4 questions à Pascal Querro, directeur Supply Chain Consulting chez JLL

Quels défis et évolutions technologiques poussent actuellement les entreprises à entamer une transformation de leurs organisations ?

Les défis sont nombreux ! Nouvelles attentes consommateurs, inflation, tensions sur les ressources humaines, réglementations, politiques RSE… Toutes ces tendances de marché s’illustrent comme des challenges majeurs pour les entreprises. Mais ces derniers pourront notamment être relevés, au moyen d’innovations significatives, dans l'utilisation des données et l'adoption de nouvelles technologies telles que la digitalisation, la robotique, l'automatisation ou bien encore l'intelligence artificielle.  

Quelles évolutions doit-on attendre dans les prochaines années sur les schémas directeurs logistiques ?

Poussées par ces multiples facteurs, les organisations évoluent. Elles basculent d'un modèle centralisé vers des structures plus locales et agiles. Le modèle historique de réseau mondial, basé sur des économies d'échelle et une centralisation des approvisionnements et des stocks, cède progressivement la place à des modèles plus locaux et plus proches des consommateurs. Cette transition, visant à accroître l'agilité des entreprises, répond aussi aux nouveaux modes de consommation et aux réglementations émergentes, favorisant une logistique de proximité axée sur la circularité.

L'évolution des réseaux de distribution se caractérise aujourd'hui par une adaptation progressive plutôt qu'une transformation radicale. Cette approche se traduit par une relocalisation ciblée des stocks, répondant ainsi à la croissance de nouveaux marchés. Cette tendance est souvent liée à l'expansion internationale des marques vers des pays à forte croissance et au développement de l'omnicanal. Dans ce contexte, la configuration optimale du réseau logistique doit s'aligner davantage sur la dynamique des marchés.

Pour choisir l'emplacement de leurs entrepôts, les entreprises considèrent la proximité des agences de transport et les délais de livraison. Elles ne se limitent pas aux coûts de transport, mais évaluent aussi la capacité d'un site à assurer une distribution efficace. Cette analyse se fait généralement pays par pays, en tenant compte des engagements de service parfois très compétitifs des concurrents locaux.

Ces éléments redéfinissent les zones de chalandise des plateformes logistiques, reflétant une stratégie où le time-to-market devient un critère de choix prépondérant dans les décisions de localisation. Cette approche souligne l'importance croissante de la réactivité et de la proximité client dans la stratégie logistique moderne. 

Ces stratégies sont-elles adaptées au développement e-commerce des entreprises ?

De nombreuses entreprises réorganisent leurs réseaux de distribution pour répondre spécifiquement aux exigences du commerce en ligne. Dans les pays matures, les ventes digitales sont devenues un levier de croissance essentiel. Les marques misent de plus en plus sur les ventes directes via les réseaux sociaux, espérant créer un effet de halo bénéfique sur leurs autres canaux de vente et produits. C'est une autre forme de commerce où les produits sont poussés au consommateur et où le consommateur est lui-même au centre de l'écosystème de la marque, il peut échanger avec la marque et il peut aussi contribuer à vendre des produits.

Cette évolution conduit nos clients à reconsidérer leur stratégie. Ils ont deux options : utiliser les réseaux logistiques des places de marché ou gérer eux-mêmes leurs flux, en laissant aux places de marché uniquement la vente et la facturation. S'ils choisissent de gérer leurs flux, ils doivent adapter leurs réseaux de distribution aux exigences du e-commerce. Cela implique de rapprocher les stocks des transporteurs pour réduire les délais de livraison.

En définitive, la réussite dans le e-commerce nécessite une approche équilibrée, alliant une logistique efficace, une expérience client personnalisée, et une stratégie de marque cohérente à travers tous les canaux de vente.

Quelles sont les répercussions de ces évolutions sur la supply chain ?

Il est plus que jamais nécessaire d’avoir une réflexion associant flux d’information, positionnement des stocks et flux physiques à chaque étape de la supply chain, avec la capacité de réagir en temps réel. La mise en place d’outils de plus en plus actifs en amont des flux physiques permet le pilotage des flux en temps réel avec une allocation dynamique des stocks.

Un des défis est d’adapter le réseau logistique, les processus logistiques et les règles de gestion pour avoir la capacité physique à exploiter le potentiel de ces nouveaux outils, tout en maintenant la cohérence et l’intégrité de toutes les chaînes transactionnelles du système d’information.

Dans les entrepôts, l'enjeu est double : flexibilité face aux variations d'activité et maîtrise des coûts. L'automatisation émerge comme la solution phare, répondant aux défis économiques et aux tensions du marché de l'emploi. Elle offre une formation rapide, une meilleure adaptabilité aux pics d'activité et une polyvalence accrue. La robotisation apporte une évolutivité tant en termes de processus que de volumes, avec des retours sur investissement rapides qui sécurisent les choix stratégiques des entreprises.

L'avenir se dessine autour d'une digitalisation globale, transformant radicalement la supply chain. Des outils intelligents et collaboratifs émergent, capables d'apprentissage et d'optimisation autonome. L'arrivée des IA génératives promet des bouleversements structurels majeurs dans toute la chaîne logistique.

Ces innovations technologiques devraient permettre de maîtriser les coûts des nouveaux modèles de distribution, intrinsèquement plus onéreux.

En réponse à ces évolutions, l'immobilier logistique doit se réinventer : il doit être plus flexible, avec des engagements courts et une adaptabilité accrue. Les espaces deviennent intelligents et reconfigurables, s'ajustant rapidement aux besoins fluctuants du marché.

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