©
Adobe Stock
Éditeurs
Plus qu’un simple outil de gestion de transport, le TMS se présente désormais comme une solution s’intégrant à une stratégie globale de structuration, de restructuration ou de refonte de sa supply chain dans un contexte mouvant et évolutif. Face aux risques multiples, il se montre capable de participer au travail de résilience mené par les entreprises et explore de nouvelles technologies.
Covid-19, conflit ukrainien, pénurie de matières premières… Les récents évènements ayant secoué l’échiquier mondial ont su démontrer à quel point les supply chains étaient soumises à des risques extérieurs. Qu’ils soient sanitaires, géopolitiques ou commerciaux, ces mouvements chaotiques viennent impacter de plein fouet le monde du transport dont l’échappatoire se résume en un mot : résilience. Ces dernières années ont vu des modèles d’organisations logistiques s’effondrer et les sociétés ont dû trouver des moyens et des capacités humaines pour traiter des commandes, quel que soit l’endroit où se trouvait le stock disponible. « Évidemment, le transport étant le lien avec le consommateur final ou avec le point de collecte, tous les modèles de planification transport ont aussi volé en éclat dans ce cadre-là. On est ainsi passé d’un modèle où, pendant 20 à 30 ans, on opérait des optimisations de planification transport à J-1, à un modèle dans lequel la capacité à réagir quasi instantanément devient la nouvelle norme », analyse Sébastien Lefébure, directeur général France et Europe du Sud de Manhattan Associates. Autre bouleversement à l’oeuvre : les nouvelles tendances mondiales ont fait basculer les tournées fixes et statiques vers des tournées dynamiques, optimisées en fonction des points d’enlèvement, du volume de la commande, du hub pour livrer le client final… « Les fichiers Excel ne suffisent plus à appliquer un modèle existant. Il faut un vrai outil pour prendre la bonne décision en matière de coût, de qualité et de délai pour répondre à la promesse client », poursuit Mathilde Delivré, solutions consultant manager chez Manhattan Associates. Dans ce contexte, le TMS se présente de plus en plus comme un outil de transformation des supply chains. À l’oeuvre dans des opérations d’organisation, de réorganisation ou de refonte totale de ces dernières, il assume et assure son rôle de pilier, participant à la résistance et à la flexibilité des entreprises soumises aux vents contraires.
Face à la conjoncture, une traçabilité toujours plus fine
Dans ce contexte mouvant, les clients recherchent « davantage de synergie entre les flux amont, aval, intersites…, observe Fabien Petitjean, senior solutions consultant chez Descartes. Si toutes les entreprises dotées d’un TMS vont être attentives aux coûts, leur principal besoin va être de gagner en visibilité partagée pour être capables d’échanger avec leurs différents partenaires. Plus on acquiert de visibilité sur l’amont, plus on va être précis et pouvoir anticiper sur le transport. Cela concourra également à massifier les flux, et à réduire la trésorerie ainsi que les stocks en cours de transfert ». Ces informations apportées par le logiciel de gestion de transport, parce qu’elles sont de plus en plus précises et transmises en temps réel, vont permettre d’adapter les stocks en conséquence. Hélène Kerjean, responsable marketing produits supply chain chez Akanea, observe également cette possibilité offerte par le TMS transporteur de l’entreprise de proposer « une vision en anticipé beaucoup plus précise ». Une vision qui pourra amener à repenser ces schémas au niveau international : « Certains clients peuvent perdre jusqu’à 30 % de leur business avec un état en guerre. Ils sont donc obligés de se réinventer pour trouver d’autres sources de revenus dans d’autres pays. Le tout en valorisant leurs services avec leur portail client qui retranscrit ces informations-clés en provenance du TMS, à destination du chargeur. Il faut donc pouvoir les mettre en lumière et positionner des infos majeures : CO2, facture, KPI… ». Ces derniers mois, le cabinet de conseil Forizons (groupe Square) a ainsi vu évoluer les préoccupations de ses clients, des grands comptes déjà dotés de TMS, vers une traçabilité toujours plus fine des statuts de livraison jusqu’à la remontée des POD (preuves de livraison) et un besoin d’agilité accru : « En fonction des pénuries et des différentes contraintes géopolitiques (frontière bloquée par exemple), ils souhaitent pouvoir changer un plan de transport sous 48h en anticipant les impacts économiques et opérationnels en termes de délais de livraison, exploitation et service au client », indique Loÿs Balquet, senior manager du cabinet de conseil Forizons. Ces entreprises ont besoin d’avoir, via leur TMS, un plan de transport qui s’adapte facilement, et « elles doivent être en mesure de passer d’un réseau de transport à l’autre, en basculant en express ce qui était prévu pour de l’affrètement. Et un TMS digne ce de nom leur permet d’offrir cette adaptabilité », illustre-t-il. Le logiciel doit ainsi être en mesure d’être évolutif en s’adaptant à la conjoncture.
