations aient des chambres froides si besoin. Nous devons aussi vérifier systématiquement l’accessibilité en transport et trouver les solutions de livraison adéquates selon les profils des associations et leur capacité de stockage : si elles sont dotées d’un quai, d’une cave, d’un garage…», décrit Thomas Cherbuy.


Une traçabilité sans faille

 

La plus grosse commande de l’entreprise remonte à mi-février 2023, où elle s’est vue confier la gestion de 1 800 palettes réparties sur plusieurs sites en France. Un volume exceptionnel l’ayant amenée à gérer le transport avec un système de camions complets et semi-complets. « Pour ce lot, nous avons reçu un fichier Excel du client avec les références et les quantités. Nous nous sommes ensuite occupés de les dispatcher : nous avons fait un point sur les besoins en France des Restos de Cœur, de la Banque alimentaire, et de la Croix Rouge et sur les lieux qui étaient susceptibles de recevoir de grandes quantités de marchandises. Puis nous avons contacté de plus petites associations avec un système de newsletters », décrit Thomas Cherbuy, Au total, l’entreprise aura, sur cette opération, travaillé pendant six semaines avec plus d’une centaine d’associations différentes sur les 2 500 partenaires de Comerso pré-enregistrées dans son logiciel. « Elles sont flaguées dans notre système avec leur mission, leur typologie de produits et leur capacité d’absorption, décrit Pierre-Yves Pasquier. Lorsqu’une association nous informe qu’elle veut bien prendre X palettes, nous envoyons à notre client une commande correspondante qui devient un lot. Celui-ci est sérialisé et rentré dans notre système d’information ». Ce lot, appelé « deal » par Comerso est identifié par un ID unique et suivi dans son avancement, à la manière d’un numéro de commande associé à un bon de livraison dans l’e-commerce, car même dans le domaine du don, les livraisons nécessitent une traçabilité sans faille.« L’association doit confirmer la réception de la livraison, soit directement sur la plateforme avec son accès réservé, soit via un boîtier IoT connecté à notre système. Chaque association bénéficiaire a un code confidentiel, qu’elle vient rentrer sur ce boîtier qui vaut signature électronique ». 


Comerso se déploie en Espagne


Labélisée B Corp, la plateforme anti-gaspillage s’appuie aujourd’hui sur une équipe de 45 personnes et compte plus de 2 200 clients en France (parmi lesquels Nocibé, Groupe Carrefour, Decathlon, Fnac Darty, Danone, E. Leclerc, Système U, Intermarché, L'Oréal, Besson Chaussures...). « Nous maillons l’entièreté du territoire français, y compris la Guadeloupe et la Martinique, indique le fondateur de Comerso. Parallèlement à cela, un projet d’uniformisation et d’exemplarité se met en place au niveau européen, à l’initiative de certains pays membres, entrainant de nouvelles législations similaires au système français avec interdiction de détruire les invendus. C’est la raison pour laquelle nous nous déployons actuellement en Espagne ce qui vient doubler la taille du marché adressable par Comerso ». Un marché qui suit une tendance haussière au même rythme que l’évolution des mentalités sur la notion d’anti-gaspillage : selon la dernière étude Comerso, 58 % des professionnels du secteur non alimentaire déclarent que le sujet de valorisation des invendus est important dans le contexte actuel d’inflation et d’enjeu de sauvegarde des marges : « Le don aux associations devient un moyen de challenger la performance économique du fonctionnement supply des entreprises, tout en renforçant leur stratégie RSE, juge Pierre-Yves Pasquier. Il est important de faire émerger ce sujet de l’anti-gaspi qui est un problème généralisé dans les entreprises, en les invitant à faire le tour de leur process pour voir comment sont traités leurs invendus et invendables. Rares sont celles qui sont totalement organisées sur cet aspect-là, c’est là où notre accompagnement prend tout son sens ».

 

 Comerso

 

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