Transport
Des camions remplis d’opportunités : maximiser le chargement, minimiser l’impact
Une tribune signée Camille Tavaud Renaudie, consultante senior au sein du cabinet de conseil en management pluridisciplinaire indépendant Bartle.

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Le taux de remplissage des camions reste une priorité cruciale dans le transport routier. En France, en 2023, selon le Comité National Routier (CNR), les semi-remorques affichaient un taux moyen de chargement de 75 % sur leurs parcours en charge. Cela montre que des marges de progression subsistent, que ce soit pour les entreprises qui n’ont pas encore mené cet exercice ou pour celles qui peuvent aujourd’hui aller plus loin grâce aux nouvelles technologies.
Améliorer ce taux n’est pas seulement une question de bon sens logistique : c’est une réponse stratégique à des enjeux économiques et environnementaux pressants.
Des enjeux multiples qui en font une priorité
De nombreux enjeux font du taux de remplissage la priorité croissante à travailler pour les chargeurs.
Tout d’abord le secteur du transport fait face à une forte pénurie de transports et de conducteurs. D’après l’IRU, il manque actuellement près de 233 000 conducteurs routiers en Europe, en 2028 cette pénurie aura atteint un manque de 745 000 conducteurs !
Autre enjeu évident : l’enjeu économique. Le transport étant une source de coût avant tout, les chargeurs doivent chercher à optimiser au maximum leur transport pour identifier des opportunités de réduction des coûts.
Enfin, les enjeux RSE doivent désormais guider les choix et priorités des entreprises : améliorer le taux de remplissage c’est diminuer le nombre de camions sur les axes routiers et donc réduire les impacts carbones des émissions de gaz à effet de serre.
Faire du transport le levier de la logistique
Le transport ne doit pas être vu comme la dernière roue du carrosse mais bien comme le fil conducteur du duo logistique-transport. De nombreuses entreprises inversent leur mode de fonctionnement pour passer d’un process où le transport s’adapte à la logistique vers un modèle où c’est le plan de transport qui tire la préparation et le chargement. La logique est assez simple : le transport étant le plus gros poste de dépenses, c’est à la logistique d’être la variable d’ajustement.
Cette approche s’appuie sur des prévisions de volumes aussi précises que possible, facilitant la planification en amont. Des outils de "juste affrètement" aident à estimer le besoin exact en transport, questionnant même la place de chaque colis dans une livraison.
Investir dans les technologies TMS et WMS
Les solutions numériques comme les systèmes de gestion des transports (TMS) et des entrepôts (WMS) jouent un rôle clé. Aujourd’hui, les éditeurs y intègrent des fonctionnalités d’IA capables d’automatiser les plans de transport en analysant des volumes massifs de données. Ces outils
permettent d’anticiper la demande, d’optimiser les itinéraires et de réduire les coûts de transport jusqu’à 15 %, selon une étude de Nucleus Research.
Mais pour aller plus loin, l’interconnexion entre TMS et WMS est indispensable. Cette synergie permet de créer des plans de transport précis, ajustés en temps réel aux besoins opérationnels.
Cependant, la technologie seule ne suffit pas. Sa mise en place nécessite un changement organisationnel profond : redéfinition des tâches, clarification des rôles, et responsabilisation des équipes. L’adhésion des collaborateurs est cruciale, ce qui implique des efforts significatifs en formation et en accompagnement au changement. Pour réussir, il faut transformer ces outils en leviers stratégiques, au cœur d’une véritable vision d’entreprise.
Diversifier les supports et types de camions
Maximiser le taux de remplissage demande de repenser les supports utilisés : demi-palettes, caisses palettes, rolls ou bacs, en complément des palettes standards. Penser volume et non plus surface au sol : l’empilement est aussi crucial pour exploiter la hauteur disponible dans les camions, à l’image d’un jeu de Tetris.
En parallèle, choisir le type de véhicule adapté (semi-remorque, camion à double plancher, tautliner, camion compartimenté, etc.) est essentiel pour répondre aux besoins spécifiques de chaque cargaison.
Ces ajustements impliquent parfois de consacrer plus de temps au chargement. La mise en place de pré-chargements peut prévenir les retards de livraison tout en optimisant l’utilisation des ressources.
Valoriser les boucles retours
Lorsque les boucles retour peuvent être exploitées, elles deviennent une opportunité précieuse : transporter des palettes ou emballages vides, mutualiser des livraisons ou même organiser des collectes. Leur intégration systématique dans le plan de transport est essentielle pour en faciliter la planification.
Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin
Jouer collectif ! La mutualisation des moyens de transport, via le co-chargement et la co-livraison, est une réponse efficace pour remplir davantage les véhicules. Si cette approche est courante au sein d’une même entreprise, elle peut également être étendue à des collaborations inter- entreprises, particulièrement dans les zones urbaines. Là, la maximisation du taux de remplissage n’est plus une option : c’est une obligation face aux restrictions croissantes d’accessibilité en ZFE.
Accepter de prendre son temps
Optimiser le transport, c'est aussi savoir repenser les délais. Des échéances trop serrées limitent les opportunités d’optimisation. Adopter une logique de "tournée du laitier", où chaque trajet est conçu pour regrouper plusieurs livraisons ou ramassages, permet d’exploiter pleinement les capacités des véhicules tout en limitant les coûts.
Pour conclure, dans un contexte de pénurie de ressources et de pression environnementale, maximiser le taux de remplissage n'est pas une option : c'est un levier clé pour une supply chain performante et durable. La collaboration, la technologie et la réflexion en amont sont les clés pour relever ce défi.
