Immobilier
[Reportage] Avec son vaste mais non moins discret chantier des Olympiades, Segro redessine la logistique urbaine à Paris
La foncière immobilière Segro réhabilite actuellement l’ancienne gare des Gobelins située au sein du quartier des Olympiades, dans le 13e arrondissement de Paris. Elle y aménage progressivement un hôtel logistique urbain, qui cumulera 75 000 m² de surfaces pour du stockage et du fret routier, via une combinaison réfléchie de flux de transports plus respectueux de la qualité de l’air et du voisinage. Voxlog s’est rendu sur place pour découvrir en avant-première les coulisses de ce chantier d’ampleur, mêlant décarbonation et revitalisation.
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SEGRO | Vue d'artiste d'une future entrée du Segro Centre Paris Les Gobelins, sous la dalle du quartier des Olympiades, à Paris.
Une large entrée, méconnue car cachée par l’architecture environnante. Sous une immense dalle de béton, une allée routière se raccorde après une descente en pente douce à une voie de chemin de fer désaffectée. Sous ses airs de paradis de l’urbex, difficile de deviner que ce mystérieux accès sous-terrain mène à l’un des plus importants chantiers parisiens dédiés à la logistique urbaine. Mais c’est bien ici, à l’abri des tours résidentielles et des galeries commerciales du quartier des Olympiades, que se dessine en sous-bassement la revitalisation d’un édifice imposant, à la riche histoire.
Lauréat de l’appel à projets « Réinventer Paris 2 » – lancé par la Ville de Paris et de nombreux partenaires pour proposer des concepts urbains innovants tout en transformant les souterrains de la Capitale –, Segro s’est vu confier l’ambitieuse tâche de repenser la logistique en plein cœur du 13e arrondissement. À la manœuvre du chantier depuis son démarrage en novembre 2023, la foncière européenne en immobilier logistique et industriel revitalise le site de l’ancienne gare des Gobelins, jusqu’à présent sous-utilisé, pour proposer de multiples surfaces de stockage et des accès de circulation flambant neufs. « C’est un projet de réhabilitation et non de déconstruction et de reconstruction, confirme Laurence Giard, directeur général de Segro France. Il s’inscrit dans une volonté d’adaptation d’un lieu ancien aux nouveaux usages, afin de créer un hôtel logistique urbain moderne, durable et générateur de liens. »
Un maître-mot : la flexibilité
Effectuant principalement des travaux de second œuvre pour rafraîchir et réaménager ces espaces souterrains, acquis en novembre 2022 auprès de la SNCF, Segro remet tout aux normes les plus récentes : nouveau réseau de sprinklage, de détection incendie, de désenfumage, de ventilation… Et anticipe l’évolution de cet espace logistique, qui sera entièrement repeint et remis aux goûts du jour pour améliorer le confort de ses futurs occupants. Cumulant 75 000 m² répartis sur deux niveaux (la « gare » au niveau 0 et la « halle » au -1), avec des cellules allant de 1 000 à 10 000 m², son hôtel modulaire devrait accueillir entre 10 et 20 sociétés locatrices selon leurs besoins en surfaces, avec des possibilités de mutualisation d’espaces. « Ce site correspond plus ou moins à l’esplanade des Invalides superposée sur deux niveaux », image Edouard Ancel, directeur de la division « City Logistics » de Segro France, pour se rendre compte des impressionnantes dimensions du lieu, difficilement appréhendables en sous-sol.
Tout y a été pensé pour s’adapter à des typologies d’activités variables, et à leurs évolutions intrinsèques. Le superviseur des projets tricolores de Segro consacrés à la logistique urbaine, en charge de la coordination de celui du 13e arrondissement parisien, illustre la diversité des futurs usagers attendus : « Nous pourrons à la fois accueillir des expressistes, en accord avec une forte demande de livraison de colis, de même que des logisticiens et transporteurs délivrant des commerçants parisiens (alimentaires, détaillants…), avec une dimension locale de prime abord, ainsi que des administrations, des hôpitaux et des acteurs majeurs du BtoB », énumère Edouard Ancel. La commercialisation en cours de cet hôtel logistique métropolitain intéresse d’ores et déjà plusieurs d’entre eux, confirment les représentants de Segro, qui ne peuvent pour l’instant communiquer de noms à l’heure des négociations.
© Matthew Perget | Vue sur une cellule-témoin de l'hôtel logistique urbain.
