©
Toyota Material Handling France
Entrepôts
Dans un contexte économique perturbé depuis deux ans par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, le secteur des chariots de manutention voit ses volumes gonfler du côté de l’occasion et du reconditionné. Une croissance portée par leur disponibilité, mais aussi par un changement de regard des entreprises à leur sujet.
Offre historique des constructeurs et concessionnaires de chariots de manutention, la vente de véhicules d’occasion affiche un beau dynamisme ces dernières années. En 2021, l’organisation professionnelle Evolis, regroupant les fabricants d’équipements industriels et logistiques, avait répertorié plus de 33 300 transactions (contre 93 000 pour le neuf, soit un beau quart du marché global), en croissance de 22 % en termes de chiffre d’affaires et de 11 % en nombre de transactions. Une dynamique constante sur les six dernières années (une augmentation de 18 % avait déjà été constatée par Evolis en 2020) et qui concerne aussi bien les ventes pour les utilisateurs finaux que pour des concessionnaires. Sur l’ensemble de ces chariots, 25 % sont destinés à des utilisateurs en France, le restant partant pour l’export, dans d’autres pays d’Europe de l’Est ou du Maghreb.
Une solution face aux indisponibilités du neuf
Ce développement soutenu de l’occasion, l’ensemble des constructeurs le constate dans son volume d'affaires, soulignant l’intérêt des utilisateurs pour ce type d’équipements. « Il y a une très forte demande sur le matériel de seconde main depuis quelques mois. On peut l’expliquer par la croissance économique du secteur, avec un besoin pour les entreprises de s’équiper davantage de matériels de manutention », explique Cécile Pastor, responsable nationale occasion chez Jungheinrich France. Dans le réseau de concessionnaires français du constructeur Yale, avant la crise sanitaire, on vendait deux chariots neufs pour un véhicule d’occasion. Aujourd’hui, les deux marchés sont à l’équilibre. Une évolution qui s’explique aussi par les multiples perturbations qui affectent l’économie mondiale depuis maintenant plus de deux ans et demi : Covid-19, difficultés d’approvisionnement en Asie, inflation galopante, guerre en Ukraine qui fait exploser le cours de l’acier… Avec pour conséquence un allongement fort des délais de fabrication pour la production de chariots neufs, qui peuvent aller jusqu’à 9 ou 12 mois dans certains cas, alors que la croissance de l’activité de certaines entreprises les contraint à s’équiper rapidement pour faire face à la demande. « Les problèmes d’approvisionnement de composants et l’augmentation des prix des matières premières ont conduit les délais et les coûts des matériels neufs à progresser fortement. Dans ce contexte, l’occasion tire son épingle du jeu. Chez Still, nous vendons actuellement un chariot de ce type pour trois chariots neufs, et cette part est en forte progression », note Arnaud Desvignes, responsable location courte durée et back office occasion chez Still. Un constat partagé par Aprolis : « Face aux délais et aux prix qui grimpent, un chariot reconditionné est une vraie opportunité. Il permet d’avoir un outil de travail capable de répondre aux besoins des entreprises qualitativement, tout en étant disponible plus rapidement et a un meilleur prix », explique Jean-Jacques Boulet, responsable marketing d’Aprolis, concessionnaire exclusif en France des véhicules de Cat Lift Trucks.
Changement de regard
La disponibilité devient donc un critère principal de choix. Certains logisticiens contraints par un besoin de solutions rapides vont plus naturellement regarder ce que le marché de l’occasion peut leur proposer : « Les chariots reconditionnés peuvent être livrés en deux à trois semaines s’ils ont déjà été préparés dans nos ateliers. Nous avons des parcs disponibles immédiatement pour les utilisateurs, ce qui est parfois un argument clé pour des clients très sensibles aux délais de livraison », explique Géraldine Jacques, category manager occasion chez Fenwick-Linde. Le chariot de seconde main semble ainsi plus adapté pour répondre aux incertitudes de certains opérateurs qui peinent à s’équiper en neuf également parce qu’ils préfèrent ne pas lancer d’investissements trop lourds face aux incertitudes sanitaires, politiques et économiques. « Dans les contextes de crises, les gens se tournent plus naturellement vers l’occasion. Ils veulent acheter moins cher et ne pas s’engager sur des délais trop longs. Et ce dynamisme pourrait durer, car lors des précédentes crises de ce type – en 2008 par exemple – nous avons vu que les volumes de l’occasion n’étaient jamais redescendus à leurs niveaux d’avant-crise. Les gens prennent des habitudes, et constatent que ce sont des matériels de très bonne qualité », note Martine Piller, responsable occasion et démonstration chez Toyota Material Handling France.
