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Scallog
Innovation
Quels équipements au cœur des micro-fulfillment centers ?
Afin de répondre aux exigences de qualité et de rapidité du e-commerce, les microfulfillment centers vont s’équiper de solutions automatisées flexibles, compactes et rapidement déployables, déclinaisons miniatures d’équipements ayant fait leurs preuves dans les grands centres de distribution.
Drives, dark stores, espaces dédiés au quick commerce : dans la majorité des installations de micro-fulfillment urbaines ou périurbaines, les process logistiques sont manuels et basés sur le picking. Des micro-plateformes faciles à installer pour les activités de préparation e-commerce mais qui, peu à peu, montrent leurs limites face à des volumes en hausse : « Les productivités manuelles grèvent la rentabilité financière de ces surfaces. Il faut aller chercher une optimisation du traitement d’un bout à l’autre de la chaîne », juge Yann Raguenes, directeur commercial de Dematic France. L’analyse est également partagée par Exotec : « Si on essaie d’augmenter la capacité de flux d’un entrepôt complètement manuel, il ne suffit plus de rajouter des gens, car la saturation des flux de chariot réduit la qualité du travail pour les opérateurs. Il vaut mieux robotiser pour arriver à augmenter en performance et passer le cap », note son CEO, Romain Moulin.
Une automatisation qui a du sens dans un secteur du e-commerce où les clients attendent une réactivité et une qualité de service irréprochable : « Un client qui n’a pas les articles demandés dans le délai promis n’essaiera pas de commander deux fois. C’est pour cela que les entreprises vont vers l’automatisation », rappelle Romain Moulin. Et ce besoin de qualité se fait ressentir : selon une étude NielsenIQ et Fevad, parmi les nouveaux utilisateurs de drives en 2020 lors du premier confinement, plus de 60 % d’entre eux ont décidé de ne pas renouveler l’expérience d’achat en ligne, notant des listes de courses non respectées ou incomplètes, une offre moins fournie qu’en magasin, ainsi qu’une saturation des créneaux de picking.
Des bénéfices multiples
Face à cela, l’idée de dupliquer dans des formats plus réduits les bénéfices apportés par les systèmes automatisés intralogistiques fait son chemin et les automaticiens étendent leurs offres en direction du micro-fulfillment center, avec des déclinaisons de solutions (shuttle ou zones robotiques, accolés à des postes de préparation goods-toperson) dans des formats plus compacts : « Nous utilisons à plus de 80 % des composants standards de notre portefeuille, que nous augmentons d’éléments étudiés spécifiquement pour les drives, qui aident à compacter la solution en permettant des empilages par exemple », explique Laurent Bollereau, directeur solutions et marketing stratégique chez Savoye.
Les bénéfices de ces outils sont dans la lignée de ceux que l’on peut retrouver sur de plus grands entrepôts. Un gain de place tout d’abord, avec une utilisation optimisée de la hauteur du site, indispensable sur des espaces urbains parfois réduits, mais aussi une capacité à s’adapter à la surface disponible : « Même sur de petits sites, on trouve facilement des hauteurs de 8 à 10 mètres, que nous allons utiliser intégralement pour libérer de l’espace ou optimiser des surfaces aux formes atypiques », note Laurent Bollereau. Un levier crucial pour augmenter le référentiel articles en stock et le nombre de commandes par jour. « Une solution goods-to-person permet de densifier le stockage de 30 % par rapport à une installation classique, mais aussi d’accélérer drastiquement la vitesse de préparation, tout en réduisant les erreurs de picking », note Olivier Rochet, fondateur et CEO de Scallog. À cela s’ajoutent l’ergonomie et les conditions de travail : « Être préparateur en alimentaire est un métier difficile, avec beaucoup de charges lourdes. Une organisation en goods-to-person peut être stratégique pour limiter également le turnover sur ces sites », note Romain Moulin.
