Innovation
Impression 3D : la fin annoncée des transports ?
2. Logistique et transport : L'impression 3D remet en cause la supply chain
Du fait de la baisse rapide du coût des imprimantes, l’impression 3D amorce une rupture systémique sur les marchés. La perspective, de plus en plus réaliste, pour chaque foyer, de posséder à domicile une machine permettant de fabriquer un nombre considérable d’objets, est de nature à remettre en cause les fondements mêmes de la consommation, de la logistique et du transport.
Alors que la manufacture traditionnelle exige une large gamme d’acteurs – fabricants, fournisseurs, bureaux de prototypage, usines, entrepôts et compagnies de transport – cette technologie produit des pièces à la demande, sur place, et simplifie considérablement la chaîne d’approvisionnement en réduisant les gaspillages coûteux en énergie tels que la consommation de carburant de transport. Les logisticiens vont donc devoir s’adapter et certains prestataires traditionnels pourraient se transformer en prestataires d’impression.
Des géants du secteur, à l’instar de DHL, travaillent déjà à l’intégration de la fabrication additive dans leur offre commerciale. « Cela fait trois ans que notre équipe DHL Trend Research étudie l’impact possible de l’impression 3D, confirme Sabine Hartmann, responsable communication du groupe. Notre sentiment est que cette technologie va changer la donne, mais dans un nombre limité de secteurs : tout le monde n’aura pas une imprimante 3D chez soi et toutes les entreprises ne seront pas non plus équipées. Ensuite, avec la technologie d’aujourd’hui, seul un faible nombre de produits, en plastique ou en métal, sont concernés. Cette technologie a du potentiel en B2B, avec des entrepôts numériques où seraient stockés des plans numériques pour des pièces de rechange à imprimer à la demande, mais elle n’engendrera pas de nouvelle révolution industrielle comme annoncée. » De son côté, UPS est déjà opérationnel avec la présence de machines dans certaines de ses boutiques aux États-Unis afin de « compléter et améliorer leur offre », précise l’entreprise américaine.
Un produit = un fichier
Oui, l’imprimante 3D remet en cause le concept de chaîne logistique et ses conséquences sont nombreuses : production en flux tendus, réduction du stockage, du transport, des énergies et des coûts associés. Parfois, la totalité de cette chaîne devient même obsolète. Les possesseurs d’imprimante 3D n’ont qu’à modéliser leur pièce ou récupérer un fichier 3D pour fabriquer leur propre objet, court-circuitant ainsi tous les intermédiaires habituels. C’est ainsi que la philosophie basée sur le « Do it yourself » (faire les choses soi-même, ndlr), l’open source, c’est-à-dire le partage de l’information, alliée à la généralisation des technologies numériques dont la fabrication additive, a donné naissance au mouvement des Makers et aux Fab-Labs ou atelier de fabrication 3D.
Ce ne sont plus les industriels qui fabriquent les produits, mais les consommateurs eux-mêmes grâce à des objets sous forme de fichiers 3D téléchargeables, vendus par l’industriel lui-même. Un produit est égal à un fichier. Si le contexte le permet, il ne serait plus nécessaire de produire dans une usine chinoise, pour ensuite rapatrier les productions afin d’alimenter l’Amérique et l’Europe. Il suffirait de disposer de quelques dizaines ou centaines d’imprimantes intelligemment réparties sur ces continents afin de produire à la demande. Oubliés frais de transports, de douane, risques et délais. Expédier reviendrait alors simplement à envoyer un e-mail. Si elle ne signe pas encore le compte à rebours de la fin des transports, l’impression 3D est en passe de modifier largement la cartographie de la supply chain.
Focus
Trois questions à Sabine Hartmann, responsable communication chez DHL
L’impression 3D est-elle un axe de R&D chez DHL ?
Nous surveillons cette technologie depuis plusieurs années. DHL recherche constamment les techniques les plus innovantes, comme l’impression 3D, pour identifier des applications potentielles dans le secteur logistique.
Peut-elle influencer l’organisation des transports de la supply chain et redistribuer les cartes entre les différents acteurs du secteur ?
Si l’impression 3D influence directement la production de masse, oui, ce sera le cas. Le secteur et l’ensemble de ses acteurs devront trouver de nouvelles organisations. Aujourd’hui, elle a des effets spécifiques sur certains produits et dans certains secteurs, mais elle n’engendre pas encore une nouvelle révolution industrielle. En tant que spécialiste mondial de la logistique, nous devons surveiller cette technologie et vérifier constamment les possibilités d’application.
Dans la perspective de la réduction des émissions de CO2, est-ce une technologie dont il faudra tenir compte à court terme ?
Si la production de masse était possible, l’impression 3D serait pertinente pour la baisse des émissions de CO2. Le transport des marchandises deviendrait alors obsolète. Néanmoins, comme cette technologie n’est pas encore prête, il n’est pas possible de l’envisager comme solution définitive.