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Virtuo | V. Park Paris Sud - Le Plessis-Pâté
Immobilier
Outil clé d’une supply chain en quête de performance environnementale, l’entrepôt devient de plus en plus vertueux. Mais au-delà des certifications et des efforts réalisés durant la construction, c’est vers une utilisation durable des sites dans le temps que travaillent les acteurs de l’immobilier, avec de nouvelles innovations et un accent mis sur le pilotage.
Des panneaux sur les toits
Autre élément central et en fort développement dans le secteur immobilier logistique responsable, celui des panneaux photovoltaïques. L’année dernière, la loi Énergie et Climat a en effet modifié le code de l’urbanisme afin d’imposer à toutes les constructions récentes de sites commerciaux ou logistique de plus de 1 000 m2 de végétaliser ou d’équiper de dispositifs de production d’énergie renouvelable 30 % des surfaces de toiture ou des ombrières des parkings. De nouvelles obligations qui avaient parfois été intégrées depuis longtemps par les développeurs en logistique : « Nous avons généralisé la mise en place de panneaux solaires même pour les bâtiments qui ne tombaient pas sous le coup de l’obligation », explique Grégory Blouin, président de Virtuo. Cette énergie a ensuite deux types d’utilisation : tout d’abord, l’autoconsommation, qui permet d’alimenter l’éclairage (qui est lui optimisé avec la mise en place de Led et de détecteurs de mouvements en entrepôt), l’eau chaude, et également les systèmes automatisés ou les bâtiments en température dirigée. Mais pour certains entrepôts aux consommations mesurées, la surproduction est vite arrivée. « Les bâtiments logistiques sont globalement très performants parmi ceux du tertiaire. Ils sont ceux qui consomment le moins car ils ne sont presque pas ventilés, peu chauffés, rarement climatisés… Il est donc nécessaire de revendre l’énergie produite : un entrepôt sec traditionnel n’utilise en moyenne que 10 % de cette électricité générée ! Celle-ci repart donc dans les réseaux, avec des subventions de l’État pour racheter cette énergie », explique Marc Esposito. Mais si elle est souvent redistribuée ailleurs, cette électricité pourrait servir dans le futur pour le transport, afin d’alimenter dans un premier temps les véhicules légers électriques, et peut-être demain participer à l’alimentation des grands porteurs à hydrogène. « Si l’ensemble du réseau de transport passe à ces technologies, les productions photovoltaïques ne suffiront plus, mais nous avons calculé qu’un site de 36 000 m2 peut tout de même alimenter 30 camions à l’année en hydrogène », souligne Marc Esposito.
Des aspects déjà pris en compte par les développeurs : « Nous allons au-delà des 30 % réglementaire sur nos toits et nous concevons des opérations où nos panneaux photovoltaïques pourront servir à recharger les véhicules électriques de la logistique urbaine », explique Benoît Chappey, directeur du développement France chez Goodman. Une optique de mobilité propre travaillée également chez Segro : « À Paris, des projets tels que notre futur site de la gare des Gobelins ou Îlot Fertile dans le XIXe arrondissement proposeront des bornes de chargement pour tous les véhicules utilitaires 100 % électrique », note Laurence Giard, directrice générale France de Segro. Des efforts allant dans le sens du plan RSE lancé il y a quelques années par l'investisseur-développeur, avec des objectifs clairs à l’horizon 2025 : une diminution de 40 % des émissions de CO2 pour l’ensemble du parc, une réduction drastique des déchets pour les nouveaux développements, et des efforts pour la décarbonation des matériaux de construction des bâtiments. Chez Idec, la structure Idec Energie a été lancée, avec pour objectif d’offrir des services complémentaires aux clients dans leurs modes de consommation. « Nous voulons construire des parcs autonomes en énergie. Avec 500 000 m2 sortant de terre tous les ans, nous avançons sur la pose de systèmes photovoltaïques, mais nous allons aussi vers la géothermie, l’éolien… », explique Christophe Simonnet, directeur associé du groupe Idec et directeur général de Faubourg Promotion.
Un fourmillement de services énergétiques aussi promu du côté d’Arefim : « Sur le bâtiment loué à L’Oréal dans notre Cosmetic Park, près d’Orléans, nous avons des cellules photovoltaïques, une chaudière biomasse fonctionnant aux copeaux de bois, une climatisation par un système de puits canadien », raconte Valéry Fenes, co-gérant d’Arefim. « Nous travaillons sur la mise en oeuvre de systèmes constructifs innovants avec le développement du stockage d’énergie, l’utilisation d’isolants biosourcés, l’installation de chaufferies bois ou le développement de la géothermie sur nappe ou sur pieux… », précisent de leur côté Jean-Louis Foessel et Christophe Ripert chez Quartus Logistique. Chez Prologis, la mise en commun de toutes ces innovations a permis au développeur de récemment lancer la construction d’un entrepôt où l'impact sera réduit de 70 % sur son cycle de vie, de la destruction de l'entrepôt précédent jusqu'à 50 ans après sa livraison. « Au lieu de rejeter 115 000 tonnes de CO2 sur cette période, on passera à 35 000. Cette diminution est le résultat de toutes les innovations mises en oeuvre sur les dix dernières années que nous avons compilées », estime Cécile Tricault. Des innovations qui peuvent également être déployées sur des sites existants, remis en état. Prologis a ainsi récemment lancé son offre Marketplace Essentials, qui permet à ses utilisateurs d’accéder à une place de marché pour se procurer des produits hors immobilier. « Nous proposons des racks, des chariots élévateurs, mais aussi des éclairages Led et des panneaux solaires, dans des conditions négociées pour eux », détaille Cécile Tricault.