Une préparation plus performante
Les solutions automatisées au coeur des micro-fulfillment centers se déploient sur plusieurs segments de l’activité. Tout d’abord, la préparation de commandes dont on cherche à améliorer le processus afin qu’il soit plus rapide et efficace, avec moins de personnel. Pour cela, différents systèmes plus ou moins automatisés peuvent être installés. Si l’activité reste principalement manuelle, il est possible de travailler sur le picking et l’éclatement, avec des bacs de ramasse qui seront positionnés sur des convoyeurs jusqu’à des postes de préparation, « souvent équipés de systèmes d’assistance façon pick-to-light, permettant d’aller assez vite. C’est un investissement relativement modeste mais qui améliore concrètement la performance opératoire, et dont on peut déjà voir des exemples en France », note Laurent Bollereau. Mais il est également possible d’aller plus loin, avec des systèmes goods-to-person : dans ceux-ci, les bacs de produits seront stockés dans une installation automatisée ou robotique, et transportés jusqu’à des postes de préparation. Des outils assez classiques dans leur conception, orientés vers une performance de 500 à 600 lignes par heure, au diapason des systèmes que l’on retrouve dans de plus grandes installations intralogistiques. « Il est souvent pertinent d’avoir un croisement entre processus manuels et automatisés selon les produits : mettre des bouteilles d’eau dans un shuttle n’est pas rentable par exemple », note Yann Raguenes de Dematic. Ces installations peuvent se décliner en multi-température (sec, frais et surgelé) pour l’e-commerce alimentaire : « Un shuttle pourra disposer d’une ou deux allées pour les produits ambiants puis d’une allée supplémentaire qui accueillera le frais et le surgelé de manière très compacte, avec un stock empilé », raconte Laurent Bollereau. Le degré d’automatisation de la solution peut également être amélioré avec du picking robotique, encore en développement. « L’expertise de la préhension humaine reste difficile à égaler, mais nous avons mis en place le picking unitaire robotisé sur certaines installations, qui associé à l’intelligence artificielle permet le remplacement de certains postes manuels pour une gamme de produits de plus en plus large », estime Stéphane Conjard, directeur général de Knapp France.
Côté dimensionnement, les constructeurs insistent sur l’importance de décorréler les notions de stock et de flux. Selon Patrick Teissier, chief sales officer de TGW Europe du Sud, « il y a toujours un nombre critique de références à intégrer, principalement dans l'e-commerce, et il est difficile de viser en dessous de 10 000 emplacements en stock pour un microfulfillment center. Mais le flux peut lui être beaucoup plus variable selon l’activité, et évoluer dans le temps en rajoutant des navettes par exemple ». Chez Scallog, entreprise robotique proposant des installations dites de shelf-to-person, avec des étagères déplacées par des petits AGV jusqu’à des points de préparation, on note également une mise en place assez standard de la solution par rapport à un entrepôt : « Si notre première cible reste le centre de distribution classique, nous avons l’habitude de mettre en place des installations réduites, au moins au départ, capables ensuite de grandir avec le client. Notre système a ainsi l’avantage de proposer beaucoup de souplesse », note son CEO Olivier Rochet. Un format que Scallog a pu récemment expérimenter en Suisse pour la start-up Farmy, où un espace de microfulfillment a été mis en place dans le sous-sol d’un bâtiment en ville, pour une activité d’e-commerce alimentaire. « C’est le modèle typique, avec une automatisation totale du site, pensée pour la livraison de produits frais chez les consommateurs. Farmy s’interroge d’ailleurs sur la possibilité de dupliquer ce système dans d’autres villes. »
De l’importance de la consolidation
Autre aspect important, le stockage des commandes préparées, avec un outil de consolidation, ou bufferisation. Celuici peut avoir une fonction productive pour le transport : « Livrer des points de vente se fait dans des conditions décorrélées de l’activité de préparation. L’outil de consolidation sert de courroie de transmission : les commandes sont finalisées, bufferisées puis envoyées en expédition au moment le plus juste pour optimiser le transport », note Yann Raguenes. On retrouve la même réflexion dans le cas des drives, avec l’objectif de pouvoir déstocker très rapidement les commandes quand les clients se présentent, selon les créneaux qu’ils ont réservés. « Un frein à la croissance du chiffre d’affaires d’un drive est le nombre de créneaux de livraison que celui-ci est capable de proposer. En effet, si la préparation de commandes peut être lissée sur l’ensemble de la journée, les pics de clients ont eux tendance à se concentrer le soir ou le samedi. À un moment donné, le nombre de créneaux disponibles est donc limitant, et c’est là que l’automatisation peut offrir un levier de développement », souligne Laurent Bollereau. Ainsi, chez Savoye, des systèmes shuttle peuvent être utilisés pour stocker les commandes préparées, de façon à ce que celles-ci soient automatiquement sorties du stock quand le consommateur s’identifie sur une borne à l’entrée du drive, avec des mécanismes de convoyage et d’élévateurs.
