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Face à face : Nicolas Derouault, PDG du groupe Idea

À quelques mois du terme de son plan stratégique 2025, Idea poursuit son développement, déjà engagé dans une réflexion à horizon 2030 fortement axée sur la décarbonation et l’intelligence artificielle. Retour sur les sujets clés qui animent le groupe coopératif avec son PDG, Nicolas Derouault.

Publié le 2 octobre 2024 - 18h05
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 Oioo Studio

Vous êtes PDG du groupe Idea depuis début 2024, après y avoir officié durant de longues années. Si vous deviez définir votre métier de logisticien et votre vision de la logistique aujourd’hui, comment le feriez-vous ?

Nous sommes positionnés sur une frange de la logistique particulière, très industrielle. Au-delà même de la conception de solutions et de notre statut de logisticien industriel garantissant l’approvisionnement en usine, notre rôle réside dans l’accompagnement de nos clients, dans leur transformation, en particulier digitale mais aussi dans l’automatisation des opérations et la décarbonation. Nous leur partageons donc nos moyens, nos réflexions et nos innovations afin de challenger ces sujets. Des sujets sur lesquels nous avons à cœur d’intervenir afin de constituer une communauté au service de l’efficience de leur supply chain. Le travail d’Idea se concentre sur l’ambition de rendre la logistique plus performante et plus vertueuse.

 

Comment comptez-vous vous y prendre ? Quels moyens seront déployés pour y parvenir ?
Notre ambition est de déployer une logistique toujours plus performante et agile. Pour ce faire, nous croyons en l’utilisation intensive de la data, en un meilleur usage des ressources, des flux via de la simulation, mais également à la mise en place de nouveaux schémas organisationnels. Nous menons une recherche constante autour de la performance pour permettre à nos opérateurs de l’accroître. Nous tenons à la subsidiarité des tâches et à la responsabilisation de nos collaborateurs. Nous travaillons sur l’IA générative afin de proposer un suivi plus performant des opérations ainsi qu’un contrôle instantané de bonnes pratiques. Cela nous a notamment permis de réduire les déplacements en entrepôt et d’améliorer notre productivité de 15 à 20 %. L’IA agit également sur la densification des infrastructures, le taux de remplissage des camions pour être plus frugaux dans nos ressources… Enfin, nous nous sommes initiés à la robotisation des engins pour mieux appréhender la coactivité et générer de la fluidité. En ce qui concerne notre ambition de concevoir des solutions plus vertueuses, cela passe par la volonté de systématiser l’écoconception sur tous les plans : le développement des caisses navettes, le reconditionnement des emballages ou bien encore l’usage d’énergies vertes pour le transport. Parallèlement, le levier de la réduction de l’emprise au sol s’intensifie. Nous souhaitons participer à la zéro artificialisation.

 

Vous avez annoncé un objectif de réduction de l’empreinte carbone de 25 % d’ici fin 2025. Fin 2023, vous étiez déjà à 20 %. L’objectif a-t-il été revu à la hausse ?

Nous poursuivons notre trajectoire avec un peu d’avance mais les pourcentages restants seront les plus difficiles à atteindre. Toute notre équipe est mobilisée pour arriver à des résultats concrets. Un travail de fourmi s’effectue sur nos 70 sites en France. Notre démarche RSE est engagée de longue date, via un référentiel ISO 26000. Pourrait-on faire encore plus ? Nous aimerions tous mais nous avançons étape par étape et travaillons sur 2030. Sur ce sujet majeur de la décarbonation, nous logisticiens utilisons par nature des mètres carrés, artificialisons les sols et mettons des camions sur les routes. Il faut aller à contrario de tout cela, au travers d’un développement verdi dont puissent profiter nos clients. Nous devons donc nous creuser la tête sur les façons d’y parvenir. Un rêve que je souhaite véritablement sérieux et réalisable serait d’atteindre moins 50 % d’émissions. Un objectif abordable avec des systèmes de compensation, un impact positif sur des plateformes et la capacité de produire de l’énergie verte. Nous profitons également des nouvelles technologies – flotte en biogaz, électrique –, dans lesquelles nous expérimentons et investissons très lourdement.

