Prestataires
Entretien exclusif avec Guillaume Péard, président de Kuehne+Nagel France et Maghreb
Entre stratégies globales et locales, modernisations et décarbonation multiaxiale, Voxlog fait le point sur les ambitions et les actions concrètes de Kuehne+Nagel avec Guillaume Péard, président du groupe international de logistique et de transport pour la France et le Maghreb.
©
Matthew Perget
Comment se porte actuellement le groupe Kuehne+Nagel, ainsi que ses activités en France ?
Kuehne+Nagel se porte bien, comme en témoignent – le groupe étant côté en Bourse – les derniers chiffres officiels relatifs au troisième trimestre de cette année 2024 [18 041 millions de francs suisses en neuf mois, soit environ 19,36 milliards d'euros, ndlr]. Compte tenu d’un contexte actuel un peu perturbé, ils sont très honorables, puisque le chiffre d'affaires est stable. À l’image de son logo, le groupe tient son cap, et ce sur ses quatre métiers que sont le maritime, l’aérien, la route et la logistique. À noter que nous sortons de plusieurs années de performances particulièrement élevées, consécutives à la sortie du Covid. Les chiffres actuels traduisent ainsi un retour à une situation plus normale, mais illustrent une belle progression par rapport à la période prépandémie. Nos activités en France se portent également plutôt bien ; nous allons terminer ce dernier trimestre avec de beaux projets, et nous mesurons déjà les bénéfices de notre stratégie « Roadmap 2026 ».
Quels sont les effectifs actuels de Kuehne+Nagel en France ?
Nous sommes environ 8 500 collaborateurs permanents, auxquels s’ajoutent de l’intérim pour nos activités de logistique principalement, et de transport routier, afin d’amortir à la hausse ou à la baisse les fluctuations d’activités. Au total, nous employons 10 000 personnes en moyenne. Corrélés à la croissance de notre entreprise, nos effectifs évoluent de manière stable.
Comment se composent et évoluent vos réseaux physiques, sur vos différentes activités ?
Nous disposons en France de 125 sites, tous métiers confondus, dont beaucoup sont liés à nos business units Contract logistics [logistique contractuelle, ndlr] et Road [route]. Pour la logistique, nous comptons environ 45 sites, avec des chiffres en progression mais variant selon nos succès commerciaux. Notre réseau de messagerie nécessite quant à lui le maillage de l’ensemble du territoire. Outre quelques sites supplétifs, nous comptons 56 agences, pour lesquelles nous investissons depuis plusieurs années dans leur modernisation et leur agrandissement, afin de suivre notre croissance en messagerie et en affrètement. Ces activités nécessitent de plus une stabilité dans le temps, ce qui explique églalement ces mises à niveau régulières de nos sites, aux localisations précises et étudiées. Dans ce cadre, nous avons ouvert cette année deux nouvelles agences de transport : notre plus grande en France, près de Toulouse, ainsi qu’une autre à Metz. Concernant l’aérien, nous avons ouvert l’année dernière le bâtiment de Roissy, emblématique de notre développement. Particulièrement qualifié pour le secteur de la pharmacie, il comprend des zones à températures dirigées, et une connexion directe aux pistes après le passage en douane. Il nous permet de renforcer notre positionnement sur le marché de l'healthcare, mais aussi du luxe, par exemple. Au-delà des offres general cargo traditionnelles, nous développons ainsi des savoir-faire spécifiques sur certaines verticales, avec une pleine maîtrise de notre outil de travail, sans sous-traitance. Pour le maritime, nous avons ouvert un bureau à Porte d’Orléans [au sud de Paris] l’année dernière, et un autre à Lille cette année. Ils nous permettent de nous rapprocher de notre marché du freight forwarding. N’oublions pas enfin notre présence au Maroc, avec l’agence de Casablanca, opérant à la fois sur du fret maritime, aérien et routier. Formant chez nous un cluster avec la France, le Maroc représente beaucoup d’atouts stratégiques : tête de pont pour les pays du Maghreb, sa position géographique est idéale pour de nombreuses industries, dans un contexte de relocalisation. S’y ajoutent de conséquents investissements dans ses infrastructures, tel le port de Tanger Med, qui est aujourd’hui le plus grand en Méditerranée.
