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Alors que l’incertitude vient troubler les supply chains et remettre en question les organisations traditionnelles de la prévision et de la planification, les entreprises cherchent à s’appuyer sur des outils plus innovants : portés par l’IA afin de jongler avec toujours plus de data, permettant d’automatiser les process et capables de se réadapter au quotidien.
Depuis 18 mois, la supply chain navigue à vue. La crise sanitaire, aussi inattendue que profonde, a remis en question son organisation, la contraignant à un quotidien fait d’imprévisibilité et de mutations rapides de la demande. Délais d’approvisionnement bouleversés et réseaux de distribution perturbés : face à ces situations erratiques, s’appuyer sur des systèmes et outils capables d’anticiper et de tenir compte des aléas semble plus que jamais pertinent pour les entreprises. Et cela explique sans doute l’attention accrue pour les outils de planification et prévision. « Avec la crise, les entreprises ne peuvent plus se contenter de quelques calculs via Excel. Il faut analyser les données, prendre en compte les évènements à court et moyen termes et passer le tout dans des algorithmes puissants pour en tirer des prévisions plus précises », résume Manuel Montalban, CEO de Azap. Dans un sondage effectué avec le Council of supply chain management professionals (CSCMP) en mai 2021, ToolsGroup avait interrogé des entreprises sur l’impact de la pandémie sur leur stratégie de transformation numérique. Pour 42 % des répondants, celle-ci a accéléré leurs efforts du côté de la prévision de la demande et de l’optimisation des inventaires. Une évolution stratégique boostée par le besoin de répondre aux attentes des clients (44 % des répondants), avec l’objectif d’améliorer les performances côté business (42 %). Des processus qui doivent cependant être accompagnés : 41 % des entreprises interrogées notaient que leur obstacle principal était le manque d’équipes et de compétences pour mener ces transformations. « Certains clients ont pris conscience de leurs lacunes en termes de process ou d’outils de pilotage, jusque dans les instances de direction. Chez Vif, nous travaillons pour des industries ayant connu des situations variées pendant la crise, en particulier l’agroalimentaire. Si la première vague a été synonyme de cellules de crise lancées dans l’urgence, des besoins de simulation globale sont venus ensuite pour reconstruire un plan business compte tenu d’un environnement extrêmement perturbé », détaille Stéphane Pardi, responsable avant-vente chez Vif.
Des impacts profonds pendant la crise sanitaire
L’urgence durant la pandémie consistait souvent à comprendre la tendance immédiate de la demande, et ses impacts sur la supply chain. « Il fallait une prévision réactive, capable d’apprendre de cette situation inattendue, tout en se préparant au retour à la normalité, en jonglant avec des process S&OP et la comparaison de scénarios », raconte Michael Haiber, directeur avant-vente Europe de ToolsGroup. Savoir réagir et s’adapter : une obligation qui se traduit dans les solutions de planification et de prévision par la nécessité de s’appuyer sur des prévisions revues plus régulièrement. « Pendant la crise, du côté du retail, il a fallu adapter autant que possible l’approvisionnement face aux surconsommations ou chutes des ventes chez certains acteurs de la grande distribution. Mais les fonctionnalités nécessaires pour manœuvrer ce type de situations sont déjà sur le marché : des moteurs de calcul puissants, s’appuyant sur des données internes et des informations exogènes, où les variations sont prises en compte en temps réel », raconte Benoît Graux, consultant supply chain chez Acteos.
