Immobilier
Entretien exclusif avec Yann Daoudlarian, président de l’Agence Franc et du Groupe Franc Architectures
Derrière chaque plateforme, messagerie ou entrepôt de toute taille se trouve une agence d’architectes, en charge des esquisses, mais aussi de nombreuses étapes essentielles à leur édification. Voxlog s’est entretenu avec Yann Daoudlarian, président de l’Agence Franc et du Groupe Franc Architectures, aux coups de crayons redessinant les bâtiments logistiques, dont celui du Coudray-Montceaux, livré par Telamon et exploité par GLS.
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Groupe Franc
Comment a évolué l’Agence Franc depuis votre arrivée en 2007, puis le Groupe Franc Architectures que vous présidez également ?
Après le décès de Gérard Franc en 2011, qui avait fondé l’Agence Franc en 1976 à Falaise, en Normandie, son fils Gabriel Franc et moi avons décidé de nous associer afin de poursuivre son œuvre. À 50-50, respectivement en tant que directeur général et président associés. Comptant une quinzaine d’employés au début de la décennie précédente, personnel administratif compris, nous oscillons désormais entre 120 et 130 collaborateurs. Avec Gabriel Franc, nous avons réalisé de la croissance externe, en maillant le territoire pour être au plus près de nos projets, des élus et des utilisateurs. Nous avons ainsi acquis successivement plusieurs agences au Havre, à Caen, à Bordeaux, à Toulouse (une autre acquisition est en cours à Lyon, dans le cadre d’un partenariat), ainsi que des bureaux d'études en région parisienne. Nous enregistrons aujourd’hui une croissance assez favorable, avec un chiffre d’affaires d’environ 17 millions d’euros. Notre cœur de métier concerne, entre 50 et 60 %, de l’architecture industrielle et logistique. Et ce avec une vision complète du bâtiment : phases d’études, esquisses, permis de construire, DCE [dossier de consultation des entreprises, ndlr], livraison et garantie décennale. L’essentiel de nos commandes sont privées, avec une récurrence de demandes démontrant la confiance que nous accordent nos différents clients.
Au Coudray-Montceaux, vous avez été sollicité par Telamon pour concevoir l’architecture d’une messagerie de 12 000 m², désormais exploitée par GLS. Quelle a été la genèse de ce projet ?
Telamon, historiquement Panhard Développement, disposait d'une indivision sur la ZAC des Haies blanches, de 64 hectares, dans cette commune de l’Essonne. Ils souhaitaient y réaliser une zone logistique plus que vertueuse, non délaissée architecturalement. Ils se sont associés à Gérard Franc, qui portait les mêmes valeurs, de même qu’avec le paysagiste Gilles Genest. De premiers bâtiments logistiques, allant de 40 000 à 80 000 m², sont sortis de terre, avec une intelligence architecturale non seulement formelle, mais aussi fonctionnelle puisqu’en pignons. S’y ajoutaient des noues paysagères, des espaces bocagers, des haies persistantes, avec un travail attentionné où chaque abri vélo, chaque local à poubelles faisaient partie d'un dessein architectural, loin du préfabriqué. Après l’éclosion de plusieurs entrepôts, comptant une grande messagerie dont un architecte confrère a eu la charge, restait un terrain un peu alambiqué, singulier – l’architecture industrielle n'aime pas trop s'installer sur des terrains avec des formes trapézoïdales, concaves, convexes. Nous avons commencé à faire des esquisses, et une messagerie dite classique arrivait à s’y positionner. En a découlé un bâtiment de 11 900 m², dont 1 500 m² de bureaux, sur une parcelle de 7 hectares.
Quelles autres problématiques avez-vous rencontrées sur ce site ?
Outre le fait qu’il fasse front à l'autoroute A6, avec un passage de plusieurs centaines de milliers de véhicules par jour, une ligne à haute tension vient le border, là où les bureaux devaient s'installer. Mais loin d’un terrain du désespoir, ce fut au contraire un terrain d’avantages. Très vite, nous avons su répondre au cahier des charges des utilisateurs, qui imposaient leurs critères et standards. Du fait de la raréfaction des fonciers, l’architecture, particulièrement dans l’immobilier d’entreprise, industriel et logistique, se doit d’être agile.
Quels ont été les choix architecturaux notables de l’entrepôt, pour notamment diminuer son empreinte carbone et favoriser le confort de travail ?
Nous avons souhaité proposer un cadre de travail agréable via une structure lumineuse, proposant également des vues. 85 % des bureaux sont ainsi éclairés naturellement plus de 2 000 heures par an. La halle logistique, comprenant la partie mécanisée, bénéficie également de cette attention pour que les salariés puissent se sentir mieux dans leur environnement de travail. Nous répondons, sur plein d’autres sujets (qualité de l’air, aménagements intérieurs et extérieurs, confort thermique et acoustique…), à des critères environnementaux nous permettant d’être certifiés Breeam « Excellent » et de souscrire au label Biodivercity. Ce bâtiment, valant 18 millions d'euros et récemment inauguré par GLS, enregistre dans son entièreté un impact carbone diminué de 38 % par rapport à un entrepôt standard. Ce qui résulte d’une démarche engagée par toutes les équipes des parties prenantes, avec l'investisseur, le promoteur, l'utilisateur. Ce dernier a tout de suite compris le message que nous portions. Le projet illustre, dans le sillage de l’héritage de Gérard Franc, la volonté selon laquelle l'acte d’architecture s’accompagne d’un acte social.
Vous évoquiez précédemment la raréfaction du foncier. Qu’en est-il du devenir à long terme de cette messagerie ?
Elle est complètement divisible, de manière transversale, pour plusieurs preneurs d'activités. Si un jour GLS s'en va et que les critères ne correspondent plus à de la messagerie, nous avons fait en sorte de pouvoir rendre les locaux communs, et les accès, ascenseurs, escaliers, complètement mutualisables pour desservir plusieurs bureaux par plateau et par étage. Tout peut être recloisonné à loisir, avec d’autres ouvertures. Nous ne pouvons plus nous permettre de construire un bâtiment qui ne réponde qu’au seul programme d'un utilisateur, sans prendre en compte son futur, pour ensuite devoir le détruire. Cette messagerie a ainsi été pensée pour suivre l’évolution du commerce, du stockage, de l’activité. D’ici 50 ans, le bâtiment aura encore, je l’espère, une autre vie.
© Groupe Franc | La façade du site comporte une double peau en résille métallique perforée, semblable à un moucharabieh, permettant de contrôler l'exposition au soleil tout en améliorant le confort visuel.
© Groupe Franc | Baignée de lumière naturelle, la halle de production de près de 10 500 m² a été conçue pour permettre une large flexibilité logistique.
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