Transport
Agriflux, un commissionnaire pour standardiser le « transport en commun des produits locaux »
Fondé en 2021, le commissionnaire de transport Agriflux s'engage auprès des producteurs locaux de manière à optimiser leurs flux de transports tout en les déchargeant de leurs contraintes logistiques. Grâce à ses partenariats, couvrant tous les segments de la production alimentaire, le prestataire construit petit à petit un réseau de massification des produits locaux au sein de la région occitane, dont il escompte étendre la visibilité au terme de sa campagne de levée de fonds participative.
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Agriflux
Pour vertueuse que soit la notion de circuit de proximité, elle n’en cache pas moins des difficultés particulièrement contraignantes pour les agriculteurs et producteurs locaux. Outre le temps consacré à la planification et la livraison de leurs produits, nécessitant parfois d'y consacrer une journée de travail entière, « 75 % des producteurs livrent en propre, faute d’alternatives opérationnellement ou économiquement viables. Et ce n’est pas à leur avantage pour autant ; ces process logistiques leur coûtent au contraire extrêmement cher, mais comme la moitié d’entre eux ne le savent pas, ils préfèrent ne pas le savoir. »
Un constat pince-sans-rire que formule Tiphaine Elise, cofondatrice et COO d’Agriflux, commissionnaire de transport dédié à la mutualisation du transport des circuits de proximité et leur raccourcissement. Fondé en 2021 par d’anciens professionnels de l’agriculture et du transport – Tiphaine Elise possède six ans et demi d’expérience chez DHL et presque trois chez Relais Colis –, Agriflux entend faciliter la vie des producteurs en massifiant l’expédition de leurs marchandises, dans la perspective d’ouvrir la voie au « transport en commun des produits locaux ».
Un circuit à optimiser
Une ambition à la mesure des difficultés conjoncturelles pesant sur le secteur. D’un ensemble de flux fragmentés en petits volumes à un faible niveau de maturité technologique, les axes d’amélioration au sein de l’industrie agroalimentaire s’avèrent nombreux. D’autant que la plupart des producteurs préfèrent effectuer eux-mêmes leurs livraisons, selon leurs propres disponibilités, sur des tranches horaires et dans des conditions variables. En cause : confier leur logistique à un prestataire implique un changement d’usage en profondeur, en termes de comptabilité, de relation commerciale et de crainte de dégradation du service. « C’est là que se situe le plus gros challenge pour Agriflux, puisqu’il nous faut leur prouver qu’en s’occupant de leur transport nous allons faire aussi bien, sinon mieux qu’eux », explique Tiphaine Elise, face aux réserves que manifestent régulièrement ses potentiels clients.
L’enjeu pour Agriflux réside alors dans la construction d’un modèle opérationnellement et économiquement viable pour chacun des acteurs de la chaîne de valeur, au sein duquel un producteur ne payerait pas le prix d’une palette pour n’expédier dessus que quatre colis. Au sein d’un secteur assez cloisonné et sensible à l’effet boule de neige du bouche-à-oreille, le commissionnaire croit en la preuve par l’exemple pour étendre son réseau de 70 producteurs – et d’entre 300 et 400 destinataires réguliers – à l’heure actuelle. « Finalement, dans 99 % des cas nous n’avons pas dégradé le service, nous l’avons même amélioré, expose Tiphaine Elise. Certes, les producteurs perdent un peu en flexibilité et nous leur rajoutons de la contrainte logistique [la préparation de commandes, ndlr], mais ce n’est rien en comparaison du temps qu’ils gagnent sur leurs livraisons en propre. » En matière de relations commerciales, les producteurs finissent même par disposer d’un vrai temps de dialogue avec leurs clients, débarrassés de la rapidité avec laquelle leurs nombreuses livraisons doivent être accomplies en une seule journée.
La tech au service de l'agroalimentaire
En sa qualité de commissionnaire de transport entièrement consacré à l'agroalimentaire, Agriflux a fort à faire face au retard technologique d’un secteur encore encore parasité par un grand nombre d'opérations effectuées manuellement. « Sur le marché tel qu’il est organisé aujourd’hui, c’est compliqué pour les producteurs et les transporteurs de se greffer à ces flux mutualisés, concède Tiphaine Elise. Peu d’entre eux disposent des solutions technologiques pour les intégrer rapidement dans leur réseau tout en limitant les risques d’erreurs. C’est pourquoi nous partons du principe que nous ne parviendrons à les massifier que si nous possédons la technologie adaptée, de la prise de commande aux opérations de livraison. » Afin de fournir des interfaces utilisateur simples et complètes tout en permettant aux transporteurs d'automatiser leurs process, Agriflux a coopté trois développeurs dans son équipe – sur une quinzaine de collaborateurs – et s’entoure de partenaires à la pointe des nouvelles technologies en la matière. D’où sa fusion en 2022 avec Le Chemin des Mûres, solution logicielle de gestion des flux agroalimentaires destinée aux collectivités territoriales sous un angle technologique et algorithmique. Deux équipes complémentaires pour un projet commun, regroupées à peu d’intervalle du lancement des flux physiques d’Agriflux.
Un projet n'aspirant à rien de moins que « porter une vision qui, à terme, semble la seule voie possible pour défragmenter ces flux et les gérer efficacement », défend Tiphaine Elise. Et la cofondatrice de rajouter, consciente de ce que représentent les volumes pris en charge par Agriflux : « Nous ne montons pas une boîte pour concurrencer Stef ou STG ; nous sommes une structure destinée à construire, à terme, des partenariats avec eux. Je suis persuadée qu’ils ont beaucoup à gagner d’initiatives comme Agriflux, qui vont contribuer à la massification effectives des petits volumes et à la consolidation des flux alimentaires par le biais de la technologie et des volumes qu’elles leur apporteront. » Une ambition que le commissionnaire entend concrétiser par la levée de fonds participative lancée au milieu du mois de septembre sur la plateforme Sowefund, au terme de laquelle 1,1 million d’euros sont attendus. « Il va de soi qu’il est impossible de construire des systèmes logistiques complets avec une telle somme ; les investissements nécessaires sur ces flux sont largement supérieurs, reconnaît la cofondatrice d’Agriflux. Nous souhaitons principalement démontrer, par cette campagne, que c’est possible, qu’il existe un modèle et une voie exploitables pour instaurer des standards, mettre en place des process métier, technologiques et commerciaux, qui seront à terme réplicables et scalables sur la durée. »