Immobilier
Face à face : Laurent Sabatucci, directeur associé d’EOL
Le marché de l’immobilier logistique français observe un léger recul sur 2022 avec une demande placée s’élevant à 3,3 millions de m², en baisse de 13 % comparé à 2021. Quid de 2023 et de la stratégie mise en place par EOL pour les mois et années à venir ? Réponses avec Laurent Sabatucci, directeur associé d’EOL, expert en immobilier à vocation industrielle et logistique.
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DAME DE PICS
Lors de notre dernier entretien en 2020, nous nous étions quittés sur une note prudente face la crise. EOL espérait, au travers d’une organisation agile, retrouver un chiffre d’affaires stable d’ici fin 2021. Nous voici début 2023. Comment avez-vous passé ces derniers mois ?
Dès 2020, nous avions anticipé une forte baisse et effectivement, notre chiffre d’affaires a diminué de 25 % sur cette période. Puis, nous avons finalement été très surpris par la vigueur de la reprise. En 2021 et en 2022, nous avons progressé de plus de 30 %. Honnêtement, je n’aurais pas imaginé une relance aussi forte sur les actifs immobiliers logistiques qui se sont d’ailleurs particulièrement démarqués par rapport aux autres types d’actifs. La vigueur de la reprise doit nous laisser optimiste quant à la capacité de notre pays à avancer.
En 2022, le marché de l’immobilier logistique français a finalement observé un léger recul, notamment au dernier trimestre. Néanmoins, le bilan reste donc plutôt positif pour EOL ?
Oui, nous sommes à l’image du marché, nous le suivons et avons donc pleinement bénéficié de l’intérêt de tous les acteurs pour la logistique. Qu’il s’agisse d’e-commerce, de stocks de sécurité, d’investissements…, le besoin des utilisateurs a été croissant ces dernières années. Tout le marché a réalisé des chiffres équivalents à ceux de 2019, qui à l’époque étaient déjà records. Néanmoins, il y a eu un léger ralentissement sur le dernier trimestre. Nous avons fini à 3,3 millions versus 3,8 en 2021. Pourquoi cette baisse ? La demande de bâtiments diminue car l’e-commerce et la consommation des ménages français sont en baisse. Nous sommes véritablement connectés à des besoins de surfaces liés à ces deux facteurs.
Dans ce contexte, comment sentez-vous les premières semaines de 2023 ?
Nous nous situons davantage sur une année d’optimisation des stocks que de prise à bail importante. Cela s’explique notamment par le ralentissement de la demande d’utilisateurs évoqué plus haut mais aussi et surtout par des problématiques de financements qui sont freinés par le changement brutal des conditions pour les obtenir. Et lorsqu’il n’y a plus de financements, le marché s’arrête d’un coup. Pour assister à une véritable reprise, il va donc falloir attendre fin 2023. Les investissements reprendront lorsque les prix seront réajustés.
À cela s’ajoute également l’objectif de zéro artificialisation nette des terres (ZAN). Comment cela pourrait-il impacter vos activités ?
Le sujet est complexe pour tous, y compris les collectivités. Nul n’a de solutions pour répondre à cette logique, sa stricte application est difficile. Si l’on étudie les chiffres du texte, la France a un taux d’artificialisation des sols de 9 %. On artificialise chaque année une millième du territoire. Un centième de ce millième provient de la logistique et c’est cela qui, aujourd’hui, crée des emplois locaux. Attention, je ne dis pas qu’il faut tout bétonner, je comprends que l’on soutienne et justifie cette idée de ZAN, mais il faut imaginer des solutions de substitution et ne pas tout stopper sans en évaluer les conséquences. Le prix des actifs immobiliers va exploser, la population rencontrera des difficultés à se loger et les territoires à se réindustrialiser. Les friches industrielles ne vont pas à elles seules répondre aux besoins. Ainsi, il y a, d’une part, des règlementations ICPE, pompier, gestion de l’eau qui imposent de plus en plus de foncier pour construire et d’autre part, la nécessité de limiter l’artificialisation. Ce paradoxe rend la situation complexe. De notre côté, notre stratégie est simple : elle consiste à réaliser des opérations là où elles seront possibles, à l’international et sur des projets industriels de plus petites tailles.
Plus généralement, quels sont vos axes de développement à moyen et long termes ?
Nous avons notamment mis en place une stratégie régionale en ouvrant des bureaux à Rennes, à Rouen, à Orléans et plus récemment dans l’Est de la France. Ces quatre bureaux ont été créés au cours des deux dernières années afin qu’EOL se positionne sur des implantations locales et des projets plus petits, mais dont la dynamique est importante. Parallèlement, nous misons également sur l’international. 75 % de nos clients sont des groupes internationaux, nous disposons donc d’une équipe dédiée et d’un réseau de partenaires dans 12 pays. Nous nous sommes particulièrement mobilisés sur ce sujet ces derniers mois. Nous avons oeuvré sur 70 000 m² à Milan, en Italie mais également 100 000 m² en Pologne et deux autres projets en Belgique d’environ 40 000 m². Ces projets hors de nos frontières nous permettent de compenser une partie de la baisse sur le marché français. Troisième axe de développement, notre activité de gestion énergétique des immeubles et d’assistance à maitrise d’ouvrage dans le cadre de travaux de mise aux normes énergétiques. Notre filiale ingénierie propose un système permettant de diminuer de 50 % les émissions CO₂ et la consommation de gaz. Il s’agit d’une offre particulièrement différenciante sur laquelle nous avons énormément travaillé, via des équipes techniques chevronnées. C’est un enjeu majeur pour nos clients. Enfin, dernier point, nous accompagnons des projets industriels via une offre clé en main. Deux clients nous ont d’ores et déjà fait confiance en région parisienne et en Belgique. Finalement, notre ambition est de devenir le leader de l’immobilier logistique en Europe. Nous avons véritablement mis en place un plan de développement sur le continent afin de se positionner comme un acteur majeur de l’immobilier industriel et logistique.
De façon générale, quels sont, selon vous, les zones géographiques, les secteurs et les tendances qui viendront booster ou bousculer le monde de l’immobilier logistique ces prochains mois ?
D’un point de vue géographique, les Hauts-de-France font un peu exception dans le périmètre de l’immobilier logistique. Il s’agit d’un territoire porteur qui va continuer à se développer. Idem pour le Centre-Val de Loire, une région assez centrale pour desservir l’ensemble du territoire. Côté secteurs d’activité, la grande distribution continue de tirer le marché. Enfin, pour ce qui est des tendances, il est fort probable que nous assistions au développement des bâtiments logistiques à étages.