Transversal
5. Quand la loi fait plier la supply chain
©
Image de Racool_studio sur Freepik« En attente de plus gros efforts ». C’est le genre de remarque qui pourrait apparaître au stylo rouge sur les copies des États signataires de l’accord de Paris, paraphé en 2015. Car s’il pose les jalons d’une participation internationale (195 États l’ont adopté) à limiter la hausse de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus du niveau pré-industriel, plusieurs signataires, France incluse, sont déjà à la traîne. La raison ? « Si la grande réussite de l’accord de Paris réside dans la mise en place d’un processus commun et contraignant pour tous, chaque État est responsable et fait comme il veut », souligne Yann Briand, chercheur en politiques climat-énergie- transport à L’Iddri, rappelant toutefois que ces accords modifient en profondeur les choix logistiques.
L’expert dit vrai. Il n’y a qu’à se concentrer sur le cas français. Depuis 2015, les lois se chevauchent et incitent de plus en plus les entreprises à revoir leurs obligations en matière environnementale. La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), adoptée en 2015, a été revue à la hausse en 2018 avec un nouvel objectif : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (contre une réduction de 75 % des émissions de GES dans sa construction initiale). La loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en 2019 a pour sa part consacré la responsabilité sociétale de l’entreprise. À titre d’exemple, cette loi rend obligatoire pour toutes les sociétés la prise en « considération des enjeux sociétaux et environnementaux de [leur] activité » (article 1833 du Code civil). Une intention louable que la loi Climat et Résilience (2021) a renforcé en créant de véritables obligations à la charge des entreprises. Parmi celles-ci, retenons notamment que d’ici 2040 a été actée la fin de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles. Pour les chargeurs, « les informations relatives aux conséquences sur le changement climatique devront comprendre les postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l’activité ».
Et puisque l’empreinte carbone ne se résume pas à l’unique question des transports, la France a par ailleurs œuvré dans d’autres secteurs tels que le textile. La loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire), entrée en vigueur en 2022, interdit de détruire des invendus des marques non-alimentaires (voir interview). Une loi qui vient de se doter de nouveaux décrets entrés en application en janvier 2023. Parmi ceuxci, l’un d’eux impose aux fabricants de faire figurer l’indication du pays de réalisation des principales opérations de tissage, teintureimpression et confection. Un coup de pouce pour relocaliser la production dans l’Hexagone ? Peut-être pas encore. Mais une avancée dans la transparence des informations fournies aux consommateurs et dans l’intérêt des fabricants à mieux contrôler leur chaîne logistique. Reste que selon une étude de Comerso, (éditeur d’une plateforme digitale et logistique valorisant l’économie circulaire), cette loi anti-gaspi s’avère ardue à mettre en place pour les entreprises, notamment à cause des difficultés à valoriser les invendus. Ce n’est pas tout : d’autres filières accusent de plus importants retards à l’allumage. C’est par exemple le cas du BTP ou encore des emballages professionnels dont les décrets d’application sont sans cesse retardés… C’est dire si la poussée règlementaire en matière de développement durable ne fait que commencer.