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Immobilier logistique : sur la voie rapide de l’e-mobilité

La révolution de la mobilité électrique nécessite une expansion massive de l'infrastructure. Mais cela représente un défi qu'il ne faut pas sous-estimer et qui appelle de nouvelles approches créatives pour le relever. Les centres logistiques pourraient fournir l'espace si précieux et résoudre ainsi la problématique du manque de stations de recharge. Une tribune de David Marquina, chief development officer chez P3 Logistic Parks Europe.

Publié le 8 mai 2023 - 15h00
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iStock I Chesky_W.

À la veille d’une révolution de la mobilité

La transformation de la mobilité a depuis longtemps cessé d'être une question marginale pour devenir, lentement mais sûrement, une véritable nécessité afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre à long terme. Il est de la responsabilité de la société dans son ensemble de se concentrer sur une plus grande durabilité, un sujet politiquement explosif de surcroît. En effet, initialement prévue pour 2035, la décision imposée par les institutions européennes d’interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique se heurte à des oppositions de plus en plus grandes de la part de l’Italie, de la Pologne, de la Bulgarie et surtout de l’Allemagne.


La part des véhicules électriques sur le marché est encore modeste, ce qui n'est pas surprenant. Dans l’Union européenne, en 2022, 12,1 % des voitures neuves vendues étaient électriques d’après les chiffres publiés début février par l’Association des constructeurs (ACEA), qui représente les quinze plus gros constructeurs en Europe. En outre, selon le dernier relevé réalisé par l’Avere France (l’association de promotion du véhicule électrique), un peu plus de 82.000 points de charge étaient installés en France au 31 décembre 2022. L’objectif fixé par le gouvernement de 100.000 bornes sur le territoire a donc de nouveau été manqué l’an dernier, après un premier échec en 2021. Car ce n'est qu'avec une infrastructure adéquate qu'il y a une réelle incitation à passer à la mobilité électrique. Les exemples de développements antérieurs dans le domaine de la mobilité sont porteurs d'espoir. Un exemple bien connu est celui du passage des calèches aux véhicules motorisés. Après un développement progressif, une généralisation rapide a suivi à partir du milieu du XXe siècle. Nous pourrions, nous aussi, être à la veille d'un tel tournant.

Le cadre juridique favorise les efforts d'innovation


L'utilisation de véhicules électriques est également un sujet plus en plus central dans le domaine de la logistique. Dans le sillage de l'accord de Paris sur le climat, de plus en plus de villes européennes prévoient d'interdire les véhicules thermiques dans un avenir proche. La plupart des camionnettes utilisées par les services de messagerie et de livraison de colis fonctionnent avec des moteurs diesel et ne sont donc pas en mesure de relier les centres logistiques situés à la périphérie des villes et les destinations urbaines. En Espagne, Madrid et Barcelone ont déjà instauré des dispositifs de restriction de circulation. En France, Paris souhaite imposer une interdiction totale de la conduite au diesel à partir de 2024, et la Norvège prévoit d'être le premier pays à introduire une interdiction à l'échelle nationale d'ici 2025.


Contrairement à ce que l'on prétend souvent, les véhicules lourds et la mobilité électrique ne sont plus incompatibles, notamment parce que les constructeurs automobiles ont été en mesure d'améliorer considérablement les performances des batteries lithium-ion et des moteurs électriques. Ainsi, la Deutsche Post a pour objectif de faire passer la part de sa flotte de véhicules électriques sur le dernier kilomètre de 18 à 60 % dans le monde d'ici à 2030, et Tesla a programmé la production en série du Semi pour cette année avec un objectif de 50.000 unités par an en 2024.


Plus que de simples bornes de recharge


La mise en place d'une infrastructure de recharge rapide à l'échelle nationale nécessite plusieurs centaines de milliers de points de recharge et des milliers de stations de la taille d'une station-service. Or, les stations-service ne peuvent à elles seules fournir l'infrastructure de recharge nécessaire à la transition de la mobilité à une échelle suffisante. Les opérateurs ne peuvent pas non plus se contenter de convertir leurs installations, car la majorité des véhicules continueront à fonctionner aux carburants fossiles à moyen terme. Les bornes de recharge installées dans les supermarchés, les hôtels ou les arrêts de train ne suffisent pas non plus à répondre à une demande en forte croissance. Le goulet d'étranglement crucial de l'électrification n'est pas l'équipement technique ou les ressources, mais le manque d'espace.