 

Vous entendez diversifier vos métiers, vos marchés et vos clients. Quels leviers majeurs vous permettent d’avancer dans cette direction multiple ?

Se diversifier pourrait être considéré comme une source de dispersion de savoir-faire, hors l’objet n’est pas de jouer aux apprentis sorciers. Au contraire, nous avons toujours considéré cet acte de diversification comme vital pour Idea et nos clients. Il nous apporte de la résilience face aux évènements. Lorsque les volumes d’activités de l’aéronautique ont chuté de 30 à 40 %, cela nous a permis de rester agile et de rebondir. Quelles qu’en soient les raisons, les fluctuations de marchés s’accélèrent, sont plus soudaines et intenses. Dans ce contexte, la diversification s’illustre comme un des leviers pour les affronter, pour suivre nos clients dans leurs évolutions et de rendre toutes nos bonnes pratiques transverses d’un marché à un autre.

 

Pour quelles raisons souhaitez-vous renforcer vos activités dans les secteurs de la santé et de la logistique de chantier ?

Sur la logistique de chantier et de la santé, nous changeons de paradigme, car nous ne sommes plus sur des marchés purement industriels. La santé est un univers complexe, en lien direct avec le grand public, et le bâtiment s’apparente à une usine éphémère dont la montée en puissance est très rapide, pour s’arrêter ensuite quelques temps plus tard. Pour appréhender ces marchés, nous nous imprégnons des écosystèmes, sur le sujet du bâtiment depuis près de 10 ans, et la santé depuis trois ans. Nous avons par exemple rencontré de nombreux professionnels de santé afin de comprendre et constituer progressivement une base d’informations dans une approche expérimentale. À partir du moment où nous percevons un intérêt partagé, nous expérimentons ensemble et si les résultats attendus sont appréciés par les différentes parties prenantes, nous franchissons les étapes suivantes. Cela prend du temps, mais nous sommes une société plus que centenaire, alors cela nous va bien.

 

Quels sont les secteurs qui tirent particulièrement la croissance du groupe ?

Le marché de l’aéronautique connaît une très forte reprise après les lourdes pertes accusées lors de la crise sanitaire du Covid. Le marché de la défense est aussi en fort développement. S’y ajoute celui l’énergie, porté par la transition vers les énergies vertes avec le photovoltaïque et l’éolien. Nous avons également de beaux projets autour du nucléaire.

 

Vous vous concentrez également fortement sur l’innovation et la R&D. Pourquoi cette orientation et comment se matérialise-t-elle ?

Auparavant, nous parlions d’ingénierie de projet, aujourd’hui d’innovation. Quelle que soit la terminologie employée, nous la portons dans notre ADN depuis plus de 20 ans. Elle s’illustre notamment dans notre démarche « IDEActions », portée par toute l’entreprise. Nous souhaitons que chacun ait la possibilité de partager ses idées en matière de conditions de travail, de performance, voire de proposer un nouveau service. En tant que spécialiste logistique, nous devons faire preuve d’agilité intellectuelle pour coller au plus juste des besoins de nos clients, entre le sur-mesure et la mise en place de process standardisés.

 

Pour finir, avez-vous d’ores et déjà des idées concernant votre plan stratégique 2026-2030 ?

Notre souhaitons être un acteur de référence de la logistique soutenable, via un projet co-construit avec nos plus de 2 000 collaborateurs. Nous l’entamons au travers de rencontres et d’expérimentations avec nos équipes, avec une échéance fin 2025. Les grandes données de ce futur plan sont les suivantes : aller vers un développement plus durable, donner plus de sens à l’action en intégrant les enjeux sociaux, le développement des futures compétences et une gouvernance partagée. Au regard de nos racines coopératives, 7 % de notre capital a été ouvert cet été à nos collaborateurs, comme nous l’avions déjà fait auparavant. Cela me semble être un vrai moteur d’engagement et de pérennité. Enfin, en termes de technologie, l’IA aura une place énorme. En conclusion, j’ai hâte de co-construire avec les équipes, et toutes celles et ceux qui nous inspirent, ce futur projet. 

 

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