Immobilier
Faire du ZAN un outil de progrès pour la logistique
Une tribune signée par Maxime Forest, directeur général de France Logistique, association regroupant et coordonnant les acteurs privés de la filière logistique française.

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ZAN : trois lettres qui suscitent, selon les cas, incompréhension ou préoccupation, mais rarement beaucoup d’optimisme. Au-delà des sentiments que l’on éprouve, la réalité est que la logistique est directement concernée, et qu’il faut se préparer à ses impacts. Il y a aussi, peut-être, des opportunités de progrès à saisir.
Bientôt, en France, pour toute nouvelle surface artificialisée (bâtiment, parking…), il faudra qu’une surface équivalente soit renaturée (restauration de zone agricole, de zone humide…). C’est la notion de « zéro artificialisation nette » et la loi prévoit qu’elle s’appliquera strictement en 2050. D’ici-là, l’artificialisation nette doit suivre une trajectoire descendante, jusqu’à atteindre zéro. C’est une contrainte de plus en plus forte qui va s’appliquer sur toutes les nouvelles constructions. Les élus locaux ont la (lourde) charge d’orchestrer cette décroissance, en répartissant des droits à artificialiser entre les territoires et en mettant à jour les documents d’urbanisme, comme les PLU.
L’objectif principal de la loi est de freiner l’étalement urbain pour favoriser la biodiversité. La ville va devoir se « densifier ». Le premier moteur d’artificialisation étant le logement, c’est notre habitat qui devra se réinventer pour consommer moins de surface au sol. Mais le législateur n’a pas voulu faire de distinction entre le logement, les équipements, les infrastructures et les activités économiques. Toutes les nouvelles constructions, du lotissement résidentiel à l’école, du centre commercial avec son parking jusqu’à l’usine, vont devoir respecter le ZAN.
Une contrainte additionnelle
La logistique aussi est concernée, même si les entrepôts ne représentent que quelques pourcents de la dynamique de consommation de surfaces dans le pays. La rareté foncière était déjà une réalité pour le secteur, qui sait à quel point la disponibilité des terrains et l’acceptabilité locale sont des enjeux importants aujourd’hui. Les professionnels sont largement engagés dans la réduction de leurs impacts environnementaux et l’optimisation de leurs implantations. Mais le ZAN crée une contrainte additionnelle, qui va se renforcer d’année en année.
Que faire ? Tout ce qui limite l’artificialisation va gagner en intérêt : construire sur une friche, ou construire des bâtiments plus hauts, par exemple. Les professionnels connaissent bien ces solutions exemplaires, qui pourtant peuvent être difficiles à mettre en œuvre. Notre message aux pouvoirs publics est qu’il faut travailler à faciliter ces projets « sobres » en m² de sol. Les mêmes PLU qui vont bientôt empêcher d’artificialiser les sols, empêchent déjà souvent de construire en hauteur.
Il restera des cas où construire des bâtiments logistiques plus performants sur de nouveaux terrains sera nécessaire et pertinent, pour accompagner les mutations de l’économie et les nouvelles attentes sociétales. Le risque serait de sous-estimer les bénéfices apportés par ces projets, au moment de choisir l’usage des sols d’un territoire. Face à un projet de nouvel immeuble d’habitation, de collège ou d’usine, la concurrence sera rude. Il faut donner le temps à une véritable concertation, pour que les acteurs économiques puissent exprimer leurs besoins et se faire entendre par les décideurs publics. Un peu de souplesse, dans le calendrier comme dans l’application de la trajectoire, serait utile. Le gouvernement a plusieurs fois évoqué cette possibilité d’ajuster les contraintes, pour faciliter la réindustrialisation et soutenir l’économie. Il faudra aussi que les bâtiments logistiques en bénéficient.
De premières réponses à améliorer
À plus long terme, il n’est pas interdit de se demander si l’objectif – bien compréhensible – de préserver les sols et la biodiversité pourrait être atteint par d’autres moyens. Le mécanisme descendant et très administré du ZAN, faisant peser toute la charge sur les élus locaux, était-il inévitable ? Nos voisins européens – dont aucun n’a un dispositif similaire – peuvent-ils nous inspirer ? Faut-il appliquer les mêmes règles pour gérer l’étalement du logement et celui des entreprises ? Le ZAN a proposé de premières réponses, mais il faut continuer de travailler à les améliorer.
Et à l’heure de la réindustrialisation, du changement des règles du jeu du commerce international et de la résilience face aux nouvelles menaces, nous n’avons peut-être pas encore mesuré tous les atouts de notre territoire. Après tout, il n’y a pas de raison que la logistique tourne le dos à la géographie. À l’échelle européenne, nous avons un grand pays, des façades maritimes et des corridors puissants. Mailler le territoire intelligemment, avec des équipements économiques vertueux et performants, au bon endroit, c’est un choix qui qui permettra de renforcer notre souveraineté et maîtriser notre destin.
