Transversal
La résilience de la supply chain : comment limiter les risques de rupture avec une supply chain résiliente ?
Une tribune signée par Jean-Philippe Lorinquer, chief revenue officer (CRO) d’OSS Ventures, startup studio spécialisé dans le secteur de l'industrie 4.0.
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Victor Moussa via stock.adobe.com
Selon une étude menée par McKinsey, les risques pesant sur les chaînes d’approvisionnement sont en constante augmentation : 3,5 ruptures sont désormais attendues chaque année. De nombreux facteurs expliquent cette situation, parmi eux : la pandémie Covid, les catastrophes naturelles, les retards et les défaillances logistiques, les fluctuations de prix, les cyberattaques, les malfaçons, les changements géopolitiques, …
Cette variabilité des demandes et des approvisionnements provoque un manque de visibilité et de contrôle, et engendre des pertes de marges aussi importantes qu’imprévues. Afin de rendre la supply chain plus résiliente, il convient d’outiller les entreprises pour anticiper et réagir rapidement.
Les difficultés qui fragilisent la chaîne d’approvisionnement
Les fonctions clé des opérations (production, achats, supply) sont confrontées à une complexité croissante :
- Des pressions internes contradictoires des directions financières pour limiter les stocks et des directions de la production pour éviter les ruptures
- Des pressions externes venant des fournisseurs qui exigent plus de visibilité ou de clients souhaitant moins d’engagement de volumes et plus de réactivité
- Des exigences de reporting accrues sur de nouveaux sujets (ESG, carbone,...)
- Un manque de visibilité sur les performances des fournisseurs, la difficulté à piloter la qualité, les contraintes de capacité, la gestion des risques et la communication avec ces derniers.
Tout ceci engendre une forte augmentation du besoin de données nécessaires au pilotage de la chaîne d'approvisionnement. Malheureusement, la gestion de ces données est souvent restreinte aux fichiers Excel et aux e-mails par essence non structurés et centralisés, rendant impossible une bonne circulation de l’information. Ce manque flagrant de digitalisation et d’accès à des données consolidées amène les départements achats au bord de la rupture, noyés dans les opérations et la gestion de crise, et se traduit par un turn-over important.
Les besoins des professionnels non satisfaits faute d’outils adaptés
Le changement de paradigme d’un monde où l'offre était abondante et prédictible, a rendu les stratégies d’achat fondées uniquement sur la réduction des coûts et des relations conflictuelles obsolètes. Les stratégies de gestion de l'approvisionnement évolutives et multimodèles tenant compte du contexte (étude de marché, gestion des catégories, stratégie d'allocation, approche "clean sheet") sont désormais la norme.
Les entreprises les plus matures mettent déjà en place des solutions à différents niveaux pour mieux gérer cette variabilité : création de poste de chef de projet résilience, mise en place d’une stratégie de rapatriement d’une partie de l’outil industriel en nearshoring et d’un comité de pilotage R&D / Supply / Achats.
À l’inverse, les sociétés qui n’ont pas pris la pleine mesure de ce nouveau paradigme sont durement touchées. On citera notamment la faillite de Revlon ou encore les mises à l’arrêt d’usines entières suite à des ruptures d’approvisionnement.
Les responsables de la supply chain amont de plus en plus impliqués dans des problématiques transversales complexes
- Option défensive : quelle est la part du CA menacée si tel événement survient ? Quels sont les fournisseurs “goulots” dans la stratégie d’optimisation des stocks ? …
- Option offensive : comment designer son réseau fournisseur à horizon 5 ans alors que le CA connaît une croissance de 10 % par an ? Où en est son réseau fournisseur sur les enjeux de RSE ?
Il devient donc critique pour les professionnels de la supply chain de pouvoir, à l’échelle :
- Structurer leurs connaissances du réseau qui entoure l'entreprise pour mettre sous contrôle les éléments de variabilité
- Identifier et quantifier les risques et opportunités attachés à ces risques sur le chiffre d’affaires et la marge
- Simuler et mettre en oeuvre des plans d’actions permettant de maîtriser les risques ou de bénéficier d’opportunités.
L'accent mis sur la gestion des risques a conduit les équipes à devoir exploiter davantage de données et renforcer leurs capacités analytiques, notamment en matière de gestion des relations fournisseurs, de gestion de portefeuille, de gestion de projet, de compréhension des produits et de la fabrication.
La variabilité des données est inhérente à la chaîne d’approvisionnement. Il est primordial de prévoir des scénarios, des modèles et des évaluations pour gérer les risques et les opportunités et quantifier leur impact. Malheureusement, la quantité des données étant en constante augmentation, et l’archaïsme des outillages rend la gestion dynamique et en temps réel impossible et ne permet pas l’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée.
De nouvelles avancées technologiques permettent ce saut quantique
Les professionnels de la supply chain ont pris conscience de ces enjeux et commencent à s’équiper de solutions technologiques plus récentes permettant de représenter la complexité des relations qui lient les entreprises à leur réseau fournisseur.
Les solutions d’IA exploitant d’importantes bases de données publiques ou fournisseurs commencent à apparaître dans les organisations les plus mûres. Elles permettent notamment d’enrichir les informations provenant de sources internes (ERP, fichiers Excel, mails).
Seule une transformation drastique de la structuration des données permettra une telle révolution. L’utilisation de base de données graphe, au-dessus des bases de données relationnelles classiques et leur approche linéaire, est une des conditions sine qua non pour y parvenir. Ce nouveau type de traitement des données permet une mise en œuvre instantanée de cas d’usages, alors qu’auparavant cela aurait donné lieu à de longues et coûteuses missions de conseils. Avec un tel système, les entreprises peuvent créer à la carte et surtout en temps réel des scénarios correspondant à la prise en compte des dernières perspectives ou événements.
À propos de l'auteur
Diplômé d’un master Finance obtenu à la Sorbonne, Jean-Philippe Lorinquer commence sa carrière dans l’audit financier chez Ernst and Young puis à la Société Générale. Il poursuit sa carrière chez Hewlett-Packard Financial Services, avant de rentrer en 2013 dans l’univers startup pour accompagner les jeunes fondateurs dans leur stratégie, leur développement et leur levée de fonds.
Jean-Philippe Lorinquer est recruté en 2020 par OSS Ventures en tant que chief revenue officer (CRO). Au sein du startup studio, il assure la mise en relation des startups avec les entreprises industrielles, celle des industriels entre eux et la montée en puissance des nouvelles jeunes pousses. Il anime aussi la communauté Ondustry autour de l’industrie 4.0.