Transversal
Approvisionnement, gestion des risques, emploi : quels changements face à la crise ?
3. Comment mieux préparer la continuité de l'activité ?
En période de crise, les entreprises peuvent s’appuyer sur des plans de continuité d’activité. Mais quels sont les éléments clés pour leur mise en place et comment doivent-ils être déployés pour être capables de répondre aux besoins le jour J ? Éléments de réponse avec la mutuelle d’assurance FM Global.
Pouvait-on vraiment être préparé à cette crise ? Face à son ampleur mondiale et la gravité des décisions politique et sanitaire qu’elle impose, nombre de chargeurs et de logisticiens soulignent l’impossibilité pour leurs organisations d’anticiper une telle crise. Et si la question de la résilience agite les supply chains mondiales depuis plusieurs années, les efforts menés en amont pouvaient-ils suffire face à un arrêt aussi brutal de l’économie ? Pour FM Global, mutuelle d’assurance spécialisée sur le dommage au bien et la perte d’exploitation, il y avait des moyens pour les entreprises de disposer tout du moins de structures internes capables de naviguer même en périodes de tempête. « Si l’on ne pouvait pas anticiper une crise aussi généralisée, on pouvait tout de même se préparer au fait de subir des ruptures d’approvisionnement inattendues. La pandémie a vécu plusieurs cycles et tout ne s’est pas arrêté en même temps. Dans ce cadre, certains ont réussi à se préparer à une interruption des flux amont, dans le domaine manufacturier par exemple, en faisant des stocks de sécurité sur certaines lignes d’approvisionnement. Cela était évidemment plus facile à mettre en place dans les secteurs à fortes marges (luxe, pharmaceutique), que pour ceux à faibles marges (l’automobile par exemple) », détaille Antoine Millot, conseiller en risques d’entreprise chez FM Global Europe du Sud.
Dans les faits, la notion de risque sanitaire n’est pas nouvelle : d’autres épidémies passées avaient déjà pu entrainer des interruptions d’activité – comme la grippe aviaire au milieu des années 2000. « Sans avoir pu prévoir une pandémie de cette ampleur, certaines entreprises avaient déjà mis en place des plans de continuité autour de la problématique de fonctionner avec une partie réduite du personnel dans le cadre d’une crise sanitaire ». D’autant que les impacts peuvent être très importants. Dans une récente étude signée par Deborah Pretty du cabinet Pentland Analytics, celle-ci estime que les entreprises en temps de crise peuvent être classées en deux catégories : les gagnants, qui augmentent leur valorisation boursière en moyenne de 20 % dans les 12 mois suivants, et les perdants, qui eux dévissent et perdent 30 % de leur valorisation.
Intégrer la gestion du risque et identifier l'essentiel
Mais comment justement préparer son organisation afin qu’elle soit capable de réagir à des crises de ce type ? Pour Antoine Millot, il s’agit tout d’abord de s’appuyer sur une structure intégrée, capable de gérer la continuité d’activité, bénéficiant du soutien de la direction et ayant su identifier les activités vitales et critiques pour l’entreprise. Car dans des conditions difficiles, il s’agit de s’affranchir de la cause de l’interruption d’activité pour se concentrer seulement sur la mise en place efficiente de son plan de continuité. Et cela passe par une connaissance de son organisation : « Ceux qui ont pu maintenir leur activité pendant la crise l’ont fait en se concentrant sur les éléments essentiels, en prenant de l‘avance avec d’autres fournisseurs, et en faisant des stocks de sécurité. Dans une crise de ce type, tout le monde est sous-performant, mais certains s’en sortent mieux que d’autres. Et sur la durée, ces différences vont se voir encore plus », estime Antoine Millot. L’une des clés de la gestion de crise est donc de savoir quelles sont ses priorités : « Dans les plans de ce type, on constate trop souvent une dispersion, on essaie de vouloir sécuriser toutes les activités. Or, la première chose à faire quand on a peu de ressources, c’est de pouvoir identifier les flux qu’il faut absolument maintenir, afin de focaliser ses ressources humaines et financières sur des segments réduits mais essentiels. Parfois, il ne faut plus se dire que l’on peut gérer 100 000 références, mais les 500 plus cruciales de la manière la plus efficace », juge Antoine Millot. Une connaissance qui nécessite la mise en place d’un bilan d’impact sur les activités (BIA), se basant sur l’analyse des risques, du modèle d’entreprise et des flux financiers générés.
Encore faut-il savoir mettre en application cette préparation à la catastrophe potentielle, en engageant des ressources humaines et financières pour faire vivre les systèmes, et notamment réaliser des tests autour de ces principes de résilience. Au mois d’avril, FM Global avait organisé un webinar avec cinquante entreprises de la zone Asie-Pacifique autour de ces questions. Les participants indiquaient que 91 % d’entre eux avaient dû arrêter ou réduire leurs activités non critiques, et que 94 % avaient déjà mis en place des plans de continuité de l’activité au sein de leurs organisations. Mais lorsqu’on les interrogeait sur le fait d’avoir pu réaliser des tests sur ces plans, seuls 26 % des entreprises répondaient par l’affirmative. « C’est un point pourtant crucial. On l’a vu avec la mise en place du télétravail où des organisations manquaient parfois de puissance au niveau de leurs capacités réseau. Près de la moitié des répondants à notre webinar reconnaissait que leur système informatique n’était pas en mesure de soutenir toute l’activité en télétravail. Des tests autour de ces solutions auraient pu permettre d’être mieux préparé », rappelle Antoine Millot. Nécessité donc pour les entreprises d’aller plus loin, et de se préparer de manière plus concrète aux crises potentielles, même si de tels tests peuvent causer des disruptions ou des impacts financiers. Dans le contexte industriel, cela peut consister à passer par un autre fabricant de pièces détachées temporairement pour s’assurer de la solidité de la chaîne d’approvisionnement en cas de basculement rapide. « Il y a un coût à maintenir vivantes ses solutions de continuité, mais c’est un point fondamental pour que les plans soient efficaces. La résilience est un choix. Je pense que les budgets sur la question vont évoluer à la hausse à l’issue de cette pandémie », conclut Antoine Millot.