Or, il y a de l'espace là où les camions et les camionnettes à électrifier entrent et sortent : dans les installations logistiques. Il existe des aires de stationnement sur les sites qui offrent de l'espace pour les bornes de recharge, et les sites sont également situés dans des agglomérations ou des centres de transport avec des connexions pratiques aux autoroutes. En raison de la part de marché croissante du e-commerce, la demande d'immeubles logistiques et d'entrepôts enregistre des taux de croissance élevés. Les investissements atteignent sans cesse de nouveaux sommets et, d'ici 2030, en Allemagne, la demande annuelle de nouveaux espaces avoisinera les 7 millions de mètres carrés. Si les gestionnaires de projets prennent en compte diverses solutions de mobilité électrique lors de la conception de ces sites logistiques, les entreprises de logistique pourraient s'imposer comme un moteur important de l'infrastructure de recharge.


Toutefois, les bornes de recharge ne suffisent pas, à elles seules, pour l'infrastructure électrique du futur ; le chargement de grandes batteries pour les camions en particulier nécessite une réorganisation des bâtiments et de l'infrastructure adjacente. Les batteries des camions et des véhicules « propres » doivent déjà pouvoir être connectées au réseau pendant les opérations de chargement et de déchargement aux portes afin de réduire les temps d'arrêt. Les centres logistiques du futur pourraient également fournir de l'électricité à toutes sortes de véhicules électriques, qu'il s'agisse de véhicules de 40 tonnes, de camionnettes ou de vélos électriques.


Les immeubles logistiques dotés d'une infrastructure électrique permettent notamment à leurs locataires – c'est-à-dire à de nombreuses entreprises industrielles et commerciales – de s'initier plus facilement à l'électromobilité. Les sites où de nombreux employés utilisent des véhicules électriques, tels que les e-commerçants ou les entreprises de logistique et de services postaux, en profitent particulièrement. DHL a déjà installé plusieurs milliers de bornes de recharge sur des sites logistiques en Allemagne. Le service de livraison de colis réaménage les centres logistiques existants à cette fin et planifie de nouveaux sites dotés d'une infrastructure intégrée pour les véhicules électriques.


Les entreprises de logistique pourraient produire et proposer de l'électricité verte


Les véhicules de livraison électriques ne rejettent pas d'émissions sur le dernier kilomètre dans les villes, mais la neutralité en termes de CO2 dépend du type d'électricité fourni par les stations de recharge. Or, les bâtiments logistiques sont de plus en plus souvent équipés de systèmes photovoltaïques à grande échelle sur leurs toits. Des éoliennes pourraient même bientôt faire partie de l'équipement. Les opérateurs auraient la possibilité de combiner les sources d'énergie verte dans un micro-réseau à l'échelle du parc qui fournirait de l'énergie renouvelable à tous les locataires, y compris des stations de recharge rapide pour les véhicules commerciaux. L'électricité produite par ce micro-réseau pourrait même être utilisée pour une station-service pour véhicules électriques sur site, où les utilisateurs privés rechargeraient leurs véhicules moyennant paiement.


Pour les sites logistiques, il existe un potentiel immense pour de nombreuses applications. Les opérateurs peuvent soutenir l'approvisionnement en énergie verte et offrir aux propriétaires de véhicules électriques un service indispensable.


Les promoteurs immobiliers désireux d'innover pourraient non seulement fournir à leurs locataires l'énergie nécessaire à leurs véhicules, mais aussi leur donner accès à ces véhicules. Il s'agirait là d'un tout nouveau modèle d'entreprise, dans lequel l'immobilier logistique passerait du statut de simple espace d'entreposage, de préparation de commandes et de distribution de marchandises à celui de producteur d'électricité durable et de loueur de véhicules électriques. Ils peuvent ainsi apporter une contribution précieuse sur la voie de la mobilité durable et façonner activement ce processus.

 

Présentation de l'auteur :

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David Marquina est directeur du développement européen au sein de P3 Logistic Parks depuis 2019 et il a assuré le poste de Directeur Général France en intérim ces derniers mois, avant l’arrivée d’Adrien Beuriot. David Marquina a rejoint P3 en 2016 lorsque TPG a fusionné son portefeuille de propriétés logistiques Almindus en Espagne avec la plateforme logistique du groupe P3. Jusqu'alors, il occupait le poste de directeur général d'Almindus depuis 2014. David Marquina a plus de 20 ans d'expérience dans le secteur de l'immobilier et du développement logistique. Avant de rejoindre Almindus, il était managing partner de la société de services immobiliers commerciaux Tasinsa, qui a des bureaux à Barcelone et à Madrid depuis 2007. Auparavant, il était directeur de l'équipe commerciale de l'agent immobilier Bourgeois Fincas. David Marquina est titulaire d'un diplôme en droit et urbanisme de l'université autonome de Barcelone et d’un Master en legal practice and project management, construction and planning. Il est membre fondateur du Barcelona Urban Cluster.

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