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Face à face : Romain Moulin, CEO d'Exotec

Depuis une poignée d’années, le concepteur et fournisseur français de solutions robotiques modulaires ne cesse de croître, de façon presque exponentielle. Exotec a ouvert entre autres des bureaux à Atlanta, à Tokyo, à Séoul… et ne cesse de développer son carnet de commandes. Romain Moulin, son cofondateur et CEO, nous détaille son aventure.

Publié le 19 juin 2024 - 13h00
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 Exotec

Vous avez annoncé en mars 2024 avoir franchi la barre symbolique du milliard de dollars de produits commercialisés. Qu’en est-il de votre chiffre d’affaires sur l’exercice 2023 ?

Il n’est pas encore consolidé*, mais je peux vous annoncer que nous avons enregistré 280 millions d’euros de revenus sur notre dernier exercice.

 

Comment se porte actuellement le marché français de l’automatisation des entrepôts ?

Plutôt bien. Le marché était plus calme l’an dernier – nous l’avons constaté dans les résultats de différents fournisseurs –, avec une certaine peur de la crise et de l’avenir de la part des clients. Il n’y avait pas d’annulation, mais quelques retards dans les projets et les signatures, synonymes d’expectative. Cet état d’esprit tend à disparaître. Nous sentons que la confiance a repris le dessus ; les investissements repartent à la hausse.

 

Quels secteurs de marché et typologies d’entreprises adressez-vous désormais avec vos solutions ?

Nos principales verticales sont le retail textile, l’e-commerce de façon globale, ainsi que l’industrie. Concernant nos signatures récentes, nous pouvons citer en France Lacroix Electronics [spécialisée dans la conception et la production d’ensembles et de sous-ensembles électroniques, ndlr] et, en Espagne, PC Componentes, fabricant de composants informatiques. Nous enregistrons ces temps-ci également plusieurs projets, dont certains en France et pas encore publics, dans les pièces détachées pour l’industrie automobile. Avec de nombreuses références à gérer, ils requièrent une logistique complexe et une grande réactivité, pour livrer les garages à J+1 par exemple. Dans ce type de schéma, imposant certains défis logistiques, nos technologies Skypod s’en sortent très bien. Du fait de sa robustesse et de sa capacité à stocker des millions de références, notre système de stockage automatisé parvient toujours à livrer les pièces efficacement.

 

Comment votre portefeuille client se développe-t-il ? Plutôt avec de nouvelles entreprises ou via des historiques, faisant de nouveau appel à vos services ?

Au moins un tiers de nos installations concerne des clients que nous connaissons déjà. Nous avions par exemple déployé un système pour Uniqlo aux Pays-Bas, avant d’en fournir deux autres au Japon. Nous sommes restés très proches car sommes critiques pour leur production. Toutes nos installations sont en « full service » et nous voyons nos clients tous les mois afin qu’ils puissent nous rendre compte de leur performance. Cela nous permet de mener des discussions fructueuses sur leurs projets de transformation, et d’appréhender l’aide que nous pourrions y apporter. Avec des entreprises dépassant une certaine taille, comme Decathlon par exemple, nous n’allons pas discuter d’un seul entrepôt, mais de supply chain. Nous abordons des spectres plus larges : la diminution de leur niveau de stock et de transport, le réassortiment plus efficace des magasins... Nous ne parlons plus seulement d’intralogistique, qui n’est qu’une partie du problème, mais d’optimisation d’une chaîne d’approvisionnement. Nous avons beaucoup de valeur ajoutée à apporter pour ce type de comptes-clés, avec des projets récurrents. D’autant plus que ces derniers ne nécessitent plus de repartir d’une feuille blanche, mais peuvent être rapidement dupliqués dans plusieurs entrepôts, en dépit des typologies de flux qu’ils accueillent.

 

Comment se passe votre aventure américaine, depuis l’ouverture de votre bureau à Atlanta ?

C’est très intéressant, tant d’un point de vue personnel que business. Être sur place est important pour comprendre la façon dont le produit résonne par rapport à certaines spécificités. Les États-Unis ont une grosse profondeur de marché, assez liée à leur PIB, avec beaucoup plus de clients capables de transformer des dizaines d’entrepôts qu’en France. C’est un pays qui sait aller très vite, auquel il faut proposer d’autant plus de réactivité ; le montage et la réception rapides de notre système, ainsi que sa capacité à être modifié, interagit pleinement avec l’état d’esprit des Américains. Il y a de cela deux ans, nous étions de petits nouveaux sur ce marché. Nous y sommes désormais une marque établie et reconnue. Depuis le premier système installé pour l’enseigne Gap, nous en comptons désormais une vingtaine en Amérique du Nord.

 

Quelles différences constatez-vous entre les demandes et exigences de vos clients européens, américains et japonais ?

Lorsqu’un Européen vient nous voir, il a déjà une idée plus détaillée de la solution dont il a besoin, alors qu’un Américain va plutôt vous poser le problème pour vous laisser y trouver une solution : « Je veux gagner tant sur mon transport ou mon réassort », par exemple. Les Japonais vont être très sensibles à la réalisation de la promesse donnée et à la fiabilité du système. Le fait que le nôtre dispose de beaucoup de robots, puisse continuer à fonctionner en cas de pannes grâce à l’absence de points de défaillance uniques, est d’autant plus un avantage dans ce pays. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur des forces de vente locales, capables de faire le lien entre une technologie, un quartier général français, et un besoin client spécifique à un marché donné.

 

Exotec déclare dépenser 10 % de son chiffre d’affaires annuel dans la recherche et développement. Pourriez-vous nous en apprendre plus sur la finalité de ces investissements ?

Nous avons beaucoup parlé du Skypod chez Exotec. Au fur et à mesure que nous les avons vendus, nos clients ont grossi. La première installation de Cdiscount comportait sept robots. Aujourd’hui, nous signons régulièrement des projets avec 200 robots. Cette véritable machine à produire des commandes nécessite une automatisation de l’aval : l’emballage, le shipping, la palettisation potentielle… Nous avons ainsi par nature été amenés à ne plus déployer uniquement des Skypod, mais des entrepôts complets. Nous avons ainsi développé le Skypath, un convoyeur modulaire avec le même ADN que le Skypod, de même que Deepsky, le logiciel synchronisant les différentes parties de l’entrepôt. Sans rentrer dans le détail des briques à venir, nous créons un écosystème de produits robotiques entièrement modulaires, facilement connectables, rapidement déployables et modifiables.

 

Pour finir, auriez-vous un conseil de lecture qui vous a marqué, et que vous souhaiteriez partager avec nos lectrices et lecteurs ?

Je conseille de lire La Source vive d’Ayn Rand, qui est parfois mal vu. Trump a déclaré que c’était son bouquin préféré mais je suis persuadé qu’il ne l’a jamais lu. Sans spoiler la fin, c’est l’histoire d’un architecte ayant une vue très claire de ce qu’il veut faire et qui s’y tient, quitte à devenir casseur de pierres dans une carrière. C’est un très bel ouvrage, connu des Américains mais bien moins en France, car parfois dénigré en tant que livre de « libertariens », dont je ne fais pas partie. Ce roman gagnerait à être beaucoup plus célèbre.

 

 

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* Cet entretien s’est tenu mi-avril 2024, pour première parution dans le magazine Voxlog de juin.

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