Biomérieux et la transition écologique : entretien avec son directeur logistique monde

Quelles actions concrètes Biomérieux met-il en place à l'échelle internationale pour diminuer son empreinte environnementale ?

Concernant la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, l’action principale que nous avons menée a consisté à changer nos modes de transports internationaux. En 2016, sur l’ensemble du grand export – correspondant aux destinations non livrables en camions –, nous expédions à moins de 5 % en maritime et à plus de 95 % en avion. En 2023, nous atteignons désormais un ratio de plus de deux tiers de fret maritime, contre moins d'un tiers d’aérien, sachant que la tonne transportée sur les océans émet environ dix fois moins de CO2. Ce renversement a été permis grâce à un effort commun engagé avec nos usines de production et les prévisionnistes de vente des filiales, car un temps de transit plus long nécessite une meilleure anticipation. Nous avons également refondé notre réseau de centres de distribution internationaux aux États-Unis. Nous nous sommes ainsi rapprochés de la côte est, pour mieux desservir l’Amérique latine et l’Europe, de même que de la côte ouest, en destination notamment de l’Asie-Pacifique. Notre proximité sur ces deux rivages nous permet de lever certaines contraintes propres à l’organisation du transport maritime : trouver le bon bateau, le conteneur frigo, et le chauffeur de camion américain prêt à faire un aller-retour, d’autant plus lorsque le pays fait face à une pénurie de disponibilité de conducteurs.

Et au niveau français et local ?

Depuis le début de l'année 2023, nous travaillons également sur du transport en barge pour acheminer les produits en provenance de notre centre de distribution international de Saint-Vulbas jusqu’à Fos-sur-Mer, via Lyon. Pour le moment, ce genre d’action reste encore assez limité car il subsiste un déficit d’électrification des ports et des barges ; nos réactifs étant essentiellement soumis à des températures figées, nous ne pouvons qu’expédier, via cette alternative au fret routier, des instruments et machines ne nécessitant pas de contrôles thermiques. Nous aimerions également pouvoir exploiter davantage le transport par trains, en particulier vers la Chine, au travers de la nouvelle route de la soie. Mais nous restons pour l'instant limités, en France comme ailleurs, par une lacune de solutions de transport ferroviaire adéquates à une expédition sous des températures entre 2 et 8 °C, qui couvre notre principale gamme de produits.

Outre vos émissions liées au transport, prenez-vous d'autres mesures significatives, concernant l'utilisation des ressources ou de l'énergie par exemple ?

Nous travaillons également sur l’optimisation du packaging primaire pour en réduire sa taille. Au sein de notre centre de distribution nouvelle génération de Saint-Vulbas, nous avons installé une machine permettant de découper les colis et d’éviter de transporter de l’air. Nous avons également conscience que nos conditionnements pour les produits congelés, comportant de la carboglace, ont un fort impact environnemental. Mieux vaut transporter un article dans un espace de transport massifié sous température dirigée et contrôlée, qu’avec un packaging spécifique recourant à des techniques frigorigènes éphémères et polluantes.

Comment fonctionne votre logistique inverse ?
Dans le cadre d'un projet initié il y a deux ans, nous ramenons les instruments nécessitant révision, au travers de solutions transport et douanières permettant de les rapatrier sur nos sites de réparation européens. Notamment dans le cas où nos clients internationaux ne disposeraient pas des compétences nécessaires sur place. Nous n'opérons en revanche pas de retours sur les réactifs, car nous consommerions trop de ressources et d’énergie liées au respect de leur chaîne du froid. D'autant plus que leur stabilité serait mise en péril. Nous adoptons ainsi une politique consistant à centraliser les stocks dans les centres de distribution internationaux le plus tard possible, en réapprovisionnant les filiales et les distributeurs en juste-à-temps, pour éviter que les péremptions de produits ne traînent dans les stocks locaux.

En tant que maillon essentiel de la santé, avec une dimension sociale s'ajoutant à l'environnementale, comment avez-vous vécu les prémices du Covid ?

Ce fut une période très particulière car nous avions perdu subitement 80 % de capacité de transport aérien. Parallèlement, nous avions comme responsabilité le réapprovisionnement de nos filiales et de nos distributeurs en tests Covid, que nous fournissions alors à ce moment, et cela bien avant que les vaccins n’arrivent. Quand ces derniers furent enfin prêts, toute la chaîne logistique associée s’y était déjà un peu préparée. De notre côté, dès le mois d’avril 2020, soit juste après l'annonce du premier confinement en France, nous avions déjà la charge de colis à livrer, alors que toute la supply chain était en état de crise.

À lire également : [Reportage] De l’obsolescence à la renaissance logistique : Biomérieux refonde son centre de distribution névralgique