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[Reportage] De l’obsolescence à la renaissance logistique : Biomérieux refonde son centre de distribution névralgique
Le discret Biomérieux, devenu au fil des décennies un acteur mondial dans le domaine du diagnostic in vitro, sert plus de 160 pays au travers d’un vaste réseau de distributeurs. Le 9 novembre 2023, l’entreprise française a ouvert les portes de son centre de distribution de Saint-Vulbas (01), tout juste fini d’être agrandi et reconfiguré. Découverte d’une refonte logistique aussi complexe que vitale.
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bioMérieux - Florent Dubray | Perspective au centre d'une allée de la récente installation automatisée et robotisée d'Exotec, sur le centre d'expédition de Biomérieux de Saint-Vulbas (01).
L’obsolescence non programmée des systèmes informatiques du centre logistique historique de Biomérieux, développés pour la plupart dès 1999, devenait critique. En sa qualité de créateur et fournisseur de solutions de diagnostic de maladies ou de contaminations (systèmes, réactifs, logiciels et services), sa supply chain de santé publique ne pouvait se permettre de risquer le moindre blocage. Vingt ans après leur conception, l’entreprise familiale à dimension internationale décide alors de mettre 20 millions d’euros sur la table pour repenser l'infrastructure logicielle et la logistique de son centre de distribution de Saint-Vulbas, dans l’Ain. « De fil en aiguille, cette obsolescence s’est transformée en opportunité, relate Jacques Martinon, le directeur de la plateforme. Nous en avons profité pour revoir notre stratégie de distribution, en nous demandant ce qui pouvait être confié à un prestataire ou être repris à notre compte. » Car cet industriel français, prônant la collaboration locale au sein de son bassin natif de la Plaine de l’Ain et de ses alentours, confie depuis 19 ans à GXO (ex-Norbert Dentressangle qui avait basé son siège social à Lyon) une majeure partie de ses opérations.
Réinternalisation logistique et plus-value logique
« Nous avons regardé ce qui était critique, réglementaire et dans le délai du client, pour pouvoir le reprendre à notre compte, poursuit le chef d'orchestre des lieux. Et avons refondé notre stratégie logistique : nous confions désormais à GXO la réception que nous réalisions auparavant, ainsi que le stockage de masse et l’expédition à destination de l’international. De notre côté, nous prenons désormais en charge la préparation et l’emballage, de même que l’expédition le même jour vers nos clients directs à destination de cinq pays : la France, l’Italie, l’Espagne, la Suisse et l’Irlande. » Auparavant, Biomérieux fonctionnait à Saint-Vulbas avec une organisation logistique parallèle : lorsque GXO s’occupait alors des produits de santé sous 15 à 25 °C, le spécialiste du diagnostic prenait à sa charge ceux soumis à des dégrés Celcius inférieurs. « Nous fonctionnons désormais non plus par plage de températures mais par fonction à valeur ajoutée », synthétise Jacques Martinon. Pour absorber sa réinternalisation d’activités conséquente, l'acteur du domaine de la santé a procédé à une extension de 4 500 m² de son centre de distribution, pour regrouper les activités de préparation de commandes et de packaging sous un même toit. Le site, s’étendant désormais sur 15 000 m², dispose ainsi d’une surface logistique importante. D’autant plus qu’il ne stocke presque plus rien, si ce n’est une réserve tampon et cruciale de 2 à 3 jours, pour donner une marge de manœuvre et d’adaptabilité aux quelques 15 000 références transitant furtivement en son sein.
Transformation structurelle et logicielle
Accompagné notamment, depuis le lancement du projet de modernisation engagé en 2019, par le cabinet de conseil Citwell, spécialisé en supply chain et en transformation des opérations, Biomérieux a retravaillé itérativement son écosystème logiciel et sa stratégie d’approvisionnement et de distribution. Exit la popote interne datée de la fin du XXe siècle ou de l’apogée de Windows Millennium Edition, et bienvenue au bien plus résilient et intuitif Reflex WMS d’Hardis Group, ainsi qu’au WCS d’Actemium Lyon Logistics, très récemment modernisé. « Nous avons réussi à ne jamais arrêter ce site pendant la migration, en témoigne son responsable, et à faire cohabiter des logiciels datés, nécessitant refonte, avec le déploiement superposé de nouvelles solutions. Le tout en continuant à servir nos clients, ce qui relève d’une certaine prouesse. Car en logistique, l’informatique est clé ; le WCS d’Actemium gérant notre transstockeur par exemple a été implanté avec des migrations effectuées la nuit. » Le centre de distribution de Saint-Vulbas, employant 150 personnes – 25 salariés ont été récemment embauchés en CDI pour conforter sa montée en puissance –, fonctionne sur trois roulements, avec prise de fonctions à 5, 13 et 16 heures. La dernière équipe, surnommée « 16-24 » chez Biomérieux, lui permet d’expédier l’Europe du Sud jusqu’à minuit, lorsque les commandes françaises sont réceptionnées à 15 h pour une expédition avant 18 h.
Une lourde responsabilité, digérée et acceptée
Eu égard à sa fonction névralgique de pourvoyeur de dispositifs et d’équipements de santé publique, le Lyonnais mondialisé, dont les produits se retrouvent aujourd’hui distribués dans 160 pays, répond à une demande aussi fondamentale qu’aléatoire. Hôpitaux, laboratoires, industriels pharmaceutiques et agroalimentaires… Ses clients hétéroclites demeurent tous dépendants de ses solutions de tests de diagnostics et de son expertise dans la microbiologie, les immunoessais et la biologie moléculaire. Une responsabilité que Biomérieux prend à cœur ouvert et sans anesthésie. « Nous ne pouvons nous permettre de ne pas livrer à temps nos clients, et de leur annoncer que leur livraison pourrait arriver le lendemain. Le secteur de la santé et notre éthique nous imposent de maîtriser le risque », conclut Jacques Martinon, juste après avoir présenté une nouvelle installation automatisée, signée Exotec, permettant à son entrepôt de décupler la productivité et l’efficacité de sa préparation et de sa distribution, tout en promouvant le savoir-faire français.
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