Transversal
Les communs, une réponse aux nouveaux enjeux de logistique urbaine ?
Une tribune signée par Delphine Blanc, déléguée générale de la Fabrique de la Logistique.
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JohnsonGoh via Pixabay
La publication du décret d'application de l'article 122 de la loi Climat et Résilience intervient dans un contexte où les enjeux autour du transport routier sont devenus prépondérants. En effet, le transport routier de marchandises (TRM) concentre une très vaste majorité des flux, 89 % des volumes totaux de marchandises transportées par la France transite par la route. Cela fait du TRM un acteur clé de la transition écologique, tant par l’optimisation des tournées, la réduction des consommations que par les actions sur les carburants alternatifs. De plus, la bonne circulation des véhicules à l’aide d’informations précises, fiables et actualisées favorise le maintien de l’infrastructure routière et permet la sécurité des personnes (piétons, cyclistes et conducteurs). Enfin, le contexte des nouvelles dispositions ZFE-m ainsi que l’accueil des Jeux olympiques en 2024 sur différents sites en France sont des facteurs qui imposent aujourd’hui une maîtrise et un contrôle des flux améliorés.
Circuler et livrer dans les meilleures conditions possibles, oui mais…
Dans ce contexte, cela nécessite d’être informé des aléas ponctuels survenant dans les tournées, mais également des nouvelles réglementations ou arrêtés publiés par les collectivités. La bonne prise en compte de ces données est capitale. Or la diffusion des conditions spécifiques de circulation et de stationnement est encore insuffisante et ne permet pas une circulation fluide et donc moins polluante des PL et VL. En effet, la numérisation des arrêtés de circulation est une opération récente au regard de l’existence des outils de navigation performants qui se sont déployés ces quinze dernières années. Et cette base de connaissance est prépondérante à partager, qu’elle concerne les arrêtés de circulation temporaires (manifestations, travaux, événements, marchés etc.) ou permanents (ZFE, rue aux écoles, rues piétonnes etc.). Quant aux dispositifs existants de stationnement dédiés comme les aires de livraison, elles ne sont pas recensées et encore trop peu identifiées notamment de façon numérique par les collectivités. D’autre part, régulièrement occupées comme des espaces de stationnement standard, les aires de livraison ne répondent aujourd’hui que partiellement à leur objectif initial à savoir permettre l’arrêt temporaire des poids lourds en centre-ville pour livrer en toute sécurité. Mais si ces aires de livraison sont « squattées » (sans paiement) par des véhicules qui n’y sont pas autorisés ou en tout cas pas de façon prolongée, cela révèle la difficulté croissante de circuler et stationner en zone urbaine pour les professionnels, mais pour les particuliers également.
Circulation, stationnement en ville et ZFE
La mise en œuvre des ZFE pour répondre aux enjeux cruciaux de la qualité de l’air des métropoles de plus de 150 000 habitants vient pointer et accélérer l’obligation de repenser les questions de circulation et stationnement en ville. La mise en place des vignettes Crit’Air a mis en lumière l’état du parc de véhicules en France, notamment ceux de professionnels en compte propre circulant majoritairement en VL et VUL, devenu incompatibles avec les nouvelles conditions de circulation déployées. Les enjeux de santé publique à l’origine du déploiement des ZFE ne sont pas remises en question (48 000 morts par an dus aux particules et oxydes d’azote) mais l’activité économique des zones urbaines portée par les artisans et les commerçants (et la mobilité des particuliers les plus précaires) posent aujourd’hui la question de l’accompagnement de ces populations au sein des ZFE.
Au travers de ces deux enjeux forts de logistique urbaine que sont les arrêtés de circulation et de stationnement et le déploiement des ZFE, la Fabrique de la Logistique, association de loi 1901 soutenue par l’Ademe et l’AIT, a priorisé cette année deux axes de travail dans ses projets : l’accompagnement de la startup d’État DiaLog dans la co-construction de la base de données nationale des arrêtés de circulation d’une part, et d’autre part le Programme CEE* logistique urbaine Marguerite, qui a été retenu en décembre 2022 pour 4 ans.
La FabLog : accélérateur de la transition écologique
L’ambition de la FabLog est d’élaborer des communs, c’est-à-dire des bonnes pratiques, des outils digitaux innovants, ouverts à tous et accessibles, co-construits sur un principe de collaboration entre acteurs d’horizons privés, publics et académiques. Ces communs permettent d’accélérer les nécessaires évolutions du secteur. L’intérêt du travail collaboratif au sein de l’association est d’une part de faire dialoguer des experts qui ne se rencontrent pas dans leurs domaines professionnels respectifs et d’autre part de permettre un échange libre et fécond car organisé au sein d’un espace neutre agissant comme tiers de confiance. Ces échanges permettent le changement de posture nécessaire aux évolutions environnementales, technologiques et sociologiques. Ainsi, l’objectif dans le cas de DiaLog est bien de constituer un commun libre de droits, à savoir une base de données nationale open source afin de mettre à disposition du plus grand nombre au travers des outils de navigation, l'information portée par les arrêtés de circulation. Le fonctionnement collaboratif de la Fabrique de la Logistique permet aujourd’hui de lancer un POC en région Occitanie constitué d’une Métropole, d’un opérateur de GPS et de transporteurs. Cette expérimentation doit permettre d’accélérer le déploiement de l’outil prévu en fin d’année.
Le Programme CEE Marguerite vise lui à accompagner les professionnels en compte propre dans l’évolution de leurs pratiques logistiques vers plus de mutualisation afin de faire face aux enjeux des ZFE-m. Ce programme est co-porté par l’Association des Chambres de commerce et d’industrie métropolitaines (ACCIM) et par les Chambres de métiers et d’artisanat (CMA) et vient prolonger les initiatives portées par les programmes LUD+ et Cyclo Cargologie auprès des artisans et commerçants, professionnels attachés à leur autonomie. En concertation avec les consulaires, les représentants des fédérations professionnelles et les six villes et métropoles qui se sont portées territoires démonstrateurs, le Programme Marguerite engage l’organisation d’ateliers de co-construction d’outils de diagnostics dédiés à l’analyse des pratiques logistiques des acteurs en compte propre. En parallèle, l’identification des solutions mutualisées seront référencées et partagées sur le site du Programme, ainsi que dans les guides de bonnes pratiques rédigées par filières et typologie de métiers. Ces communs (données et guides de bonnes pratiques) faciliteront l’appropriation du Programme auprès d’un cercle élargi d’acteurs en compte propre et permettront sa duplication auprès d’autres territoires. Car l’objectif de la Fabrique de la Logistique est bien de faire connaître au plus grand nombre les outils et projets qu’elle élabore et déploie afin d’accélérer la transition écologique du secteur en misant sur la concertation, l’intelligence collective et l’innovation.
* Certificats d’économies d’énergie
À propos de la Fabrique de la Logistique et de l'autrice
Soutenue par l’Ademe et l’Agence de l’Innovation pour les Transports, La Fabrique de la logistique s'est structurée en association en 2021. Elle a pour vocation d’être une communauté ouverte et organisée autour d’un écosystème d’utilisateurs co-construisant des solutions supply chain innovantes.
L'autrice de la tribune, Delphine Blanc, est déléguée générale de la Fabrique de la Logistique. Elle a travaillé durant une vingtaine d'années dans la logistique et le transport express en tant que responsable commerciale et marketing.