Vigilance sur le bilan carbone
Si la réduction des coûts a longtemps été le premier objectif dans le domaine du transport, Mathilde Délivré observe également cette bascule. L’enjeu numéro 1 est désormais la visibilité, à travers le tracking. « Le deuxième enjeu est environnemental pour être capable de mesurer son empreinte carbone en fonction des régions que l’on dessert, des magasins et des typologies de produits. On va également sélectionner de transporteurs plus écologiques et c’est aussi le TMS qui doit trouver le bon compromis entre le coût et la réduction de CO2 », poursuit-elle. Ce sujet du développement durable est déclencheur de nouveaux projets, et systématiquement présent dans les appels d’offres. « Beaucoup d’entreprises ont une vraie démarche de réduction de leur GES et se rendent compte assez vite que le principal coupable est le transport », observe Jérôme Bour, PDG de DDS Logistics. Or pour entreprendre des actions en faveur de la réduction de son empreinte carbone, il s’agit tout d’abord de pouvoir la mesurer. Pour cela, il faut de la data. « Nous avons fait le choix d’un calculateur et l’enjeu est de pouvoir l’alimenter. Le TMS dispose de cette capacité à identifier la data pertinente, à la transformer en émissions à travers ses éléments de calculs et donc aboutir à un point de départ fiable pour mettre en place les mesures de réduction », poursuit-il. Par ses aspects RSE mais également pour répondre à l’explosion des coûts du gazole, les acteurs du transport se doivent ainsi d’être attentifs sur le nombre de kilomètres parcourus : « On observe une vigilance accrue sur le coût carbone et sur la façon dont on va livrer le consommateur final, qui y est encore plus sensible. Produire un bilan carbone le plus neutre possible est une prérogative extrêmement importante des directions supply chain et transport. Une multitude d’éléments nécessitent de prendre le chantier à bras le corps car il s’agit d’un poste de coût très important pour les entreprises de distribution avec la multiplication des points de traitement de commandes, due à tous les scénarios omnicanaux de retour de stock qui se sont accentués ces derniers temps. Tous les modèles classiques de distribution ont complétement volé en éclat avec la pandémie », observe Sébastien Lefébure. « Notre TMS transporteur propose plusieurs niveaux de précision sur ce module de calcul CO2, du prévisionnel au réel avec, par exemple, de l’informatique embarquée. Nous avons également travaillé sur un outil d’exploitation cartographique pour calculer de manière très fine, en prévisionnel, les meilleurs trajets, selon les critères du transporteur. Celui-ci va pouvoir savoir selon le nombre de kilomètres parcourus, ce que cela va lui coûter et engendrer en termes d’émissions CO2, ce qui va lui permettre de réfléchir par exemple à une meilleure optimisation de son chargement », illustre Hélène Kerjean.
Comprendre et répartir les risques
Outre la prise de conscience environnementale, la pandémie et la récente crise en Ukraine auront également mis l’accent sur les problématiques de sourcing, avec des impacts économiques et logistiques forts. « Les industriels ont alors demandé davantage d’agilité sur les changements de sourcing dans le plan de transport, explique Loÿs Balquet. Cette préoccupation existait déjà avant mais s’est renforcée ces dernières années ». De manière générale, il est apparu que le contexte géopolitique était à même de faire évoluer les process internes d’une société au niveau logistique. Le TMS doit donc s’adapter à ces transformations. « On traverse actuellement une crise du coût des matières comme le bois, et l’achat des fournitures palettes devient un poste extrêmement onéreux, illustre Loÿs Balquet. Les logisticiens peuvent être amenés à étudier de nouveaux schémas de préparation de palettes, travaillant leur hauteur et leur densité pour réduire le volume d’unités, de manutention… ». Le climat géopolitique vient ici directement interférer sur les process de préparations logistiques des sociétés ainsi que sur le TMS qui va être amené à adapter son plan de transport parce qu’il y aura un peu moins d’unités de manutention à livrer. « Dans ce contexte, les TMS se doivent d’être facilement paramétrables, et en mesure de fournir des outils d’analyses pour accompagner les entreprises qui cherchent des substituts pour garder des niveaux de marge intéressants ». Face à ces différents mouvements impactant les supply chains mondiales, la nécessaire résilience apportée par le TMS a éclaté au grand jour : « Il offre cette capacité à répartir les risques. Souvent, sans cet outil, les entreprises n’ont qu’un seul transporteur par zone géographique. Avec un TMS, on peut très facilement prévoir un schéma de transport disposant d’alternatives, référencer plusieurs prestataires dans chacune des destinations que l’on souhaite livrer et donc être en capacité de pouvoir facilement réorganiser, réallouer ses flux sur d’autres moyens ou sur d’autres prestataires si le moyen principal est bloqué. Auparavant, les chaînes logistiques étaient très optimisées d’un point de vue économique de réduction de stock. Elles se sont rendu compte que cette massification excessive créait de la fragilité, et les entreprises ont un peu descendu ce niveau d’optimisation économique pour être en capacité de réagir. Elles sont désormais capables de payer plus pour avoir l’assurance de pouvoir réagir en cas de risque réel », poursuit-il.
