Transport
Ce n’est pas parce que vous livrez « en temps et en heure » que vous êtes bon
Une tribune signée par Ludovic Knysz, directeur transport du groupe Interlog.
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Dans la plupart des entreprises, c’est le commerce qui décide de l’organisation du transport et de la logistique. Mais la capacité à livrer ses clients est-elle synonyme d’efficacité et de bon fonctionnement ?
Livrer, quoi qu’il en coûte
« Mon organisation transport est performante, la preuve : je livre mes clients dans les délais, et je sais toujours m’adapter quand je reçois une demande urgente de dernière minute ». C’est très souvent de cette manière que les entreprises jugent leur efficacité. Certes, mais à quel coût et au prix de quels efforts ?
Quiconque connaît le quotidien d’une entreprise ou d’un service de transport sait pertinemment à quel point le travail se fait en flux tendus, et souvent dans l’urgence. Car le client n’attend pas et il faut livrer, coûte que coûte. Autrement dit, c’est le commerce et le flux des demandes des clients qui dictent l’organisation du transport – une organisation qui fonctionne en mode réaction plutôt qu’anticipation.
Même si le processus de préparation de commandes est lancé, la journée est inévitablement ponctuée de demandes de dernière minute venant rallonger les tournées. On prend ces commandes imprévues parce qu’on ne dit pas non au client. Or, tous ces à-coups dans l’organisation représentent des coûts supplémentaires. Et lorsqu’on les mesure, on se rend compte que cela coûte très cher à l’entreprise si elle se « contente » de livrer ses clients.
Car se contenter de livrer, c’est faire l’impasse sur les données et sur les gains qui peuvent être faits si elles sont gérées.
Piloter par les données
Si les grands groupes industriels sont lancés depuis plusieurs années dans un vaste processus de transformation digitale, le monde du transport commence à peine à s’y engager. De fait, les entreprises de transport et les services transport des PME/ETI disposent rarement des données qui permettraient de piloter leurs opérations plus efficacement.
Par exemple, est-ce que je connais suffisamment bien les contraintes de mes clients, et est-ce que je dialogue régulièrement avec eux pour mettre à jour ces informations ? Est-ce que je connais leurs critères RSE ? Est-ce que je connais précisément leurs différents fournisseurs et est-ce que je dispose des informations qui me permettraient de mieux aligner et coordonner leurs flux ? Etc.
En somme, lorsque la chaîne précise entre les points de fourniture et les points de livraison est comprise et maîtrisée, le transport et les stocks peuvent être pilotés par la donnée – et non plus uniquement par le commerce.
Intelligence collective, de l’amont à l’aval
Disposer de données est une chose. Encore faut-il que la qualité de ces données soit assurée. Pour cela, il est indispensable que tous – industriels, fournisseurs, transporteurs, distributeurs – travaillent en bonne intelligence, et que l’amont de la supply chain parle avec l’aval pour optimiser collectivement les opérations (stocks, livraisons).
Or, cette bonne entente ne va pas de facto et peut parfois sembler être une gageure. Cela s’explique notamment par le fait qu’il y a souvent une certaine réticence à aller voir ses clients pour discuter d’une meilleure organisation logistique. Une telle démarche est perçue, à tort, comme un aveu de faiblesse – et comme le risque d’entendre ses clients dire : « Très bien, mais si vous optimisez, alors vous baissez mes prix. » Et pourquoi pas ?
Car, en réalité, il est dans l’intérêt de tous que les gains soient partagés. Optimiser le transport permet de gagner sur de nombreux aspects clés : les coûts bien sûr, mais aussi le S&OP, la gestion des camions, la performance RSE, etc.
Pour une entreprise ou un service de transport, être plus efficace et performant consiste avant tout à aller voir ses clients et travailler avec eux dans un esprit de « pooling ». Contrairement à certains a priori, les clients sont, en grande majorité, ouverts à bouger les lignes pour optimiser ensemble.
À propos de l'auteur
Avant de rejoindre le groupe Interlog en 2022, en qualité de directeur transport, Ludovic Knysz a occupé la fonction de directeur logistique du Groupe Cemoi, grande marque française spécialisée dans la production de chocolats et confiseries.
Entre 2006 et 2008, il était directeur chaine logistique du groupe agroalimentaire Pierre Martinet. Il était précédemment responsable logistique opérationnelle au sein du groupe Cemoi (2000-2006).