Un pilotage sur le long terme
Mais si la course à la certification et les efforts constructifs sont forcément positifs pour la durabilité du secteur, il ne faudrait pas que ces efforts s’arrêtent au moment de la remise des clés. « Pour certains utilisateurs, la certification est importante, mais pas forcément la façon dont elle peut se traduire dans l’exploitation du bâtiment. Un travail de fond est fait durant le développement, mais par manque de certification sur l’exploitation en elle-même, il n’est pas toujours suivi dans la pratique. Cela va changer, car la préoccupation des utilisateurs et citoyen évolue », estime Grégory Blouin. « Il faut évidemment investir dans la rénovation énergétique des bâtiments, mais il est clair que les bâtiments neufs sont déjà très poussés sur ces sujets. Il faut donc maintenant aller voir dans la pratique, car un site très optimisé peut tout de même offrir de mauvaises performances environnementales si cet aspect n’est pas suivi dans l’exploitation », avertit Marc Esposito. Un impératif rendu plus fort avec le décret relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, paru en juillet 2019. Concrètement, celui-ci impose la mise en œuvre d’actions pour diminuer les consommations des sites de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et enfin 60 % en 2050 par rapport à 2010. Pour que les efforts menés au moment de la construction puissent se poursuivre tout en répondant aux attentes règlementaires, il est donc nécessaire pour les acteurs du secteur d’aller vers un entrepôt intelligent, capable de communiquer sur sa performance et de la gérer plus finement. « Chez GSE, nous avons créé un système de pilotage avec une interface qui simplifie la lecture des informations. Ce type d’outil va devenir obligatoire avec le décret et l’obligation de déclaration des consommations réelles. Il est nécessaire d’apprendre aux utilisateurs à prendre en main leur bâtiment. Nous offrons également du commissionning, c’est-à-dire du suivi de pilotage pour le site dans les trois années suivant sa réalisation », détaille Marc Esposito.
Un mouvement vers le pilotage digital des bâtiments qui se développe de plus en plus : « La gestion des consommations passe par des bâtiments plus intelligents, avec des systèmes de mesure pour les dépenses d’énergie – électricité, eau, gaz. C’est un bon moyen de s’interroger sur les gaspillages potentiels et de faire des économies », insiste Grégory Blouin. Chez Quartus Logistique, « l’utilisation d’équipements connectés pour la domotique, afin de répondre aux besoins de confort et d’usage, de sécurité et de communication, est jumelée avec des outils de type GMAO (Gestion de maintenance assistée par ordinateur) pour assurer en temps réel la gestion, l’exploitation et la maintenance des bâtiments ». Autant de façons de s’assurer que les sites logistiques poursuivent leurs efforts environnementaux dans le temps.
Focus
La biodiversité fait son nid
Allant dans le sens des démarches environnementales, des actions pour la biodiversité ont également pu être lancées par les développeurs. C’est le cas chez Prologis, profitant de son organisation en parcs logistiques, avec des surfaces d’espaces verts qui permettent de travailler ces notions de faune et flore. Exemple, avec la mise en place de ruches : « Nous travaillons avec une start-up qui utilise les abeilles comme de véritables drones : en étudiant le miel créé par celles-ci dans un rayon d’environ cinq kilomètres, cela permet d’avoir une cartographie de la biodiversité, de replanter des espaces qui seraient en déficit et de suivre les évolutions de la nature qui entoure nos sites », raconte Cécile Tricault. « Il y a un effet d’échelle. Il est plus simple de mettre en œuvre ces projets quand on mutualise sur un parc logistique ». Des démarches qui sont maintenant labellisées sous le sigle Biodivercity, développé par le Cibi, Conseil international biodiversité et immobilier. Celui-ci se concentre sur la diversité des milieux, des écosystèmes et des espèces sur les sites, ainsi que leur relation avec l’humain, avec des espaces à vivre autour du bâtiment. Des thématiques qui peuvent être traitées de diverses manières : « Cela passe par la mise en place de gîtes et refuges pour la faune, des composteurs pour la valorisation des déchets organiques, la mise en oeuvre d’un minimum de 20 % de matériaux d’origine locale et/ou recyclés, la conception d’un plan de gestion de site à long terme (jusqu’à 10 ans) avec une gestion différenciée des espaces verts, ou encore la protection de la biodiversité en phase chantier avec des mesures pour limiter les perturbations ou les destructions de zones refuges », détaillent Jean-Louis Foessel et Christophe Ripert chez Quartus Logistique.