Business intelligence, machine learning, prédictif
Face à la complexité croissante des supply chains, aux prises avec des enjeux d’omnicanalité, de logistique urbaine et de transition écologique, les développements à venir du TMS devraient apporter des améliorations sur toute la planification pour mieux gérer des contextes multimodaux et multitronçons : « Ceux-ci peuvent par exemple concerner des approches vers des plateformes de livraison urbaine, du transport multimodal grand import ou export éloigné, ce qui va permettre d’apporter de la visibilité temps réel dans l’entreprise mais aussi vers le client final », analyse Fabien Petitjean. Cette visibilité instantanée et ce besoin de proactivité se fait de plus en plus vivace, quel que soit le mode de transport. Dernier axe de travail de l’éditeur : intégrer la business intelligence et le machine learning pour mieux analyser les informations récupérées par le TMS. « Par exemple, si on se rend compte qu’un client attend toujours un certain temps avant de recevoir des camions, que les déchargement sont plus longs, l’idée est d’avoir un système autoapprenant qui, au fur et à mesure, va enrichir son propre référentiel de manière à faire des planifications beaucoup plus précises, sans qu’un opérateur ait besoin de venir reparamétrer des données dans le système », explique-t-il. Chez Manhattan Associates, les sujets majeurs de réflexion portent notamment sur le prédictif, un vaste chantier qui va au-delà de la planification : « Savoir par exemple que, tous les lundis en fin de journée, il y a systématiquement du retard, ce n’est pas juste de la planification mais du prédictif basé sur de l’analyse de données », explique Sébastien Lefébure. En découlent alors des process fondés sur l’intelligence artificielle ouvrant la voie à des manières de prévoir et d’optimiser différemment. Une optimisation qui vient aussi abattre les barrières érigées entre les applicatifs WMS et TMS pour « aboutir à des scénarios combinés où les deux solutions travaillent ensemble, explique Mathilde Delivré. Cela permet de fournir des scénarios métier plus simples, pour estimer en amont, quand une commande descend pour un magasin, le nombre de palettes qu’elle va occuper et la place que cela va prendre dans le camion, en prenant en compte des données de pré-colisage ou de prépalettisation en entrepôt ».
Faire « le lien avec la logistique »
À l’avenir, différents points d’attention devraient contribuer à faire évoluer le TMS, parmi lesquels l’adaptation aux différentes énergies vertes, nécessitant de paramétrer de nouveau quotas pour connaître les capacités des camions : « C’est une demande que l’on retrouve de plus en plus dans des modules de TMS », stipule Loÿs Balquet. Le renforcement de la digitalisation en est un autre : « Nous avons besoin d’avoir une information en temps réel sur notre téléphone sans forcément se connecter le soir à son ordinateur. De plus en plus de modules vont donc se développer pour travailler cette portabilité », juge-t-il. Et pour une prise en main la plus efficace possible, c’est également sur l’ergonomie et la présentation visuelle de leur portail client que travaillent certains éditeurs : « C’est le point d’entrée vers la solution, il faut donc que l’information soit au bon endroit, au bon moment et qu’on puisse y accéder de n’importe où. La digitalisation, c’est le nerf de la guerre », indique Hélène Kerjean. Avec le TMS, il s’agit de faciliter la tâche au maximum aux transporteurs dans leur quotidien, constate Jérôme Bour : « Cela veut dire s’assurer qu’ils ne vont pas attendre, donc avoir un planning de rendez-vous, faciliter tout le processus de contrôle à l’entrée en l’automatisant, accélérer le paiement. C’est aussi avoir un outil facile à utiliser sans être intrusif ». Pour Loÿs Balquet, le TMS peut s’apparenter à une solution d’amélioration continue, dans la droite ligne du lean management, car tous les leviers sont intégrés autour d’une action commune qui est le plan d’action, souvent appelé PDCA (Plan, Do, Check, Act) : un cercle vertueux où l’on planifie une action, la met en place, la contrôle et l’améliore. « Le TMS permet justement d’être dans une analyse fine et continue, à travers un module de KPI, des tableaux de bord, des reportings, afin de tirer différentes analyses pour s’améliorer et dégager des pistes de productivité supplémentaire. Le tout rentre dans une amélioration continue vertueuse, permettant par la suite d’optimiser à nouveau le plan de transport, la traçabilité. Et en général ce sont des plans d’action partagés avec la logistique. Si je veux aller plus loin, le TMS finalise l’action d’un WMS en étant la suite logique des opérations logistique d’entreposage et préparation de commandes », termine Loÿs Balquet.