Plus généralement et en dehors de ce contexte pandémique, les organisations doivent se préparer à un business hybride, tourné vers le e-retail. Dans ce cadre, les demandes faites aux éditeurs de solutions de planification et prévision portent sur la volonté de disposer d’une supply chain plus agile, où des prises de décisions stratégiques peuvent se décider en quelques jours, directement par les équipes opérationnelles plutôt que dans le cadre d’un process S&OP traditionnel. « Avant, le focus était plutôt sur la planification long terme, avec une vision annuelle. Désormais, il est sur le court terme, avec un horizon opérationnel de 12 semaines maximum. Pendant la crise sanitaire, des clients ont parfois perdu des approvisionnements et ont dû choisir rapidement entre différents fournisseurs, avec des interrogations sur les coûts, les délais, etc. On voyait les mêmes contraintes dans les capacités de production qui devaient être réorganisées face à certaines fermetures d’usines. Il faut donc être capable de changer ses plans continuellement sans impacter ses résultats », note Shaun Phillips, directeur produit chez QAD DynaSys. Ce qui ne signifie pas non plus la fin de la vision long terme avec une prévalence unique de la réaction en temps réel : « Il faut puiser dans les deux. On aura toujours besoin de plans tactiques pour construire une usine ou trouver de nouveaux fournisseurs, et il est crucial de se fixer des objectifs annuels pour continuer à grandir. Cependant, il y a une volonté de pousser une partie du planning tactique dans le giron de l’opérationnel », estime Shaun Phillips. Un avis que partage Acteos, prônant une réconciliation des prévisions et des logiques opérationnelles, afin de disposer d’une planification complète et dynamique de la charge, avec une vision sur les magasins et entrepôts, ainsi que sur les besoins de ressources logistiques. « L’entreprise doit être capable de s’appuyer sur des indicateurs pragmatiques (stock, rupture, obsolescence des produits) pour aller chercher des leviers de développement », juge Benoît Graux.
Des prévisions revues plus souvent
La notion de réactivité des systèmes revient souvent chez les éditeurs du secteur, qui constatent que ce sujet est devenu central chez leurs utilisateurs. Un évènement externe pourra nécessiter l’arrêt des approvisionnements face à un stock qui n’est plus adapté à la demande, tandis qu’un autre demandera de passer par des fournisseurs alternatifs et de mettre en place des équipes supplémentaires dans les entrepôts pour tenir la cadence. « Pendant la crise, des réunions S&OP sont passées d’un rythme mensuel à hebdomadaire chez certains clients. Les outils de prévision et planification ont été utilisés par les prévisionnistes et approvisionneurs plus régulièrement, ce qui leur a fourni plus d’agilité dans le pilotage et la définition des scénarios. Suite à un changement imprévu, une solution agile va calculer un nouveau scénario avec toutes les répercussions amont et aval, allant jusqu’à la planification de la production si nécessaire », explique Manuel Montalban. Des outils qui deviennent donc de plus en plus puissants, habitués à manipuler de grands volumes de données, afin de calculer, faire des scénarios et présenter les résultats sous la forme de tableaux de business intelligence. « Cette réactivité est rendue possible au sein de nos solutions par leur aspect On Memory : nous ne faisons plus les calculs de prévisions par lots, souvent très longs. À la place, nous gardons en mémoire les calculs et résultats, ce qui économise beaucoup de temps. Pour des clients industriels comme Dell, les composants de leurs produits high-tech changent parfois du tout au tout en l’espace de trois mois – ils ne peuvent donc pas attendre des semaines avant de pouvoir prendre des décisions », explique Rui Saraiva, responsable des activités supply chain chez Infor Nexus.
Mais comment proposer des systèmes capables de réagir ? Les méthodes peuvent varier entre l’utilisation d’outils APS (Advanced Planning System), plutôt partisans de la centralisation de la donnée, et une approche DDAE (Demand Driven Adaptive Enterprise) qui pousse à la décomposition de la demande à chaque noeud du réseau. « Les deux peuvent se compléter : on peut utiliser un APS pour les flux plus communs et l’approche DDAE pour des produits stratégiques ou sensibles », note Frank Wachowiak, en charge de l’offre S&OP et APS chez Sedapta-Osys France, qui cite les collaborations historiques de l’éditeur avec Michelin ou Essilor sur ces sujets. « Il faut gérer l’incertitude liée aux prévisions de la demande. Avec ces solutions, nous pouvons déterminer des courbes de consommation, minimum et maximum, et positionner les approvisionnements de façon à éviter les ruptures », assure Manuel Montalban.