Plus généralement, certains constructeurs constatent un changement de regard du public, facilité par des offres reconditionnées plus structurées, plus qualitatives et accompagnées par des services de haute qualité. De quoi attiser la curiosité des entreprises : « On parle désormais de voitures reconditionnées, et le concept devient accessible au grand public : pourtant, cela fait déjà plus de 15 ans que nous avons développé une offre dédiée », remarque Cécile Pastor chez Jungheinrich, soulignant que 70 % des véhicules d’occasion revendus en France par le constructeur sont reconditionnés. Entre 2020 et 2021, le constructeur a constaté une augmentation de 25 % de ses commandes reconditionnées. « Depuis plusieurs années, nous voyons que les clients ont confiance dans la qualité de nos standards de reconditionnement et en sont pleinement satisfaits. La fidélisation est haute, ce qui, dans un contexte de marché très tendu, nous permet de maintenir cette activité en forte progression », conclut Géraldine Jacques. Et si les contrats reposent essentiellement sur de la vente, certains constructeurs soulignent également la recrudescence de contrats de location pour ces véhicules d’occasion.
Un secteur rattrapé par les pénuries
Mais si la crise offre une belle visibilité à ce segment de marché, la pénurie qui touche le secteur de l’intralogistique a aussi des effets sur les activités de la seconde main. « Depuis le début de l’année, nous remarquons une tension assez inédite sur notre activité. Comme les chariots neufs mettent du temps à être livrés, les locations de longue durée sont souvent prolongées et ces véhicules ne rentrent plus dans notre parc pour devenir des occasions. Jusqu’à maintenant, nous arrivons à répondre à tous les besoins, mais il ne faudrait pas que cette situation perdure trop longtemps », espère Martine Piller. Au sein du réseau international de Toyota Material Handling, des achats peuvent être effectués entre les 26 pays où le constructeur est présent, via une interface en ligne. « La France et l’Angleterre représentent nos deux plus grandes flottes de location longue durée, donc les autres pays viennent plus fréquemment se fournir chez nous, mais les échanges vont dans les deux sens selon les besoins ». Même constat de tension chez Yale et son réseau de distributeurs : « Avant la crise, les chariots d’occasion étaient sourcés directement dans le pays. Aujourd’hui, les concessionnaires doivent aller les chercher en Europe ou même plus loin. Cela joue sur la facture. Le prix des chariots d’occasion a grimpé et les concessionnaires achètent parfois des véhicules à des tarifs où ils les vendaient il y a un an et demi. Le phénomène inflationniste se retrouve partout », constate Bruno Blondeau, gestionnaire de territoire en France, Belgique et Luxembourg pour Yale. Et les délais pour avoir des chariots reconditionnés s’allongent, eux aussi, face à la difficulté de pouvoir sourcer les pièces détachées pour les remettre en état : « En temps normal, un reconditionnement de chariot prend entre six et huit semaines. En ce moment, les problématiques d’approvisionnement gonflent ces délais, atteignant dix à douze semaines, et cela risque de durer dans la conjoncture actuelle », détaille Arnaud Desvignes. Tout en restant loin des semestres de délais qui minent le neuf. « Aujourd’hui, la demande est là et le marché devrait continuer sa belle progression. Nous attendons de voir les chiffres 2022, mais notre ressenti sur les premiers mois va dans le sens de cette dynamique de croissance », résume Géraldine Jacques.
> Retrouvez ici l'intégralité du dossier Le chariot reconditionné trouve sa place en entrepôt