Des mobilités plus douces
Le futur « Segro Centre Paris Les Gobelins », son nom officiel, attire d’autant plus qu’il bénéficie d’une localisation idéale. Situé au sud de Paris intramuros, à deux pas de la station de métro Olympiades de la ligne 14, il se positionne non loin de la Place d’Italie pour desservir des artères majeures de la ville lumière, mais également du périphérique pour des livraisons en proche-banlieue. Une combinaison géographique idéale pour en proposer une autre : celle des moyens de transports adéquats. L’hôtel logistique urbain de Segro a en effet pour vocation d’accueillir à la fois quelques poids lourds, mais aussi de nombreux véhicules utilitaires électriques et des vélos cargos. Une vitrine « vertueuse du dernier kilomètre », comme l’illustre Laurence Giard : « Outre des solutions compatibles au tout-électrique et à d’autres formes de mobilités douces, telles que la cyclologistique que nous valorisons, nous proposons également à nos clients un monitoring des flux d’entrée et de sortie permettant un désengorgement du trafic. »
Pilotage des flux et anticipations
Le spécialiste immobilier des plateformes logistiques et de la distribution urbaine met en œuvre une solution de pilotage des flux, en partenariat avec l’association AI Cargo Foundation, et soutenue par la Région Île-de-France, afin de modéliser finement les allers et retours que pourront générer ses futurs locataires, tous modes de circulation confondus. Ce dispositif préventif, alimenté par des algorithmes d’intelligence artificielle et à vocation collaborative, permettra à la fois d’anticiper les mouvements sur place, mais également d’optimiser les déplacements de véhicules dès le franchissement des portes. Les objectifs sont divers : améliorer la sécurité du personnel à l’intérieur, éviter les sorties de poids lourds inopportunes, parfaire le plan de transport des clients… tout en diminuant la congestion et en émettant moins de gaz à effet de serre dans l’ensemble. Ce déploiement technologique s’accorde avec les restrictions des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dont Paris est l’une des plus scrutées – en particulier avec les enjeux liés à la surfréquentation de ses infrastructures de transport partagées, à la qualité de l’air, et à l’arrivée imminente des Jeux olympiques et paralympiques.
Dédiée initialement au fret de marchandises par voie ferroviaire depuis sa création aux prémices du XXe siècle, l’ancienne gare des Gobelins se transforme en profondeur. Avec une mise en service prévue au début de l’année 2025, le tout nouvel hôtel logistique urbain de Segro devrait voir travailler en son sein, pour le compte de ses prospects et selon ses estimations, environ 500 personnes.
De moindres nuisances et de nouveaux services pour le quartier
Comparée à l’activité précédente de l’ancienne gare de la SNCF – dont une grande partie était occupée jusqu’alors par des grossistes asiatiques, avec des livraisons plutôt destinées à l'ensemble de la France et au Benelux –, celle proposée par le schéma de Segro devrait répondre à certaines attentes d’un quartier résidentiel comprenant quelque 11 000 voisins. « Beaucoup de manœuvres s’effectuaient auparavant dans la cour extérieure, avec des camions en attente, qui reculaient, klaxonnaient car bloqués au poste de garde par exemple, relate Edouard Ancel. Toutes ces nuisances seront supprimées car tout aura lieu à l’intérieur, dans un souterrain totalement insonorisé, et avec en prime de meilleures pratiques de circulation à l’œuvre. » Les habitants des multiples tours de la dalle surélevée des Olympiades, ainsi que les riverains des rues Nationale, Tolbiac, Regnault et Baudricourt, correspondant aux différentes entrées et sorties de l’hôtel logistique en métamorphose, devraient selon Segro être bien moins impactés que précédemment. En attestent notamment les aménagements prévus par la foncière, qui va renforcer l’isolation phonique de la principale sortie de véhicules de la rue Regnault en l’aménageant de matériaux insonorisant. Mais aussi avec la délivrance du label Certibruit, qui certifiera de la diminution des nuisances sonores du projet par l’utilisation de véhicules plus silencieux, rejetant également moins d’émissions polluantes. Le projet vise de même les labels et certifications environnementales Breeam RFO niveau « Excellent », Ecocycle, BDF (Bâtiments durables franciliens) et BBCA (Bâtiment bas carbone).
La part belle aux vélos cargos
Le nombre de véhicules journaliers transitant dans le réseau logistique souterrain devrait passer de 1 200 dans l’ancienne exploitation à 700 environ à l’avenir, avec seulement 50 poids lourds par jour contre plus de 200 auparavant. Des raccordements pour la recharge de véhicules électriques seront proposés par Segro dans l’ensemble de ses cellules, en complément de ceux qu’installeront naturellement ses futurs clients. Et la part belle sera faite aux vélos cargos, avec un hub extensible de 1 000 m² à 5 000 m², une rampe dédiée ainsi qu’un atelier de réparation. Ce dernier sera également accessible aux riverains ; les habitants du quartier pourront également bénéficier de nouveaux services en cours d’étude : conciergerie, dispositif de click and collect, recyclerie, café solidaire… Segro prévoit enfin une importante végétalisation des voies d’accès et de la surface visible, avec des espaces verts arborés.