Chez Dematic, certains projets ont été menés pour lancer des sites où la préparation est manuelle, mais la bufferisation automatisée : « Souvent, c’est la technologie que vous avez déployée en aval pour servir un certain nombre de clients qui va déterminer la puissance dont vous aurez besoin en amont. Chez un de nos partenaires de la grande distribution, on voit ce basculement des activités de consolidation de process manuels à automatisés, pour différents services : proposer des pickings de nuit sans personnel, ou avoir des commandes prêtes la veille puis récupérées par un camion de livraison qui passe très tôt le lendemain, au début de sa tournée », détaille Yann Raguenes. Parmi les configurations proposées par Dematic pour ce type d’activité, on retrouve également des bras robotisés, déployables si la longueur du site ne permet pas la mise en place d’un shuttle : « Ce bras va ranger les commandes préparées dans des étagères situées tout autour de lui et est capable de faire de 200 à 300 mouvements à l’heure. C’est une technologie robotique classique mais que nous adaptons aux besoins et aux formats des micro-fulfillment centers ».
La nécessité d’installations packagées
Peu importe le format installé au sein du micro-fulfillment center, le besoin du distributeur et de l’e-commerçant portera souvent sur l’optimisation du déploiement : pas question d’attendre plus d’un an comme sur un grand entrepôt logistique, le micro-fulfillment doit pouvoir être mis en route rapidement, afin de répondre à des besoins stratégiques de développement. « Le marché cherche des outils de préparation compacts afin de maîtriser les coûts. Pour répondre aux rentabilités et volumétries plus faibles de ce type de site, les automaticiens développent donc des systèmes miniatures et standardisés, packagés pour être proposés à des délais et à des coûts acceptables. On parle de projets allant de 500 000 à 3 millions d’euros, qui doivent être lancés en six mois plutôt que 12. On est donc passé du sur-mesure au prêt-à-porter », détaille Patrick Teissier. Avec une organisation des projets qui passe souvent par la mise en place d’un site test, « afin de confirmer que la solution réponde aux besoins et spécificités du client, dans l’optique de définir un modèle facilement duplicable pour développer le réseau à grande échelle », note Stéphane Conjard.
D’où la nécessité pour les automaticiens de concentrer la valeur ajoutée de leurs solutions dans la conception en série, pour viser l’installation plug-and-play. « Nous pouvons mettre en place des installations en six semaines seulement grâce au travail fait par nos équipes en amont. Les systèmes que nous avons conçus pour Carrefour par exemple peuvent être facilement répliqués, ce qui est la clé de l’efficacité », note Romain Moulin. D’autant qu’Exotec aime faire valoir le fait que sa proposition de valeur est ajustable à toutes les tailles : « Il n’est pas nécessaire de faire un seul bâtiment deux fois plus grand si vous préférez optimiser votre transport en le divisant en deux sites, car nos systèmes et leurs prix sont proportionnels aux robots que nous déployons. Peu importe la taille : nous avons le même logiciel qui fait tourner les mêmes machines, et la mise à l’échelle est automatique », déclare Romain Moulin.
Reste la question du ROI, difficile à calculer pour des projets de ce type. Pour une installation comprenant à la fois préparation de commandes et consolidation, Savoye indique des montants de 2,5 millions d’euros : « Nous avons lancé plusieurs projets de ce type en Italie avec un client, et nous affichons des ROI inférieurs à trois ans », déclare Laurent Bollereau. Des estimations que l’on retrouve aussi chez Autostore : « Il y a de nombreux aspects à prendre en compte, la qualité de service et la réduction du taux d’erreurs par exemple, mais aussi la durée de vie des bâtiments : on peut continuer à utiliser un site qui semblait saturé en l’automatisant, densifiant son stock par quatre. Cependant, les formats plus réduits du micro-fulfillment center, avec des chiffres d’affaires moins élevés, peuvent complexifier ces seuils de rentabilité », estime Laurent Cochet, business development director d’Autostore. Des interrogations qui touchent aussi les automaticiens dans leurs efforts commerciaux : « Le microfulfillment center entraîne des projets moins rentables pour les constructeurs, et il est nécessaire de développer une force humaine importante pour trouver la même marge qu’avec des installations plus grandes. C’est la raison pour laquelle la standardisation sera si cruciale. Cependant, des entreprises plus petites vont émerger dans les années à venir pour adresser spécifiquement ces marchés », juge Patrick Teissier.