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Face à face : Emeric Crepin, directeur général France d’Arvato
Décarbonation, innovation, évolution de marché et développements en cours, Emeric Crepin, directeur général France d’Arvato, entité du groupe allemand Bertelsmann, revient sur les ambitions du logisticien en France.
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Xavier Granet
Comment se porte le groupe Bertelsmann, maison mère d’Arvato ?
Le groupe se porte bien puisqu’il affiche un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros, compte 17 000 collaborateurs et s’appuie sur 97 entrepôts dans le monde. Nous sommes très présents en Europe, mais aussi sur le continent américain et en Asie.
Vous avez officialisé en juin dernier le passage de toutes vos installations dans le monde à des sources d’énergies non fossiles pour la production d’électricité. Qu’en est-il en France ?
En France, nous étions quasiment pionniers, puisque nous sommes passés aux énergies renouvelables début 2022. Depuis le 1er janvier 2023, le groupe l’est à 100 %. Cela s’inscrit dans une ambition plus globale portée par le groupe, pour nous et nos clients. À ce titre, nous remplissons chaque année un dashboard nous permettant de publier un rapport afin de comparer nos consommations dédiées sur la base de 2018. En 2022, nous avons réduit notre empreinte carbone de plus de 30 % comparé à 2018. Parallèlement, nous observons également les pratiques de nos partenaires transporteurs et travaillons avec certains de nos clients à la mutualisation du transport. Enfin, nous venons de renouveler un contrat client nous demandant de mettre une obligation de moyens, pas encore de résultats, mais cela viendra, sur la partie environnement. Les choses bougent vraiment très vite dans ce domaine et cela répond à une demande très précise et croissante de nos clients.
Comment s’organisent vos activités en France ?
Nous sommes principalement présents sur trois industries : consumer product, santé et tech où nous nous positionnons comme l’un des plus grands acteurs en Europe en support pour l’industrie musicale. La France est un marché en fort développement et nous y connaissons une croissance soutenue. Sur les quatre dernières années, nous atteignons quasiment 50 % d’augmentation de notre chiffre d’affaires sur le territoire. Nous nous situons à 10 % de croissance sur 2023, portés par la conquête de nouveaux marchés et l’élargissement de notre portefeuille clients. Nous devrions achever l’année sur un chiffre d’affaires d’environ 150 millions d’euros. La France s’illustre comme un marché stratégique dont le potentiel de développement reste important.
Justement, de quelles façons comptez-vous développer et exploiter ce potentiel français ?
Nous n’adoptons pas le même positionnement sur nos marchés. Sur le segment des consumer products, ultra concurrentiel, nous déclinons une stratégie portée par le groupe, basée sur trois axes principaux. Le premier est d’être très international. Nous sommes en contact quotidien avec nos équipes partout dans le monde, nos directeurs de site parlent anglais et nous sommes capables de décliner nos process de façon identique quel que soit le pays adressé par nos clients. Qu’il s’agisse de la France, la Pologne, l’Allemagne, la Turquie ou bien encore des États-Unis, nous offrons une solution standard. Et cela se duplique bien évidemment d’un point de vue informatique. Le groupe a axé sa stratégie sur un système offrant une large couverture fonctionnelle, l’order-to-cash, de la mise en place de centre d’appels en passant par la prise de commandes, la logistique, le transport et le recouvrement de créances. Le tout est entièrement sur le cloud pour plus de scalabilité et de sécurité. Enfin, évidemment, nous misons sur l’automatisation. Arvato dispose d’une force de frappe assez importante via un réseau interne de 150 ingénieurs logistiques, experts dans le domaine et notamment sur des marchés très spécifiques de la cosmétique.
Et sur le domaine de la santé ?
Sur la santé, nous sommes parmi les acteurs incontournables et jouissons d’une forte notoriété. Le marché est en forte mutation. Les laboratoires pharmaceutiques réorganisent leurs portefeuilles de produits, notamment autour des biotechnologies et des thérapies géniques. C’est un sujet sur lequel nous travaillons tout particulièrement afin de pouvoir les accompagner au mieux. La sérialisation, le transport de produits à moins 196 degrés, la traçabilité de bout en bout et la sécurité de données patients sont autant d’enjeux clés pour le secteur sur lesquels nous axons notre réflexion et nos savoir-faire. Ces thérapies très spécifiques, individualisées pour chaque patient, devraient fortement se développer dans les trois ou quatre prochaines années. Chez Arvato, nous sommes d’ores et déjà capables de proposer des solutions à nos clients pour soutenir cette supply chain spécifique.
Vous évoquiez le développement de nouveaux marchés, quels sont-ils ?
Nous souhaiterions nous positionner sur le secteur du luxe sur lequel nous pensons disposer d’un certain nombre d’atouts. La qualité de service, la personnalisation, la sécurisation et la traçabilité des produits sont autant d’expertises développées sur nos secteurs historiques et qui, combinées, répondent parfaitement aux attentes des acteurs du luxe. Nous y avons donc toute notre place.
Constatez-vous des freins à votre développement sur le territoire ?
Lorsque l’on parle de développement, on évoque forcément la question des femmes et des hommes. Et force est de constater que nous faisons face à une forte pénurie de main-d'œuvre. Nous avons heureusement la chance d’être dans un groupe familial ayant conservé un esprit PME. Nous disposons de cinq sites en France sur lesquels nous sommes régulièrement amenés à rencontrer les équipes et être au plus près de l’opérationnel. Chez nous, les niveaux hiérarchiques ne se superposent pas à l’infini, nous laissons beaucoup de place à l’autonomie de nos collaborateurs. Enfin, autre problématique sur le territoire hexagonal, la difficulté à trouver des mètres carrés disponibles. Les taux de remplissage dans les entrepôts sont relativement élevés, nous restons donc vigilants sur le sujet et effectuons une veille quotidienne sur les nouveaux projets en cours, notamment en région parisienne, orléanaise, mais aussi du côté de Lille et de Lyon.
A contrario, quels sont les leviers d’innovation sur lesquels le groupe accélère ?
Ils sont multiples. Sur l’automatisation d’abord, de nombreux projets se sont développés ces dernières années. Nous avons récemment déployé de nombreuses solutions, dont un important projet dans le secteur de la cosmétique, mais nous poursuivons notre travail. L’automatisation doit être bien réfléchie et reste complexe en termes d’investissement et de démarrage. Nous restons attentifs, de nombreuses technologies se développent encore, notamment les AMR sur lesquels nous travaillons. Enfin, même si nous n’en sommes qu’aux balbutiements, l’intelligence artificielle s’annonce véritablement comme une nouvelle révolution numérique. Tout le monde sera impacté, y compris la supply chain.
Le groupe vous-a-t-il fixé des objectifs sur le marché français ?
Oui, tout à fait. Notre objectif en France consiste à doubler notre taille d’ici fin 2026. Il s’agit d’un challenge ambitieux, davantage axé sur de la croissance organique, sans pour autant être fermé à la croissance externe. En termes d’évolution de marché, nous allons sans doute tous faire face à une croissance moins soutenue sur 2024. En cause ? Le contexte international et la hausse des taux d’intérêts, mais nous restons néanmoins confiants.