Transversal
[Portrait] Frédéric Vallet, président de DB Schenker France Maghreb
Avoir les deux pieds bien ancrés dans le sol n’a pas empêché son ascension. De son HLM francilien au siège vendéen de l’entreprise qu’il dirige, Frédéric Vallet, président de DB Schenker France Maghreb, a parcouru beaucoup de chemins dans le monde du transport. Retour arrière sur un itinéraire riche d’expériences.
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Illustration - Romane Coston
Depuis le 16e étage d’une barre d’immeuble de Meaux, en Seine-et-Marne, à aujourd’hui, Frédéric Vallet, actuel CEO France Maghreb de DB Schenker, a toujours baigné dans le monde du transport. Dans son 77 natal, entre sa vie de quartier, le collège et les copains, le jeune homme évolue dans une famille où le transport s’illustre comme devenant chauffeur routier : « J’ai eu une enfance sympa, dans une famille ouvrière et un quartier où se succédaient des kilomètres et des kilomètres d’immeubles mais où nous vivions bien. J’ai passé quasiment toute mon adolescence à Meaux, et lorsque ma mère a gagné en pouvoir d’achat, nous avons migré vers une autre cité où cette fois-ci, l’immeuble le plus haut ne faisait que sept étages. Pour nous, c’était une grande marche sociale », raconte Frédéric Vallet. Et pour cause, passée cheffe de service, la mère initie son fils à son univers, le faisant travailler l’été sur des activités de mise à quai. Mais le jeune homme n’a alors qu’une envie, embarquer à bord des camions filant vers de la longue distance : « Je n’avais qu’une vision : être chauffeur routier, au grand désespoir de ma mère ! À l’époque, je n’imaginais pas d’autres écosystèmes », souligne le CEO. Puis vient l’année du bac. Le jeune homme redouble mais découvre alors un livre de l’AFT dans lequel est évoquée L’EDTR - École de direction des transports routiers.
Nous sommes en 1991 et Frédéric Vallet se dit que cette trajectoire pourrait lui convenir. Il postule et est sélectionné après avoir sérieusement négocié avec les dirigeants de l’école pour intégrer l’établissement sans son diplôme en poche. « J’ai su plus tard qu’ils avaient été persuadés par ma passion lors de mon concours d’entrée. Et cela s’est vérifié tout au long de mon cursus, j’ai adoré ! », soutient-il. Preuve en est, l’étudiant finit troisième de sa promotion puis embarque subitement pour son service militaire, direction Provins (77). « Je rentrais pratiquement tous les soirs retrouver ma dulcinée, qui l’est toujours aujourd’hui d’ailleurs. L’armée m’a permis d’obtenir un début de leadership et m’a appris quelques postures. Mais j’avais hâte de bosser, de commencer à vivre et de rembourser mes crédits étudiants », poursuit-il.
Les routes de l’apprentissage
Le jeune homme intègre alors la Compagnie nouvelle de conteneurs (CNC), une filiale de la SNCF spécialisée dans le rail-route. Il devient affréteur puis rapidement responsable du service : « c’était passionnant pour le gamin que j’étais, cela m’a forcé à me dépasser. Chaque jour, je devais appeler 30 transporteurs et rencontrer des clients en physique. » Très vite, le jeune responsable ressent l’envie de se lancer dans le commerce. La CNC lui offre un poste dédié durant un an puis Thierry Mazet, président de l’entreprise familiale Mazet, l’appelle. Il recherche un responsable d’exploitation à Gonesse (95). « Me voilà parti dans le Val-d’Oise pour ma première réelle mission de responsable d’exploitation. J’observe énormément, je deviens une éponge. Je veux m’adapter, c’est la seule chose qui me caractérise et me réussit. » Seulement, Frédéric Vallet a du tempérament. « Il est travailleur, structuré, intelligent et autonome dans sa façon de travailler. Mais il peut aussi être sanguin. Avec le temps, il s’est énormément assagi. C’est sans doute le fruit de son expérience et de la chute de ses cheveux », s’amuse François Mallassagne, directeur de l’activité Route de DB Schenker France Maghreb avec qui Frédéric Vallet collabore depuis 14 ans.
À la suite d’un désaccord, il pose sa démission, les choses s’apaisent, il revient, « puis, rebelotte et je pars. TNT m’embauche comme directeur production. Trois mois après le directeur général m’appelle, pour aider à redresser les agences. J’ai adoré. On m’a ensuite mis sur un projet TMS. À l’époque, je ne me rendais pas compte que j’acquérais des compétences importantes. » L’entreprise TNT est revendue, Frédéric Vallet reste dans l’aventure. La société est ensuite acquise par Heppner. Son président d’alors, Jean Schmitt, l’envoie fusionner des agences et lui confie par la suite la reprise d’une agence à Gonesse avant de le rappeler au siège. Il reste sept ans chez le transporteur.
Se souvenir des belles choses
Seulement Frédéric Vallet est sollicité, très sollicité. En 2010, le groupe Caravelle lui offre une mission : la reprise de DHL Express. Nouvelle démission, nouveau départ. Il ira finalement œuvrer au sein de Mory Ducros, en tant que directeur de la messagerie nationale et internationale durant près de quatre ans. Il repartira ensuite après un appel de DB Schenker : « J’arrive dans cette belle boutique. Je prends la direction générale de la route au bout de deux ans, puis deux ans plus tard, la présidence en 2018. Cela fait dix ans que je suis là et je n’ai aucun regret. La fusion avec DSV est la prochaine étape. Aujourd’hui, nous nous demandons comment créer un ADN deux fois plus fort et faire que tout le monde ait l’impression d’exister dans ce nouvel ensemble », affirme Frédéric Vallet. Une posture qui n’étonne pas la chief people officer avec qui il travaille, Maylis de Maissin : « Son parcours se reflète beaucoup dans sa personnalité. Frédéric est très simple dans la manière dont il fonctionne. Il est curieux et a besoin d’être challengé intellectuellement. Et s’il reste évidemment un dirigeant, il se montre toujours très soutenant et conserve ce côté très abordable aussi bien vis-à-vis des managers, des élus que des salariés. C’est une de ses marques de fabrique », souligne-t-elle.
Et si son parcours est dense et sa frénésie de travail intense, Frédéric Vallet admet pourtant que le transport n’est pas sa première passion. La sienne est très simple ; elle se matérialise au travers de deux personnes : « ma femme et ma fille. Je les ai toujours en fond d’écran de téléphone. Elles seules me ramènent les pieds sur terre. Je suis bien quand je suis avec mon cocon. Finalement, la seule chose qui pourrait réellement me passionner est de faire des choses avec elles et de gagner un souvenir supplémentaire à leurs côtés », confie le CEO. Sans doute Frédéric Vallet n’a pas oublié d’où il vient. Un monde ouvrier, où le travail et la famille sont essentiels et où l’on aime le concret : « Je n’ai jamais souffert d’avoir grandi avec une cuillère Ikea dans la bouche. Le salaire n’est qu’une conséquence du mois, je veux savoir pourquoi je me lève. Je ne le fais pas pour du consommable mais pour du mémorable. Je ne suis pas malheureux, je profite de la vie, même si je me sens aussi responsable socialement de 6 000 personnes. Des décisions prises dépendent l’avenir et le bien-être personnel du personnel. J’ai 91 chefs d’agence, ce sont eux les stars », conclut-il.