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Face à face : Bruno Kloeckner, directeur général France de XPO Logistics
Ces deux dernières années, XPO Logistics a multiplié les investissements dans la décarbonation de ses activités, en particulier celles liées au transport. Promu en mars 2022 en qualité de directeur général France de XPO Logistics, Bruno Kloeckner nous détaille sa feuille de route pour poursuivre sa stratégie de réduction de l’empreinte carbone de son entreprise de transport et de logistique, tout en promouvant l’inclusion et l’innovation comme moteurs essentiels à son développement.
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XPO Logistics
Quel bilan tirez-vous de votre première année et demie passée en tant que directeur des activités de XPO Logistics en France ?
Nous avons réalisé une très belle année 2022, en finissant à 1,286 milliard d’euros de chiffre d’affaires et une croissance à deux chiffres, très favorable. En tant que généraliste, nous occupons pratiquement tous les segments du transport. Nous nous positionnons comme fournisseur de solutions intégrées sur l’intégralité de la supply chain. Nous proposons par exemple du global forwarding, permettant d’assurer le transport aérien et maritime, jusqu’en bout de chaîne avec la livraison du dernier kilomètre. Entre les deux, nous assurons de la distribution palettisée, du transport en lot complet, du 4PL, ou encore des activités de logistique en entrepôt avec du stockage, de la préparation de commandes, du co-packing et bien sûr l’expédition des produits… Nombre de ces activités continuent de performer aujourd’hui, et d’autres sont plus en retrait. Nous sentons que le contexte économique est un peu plus complexe cette année, avec des volumes parfois plus faibles en distribution palettisée. Nous avons l’habitude de nous adapter car nous sommes en première ligne de l’économie : des secteurs comme la construction ou l’industrie souffrent beaucoup en ce moment, lorsque d’autres comme l’automobile se portent mieux.
Début 2023, vous avez passé une importante commande auprès de Renault Trucks pour la livraison de 100 camions électriques. Sont-ils déjà déployés pour des livraisons en milieu urbain et si oui, quels retours d’expérience pouvez-vous en tirer ?
Les camions ne sont pas encore tous arrivés. Les 65 premiers le seront bientôt, avec notre commande ferme de respectée. Les 35 en option vont suivre. Avant de passer notre commande, nous avions déjà pu bénéficier de retours d’expérience. Nous avions en effet testé un de ces porteurs électriques, au tout début sur l’est-lyonnais puis en région parisienne, entre octobre 2021 et l’été 2022. Nous avons été conquis par la technologie, qui a également séduit nos conducteurs. Nous pensons que la décarbonation est un facteur d’attractivité dans le métier : les camions électriques sont beaucoup plus souples à conduire, très agréables, sans secousses, sans gaz d’échappement... L’ancienne image des camions diesel s’efface au profit des nouveaux, avec leurs technologies embarquées.
En tant que partenaire historique du Tour de France, vous utilisiez cette année 34 poids lourds alimentés au biocarburant HVO (huile végétale hydrotraitée), via votre nouvelle solution LESS pour remplacer le diesel par ce carburant alternatif. Cette option de décarbonation est-elle de plus en plus sollicitée par vos clients ?
Nous avons déjà utilisé 50 % de HVO pendant le Tour de France 2022. Cette année, ASO [Amaury sport organisation, en charge de la Grande Boucle, ndlr] a souhaité porter la décarbonation de ses flux à 100 %. Notre solution est effectivement de plus en plus prisée, d’autant plus qu’elle est accessible. En effet, la décarbonation peut souvent avoir une connotation onéreuse pour nos clients, surtout en cette période de volatilité des prix de l’énergie renforçant leurs craintes et leur indécision – un camion électrique par exemple nous coûte plus de 300 000 euros, lorsqu’un porteur normal en diesel est à moins de 100 000 euros. Nous avons donc créé ce produit LESS [Low emissions sustainable solution – Solution durable à faibles émissions, ndlr], complètement flexible. Nos clients peuvent ainsi souscrire pour 10 000 litres ou 500 000 litres de biocarburant selon leur budget. Nous étudions leur politique RSE au préalable, regardons quels sont leurs engagements et leurs objectifs de décarbonation, et leur proposons cette solution pour leur permettre de les atteindre. Nous nous appuyons pour cela sur nos 28 stations-services implantées en France. Chaque commande est enregistrée, assurant ainsi la traçabilité complète du HVO dans nos cuves.
Comment êtes-vous impacté par la pénurie de conductrices et conducteurs de camions ?
Nous mettons en place de nombreuses actions pour y faire face. La première d’entre elles consiste à retenir nos conducteurs et nos conductrices, avant d’aller en recruter de nouveaux. Un des piliers de notre stratégie s’axe sur la bienveillance et le respect des équipes, pour faire en sorte qu’elles se sentent bien chez nous. Nous les accompagnons à l’embauche, avec un suivi, pour être certain que ce que nous leur avons promis soit réalisé, et mettre en place des ajustements si nécessaire. Lorsque malheureusement, parce que cela arrive, un conducteur part, nous réalisons un exit survey, un sondage de sortie. La bonne nouvelle, c’est que notre turnover baisse et est passé en-dessous de la barre des 10 %. Nous visons les jeunes, car nous en manquons et savons que la pyramide des âges est très orientée sur les cinquantenaires dans le transport. Nous cherchons en parallèle à recruter davantage de conductrices. Nous avons notamment organisé, en septembre dernier, un séminaire qui leur était dédié et lors duquel nous avons travaillé ensemble pour identifier les leviers pour en attirer plus. Gaëlle Provensal-Raoux, notre DRH, m’a fait également parvenir récemment un catalogue pour choisir de nouvelles tenues vestimentaires adaptées à nos conductrices ; cela peut paraître de l’ordre du détail mais avoir cette attention est essentiel. Nous avons encore beaucoup de progrès à réaliser dans le transport pour que ce métier soit plus inclusif.
Pour finir, auriez-vous un conseil de lecture autour du transport, de la transition écologique, ou sur un autre sujet qui vous a marqué, et que vous souhaiteriez partager avec nos lectrices et lecteurs ?
Je pense spontanément à un ouvrage : Routiers de Jean-Claude Raspiengeas. Sa particularité est qu’il parle de la condition des conductrices et des conducteurs. Sa lecture permet de faire connaître au grand public la vie d’un routier, et en quoi ce métier est important pour l’économie et déterminant pour nous tous. Tout ce que nous avons autour de nous a été acheminé par un camion, avec une personne à son bord. Si le transport s’arrête, tout s’arrête.
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