En avril 2024, Kuehne+Nagel International AG a annoncé la disparition de sa structure par entités régionales. Qu’est-ce que cela implique pour vous concrètement, en tant que président France et Maghreb de Kuehne+Nagel ?
Cette transformation consistait à rendre l'organisation du groupe plus directe, agile. S’est ainsi effectué un rapprochement du corporate avec les pays, par le biais de circuits décisionnels raccourcis. Lorsque je reportais précédemment pour la région Europe, je suis désormais en lien direct avec le conseil d’administration en Suisse, sans couche intermédiaire. Il en va de même pour tous mes homologues des différents pays. Pour un grand groupe tel que le nôtre, cette rapidité et cette proximité sont précieuses.
Vous avez précédemment mentionné votre « Roadmap 2026 ». Quelles en sont ses finalités ?
Cette feuille de route s’inscrit dans une stratégie plus large, « Vision 2030 », visant à faire de Kuehne+Nagel le spécialiste de la supply chain, de même qu’un partenaire de confiance et engagé pour un futur plus durable. Pour que cette ambition se concrétise, nous la transformons en actions : telle est la vocation de la « Roadmap 2026 ». Cette dernière se fonde sur quatre piliers : l’expérience Kuehne+Nagel [relative à la perception de l’entreprise en interne auprès des salariés, et en externe auprès des clients, avec des démarches engagées pour instaurer un climat de confiance et de collaboration, ndlr], l’écosystème digital [amélioration de la qualité des données, de leur compréhension et de leur partage, cumulée à des investissements dans les outils numériques, l’intelligence artificielle, les infrastructures cloud…] l’ESG/la RSE, et le potentiel de marché [pour s’adresser à des secteurs à hauts potentiels économiques, comme les industries des semi-conducteurs, des énergies renouvelables et des centres de données].
Pourriez-vous nous détailler le volet relatif à votre stratégie ESG/RSE ? Quelles mesures prenez-vous pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de vos activités, liées au transport tout particulièrement ?
Nous avons premièrement effectué nos premiers pas dans l’électrification de notre flotte de véhicules. Après la réception, l’année dernière, de 23 porteurs électriques Renault Trucks, nous venons d’effectuer une seconde commande de 58 unités supplémentaires, dont l’ensemble sera progressivement réparti entre nos agences cette fin d'année et courant 2025. Principalement utilisés sur des tournées de distribution et de ramasse en zones urbaines ou périurbaines, ces véhicules électriques bénéficient d’un très bon retour d’expérience de la part de nos conducteurs. Nous avons parallèlement investi dans les infrastructures de recharge nécessaires, et continuons d’augmenter le nombre de nos camions roulant aux biocarburants, dont le HVO [huile végétale hydrotraitée, ndlr]. Pour le fret aérien, nous promouvons l’utilisation de SAF [carburant durable d’aviation]. Bien que sa production et donc sa disponibilité soient limitées, nous le proposons en option à nos clients, grâce à la signature d’accords avec des compagnies aériennes, telle Cathay Pacific. Le groupe Mercedes-Benz utilise par exemple un de nos Boeing 747, affrétés auprès de la compagnie Atlas Air et comprenant du SAF, pour des liaisons régulières entre Stuttgart et les États-Unis.
Notre décarbonation progressive n’implique pas une seule source d’énergie, mais un mix, moins dépendant des fossiles, qui évoluera dans le temps.
Sur quels objectifs concrets et chiffrés votre groupe s’engage-t-il sur le sujet ?
Le groupe Kuehne+Nagel ambitionne que sa flotte en propre atteigne les 60 % de véhicules à faibles émissions de CO2 d'ici 2030. Pour que nos objectifs de réduction de notre empreinte carbone soient les plus pertinents et sérieux possibles, je vous annonce que le groupe est en train de refaire revalider par le SBTi [Science-based targets initiative, pour des objectifs « fondés sur la science », ndlr], de manière précise, l’ensemble de nos métiers aériens, maritimes, routes et logistiques.