Chargeurs
[Dossier] Fret 21 : actions, engagements et retours d’expériences chargeurs
4. Société des Carrières de Vignats, entre multimodalité et optimisation du transport
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Société des Carrières de VignatsFaisant figure de petite structure au milieu des huit chargeurs labellisés Fret 21 à l’automne dernier, la Société des Carrières de Vignats affiche de beaux résultats sur la décarbonation de son transport, en passant par le fluvial et le ferroviaire, tout en travaillant aussi sur les nécessaires flux routiers.
La Société des Carrières de Vignats (SCV) est à la tête de trois carrières en Normandie qui produisent 1,8 million de tonnes de matériaux par an. Adressant les besoins du BTP tout en étant fournisseur historique de ballast pour la SNCF, elle produit des pondéreux pour lesquels le transport est toujours un défi. La majorité des flux passent par le camion, dans le cadre d’une consommation de proximité, les carrières fournissant souvent un rayon de 30 à 50 km autour d’elles. Pour des matériaux plus rares, l’entreprise utilise également le ferroviaire, travaillant avec DB Cargo sur deux rames complètes. Au total, 35 % des flux de l’entreprise transitent par le rail, soit plus de 600 000 tonnes. Et la société est allée plus loin avec le lancement d’une plateforme multimodale au Val-d’Hazey (27), en bordure de la voie ferroviaire et de la Seine, permettant de passer par le fluvial, avec des barges qui livrent des chantiers jusqu’en Île-de-France. Une façon de répondre à la saturation des sillons ferroviaires et de développer un autre mode de transport doux.
Un premier bilan carbone
Pour mieux encadrer tous ces efforts menés sur le thème de la multimodalité, la SCV a voulu aller plus loin. Tout d’abord, via une labellisation RSE de l’Unicem [Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction], qui a été l’occasion de se pencher sur leur bilan carbone. « Nous avons réalisé une analyse aux côtés de nos ressources internes et externes, et la réduction de l’impact sur le climat est ressortie comme un enjeu majeur. Il a ensuite fallu réaliser un bilan carbone en 2021, notre premier. Il en est ressorti que la majorité de nos émissions sont en scope 3, c’est-à-dire chez nos partenaires, au moment des expéditions », explique Sylvain Le Borgne, directeur d’exploitation chez SCV. Les efforts déjà menés par l’entreprise sur le sujet ferroviaire et fluvial ont pu rapidement montrer leurs effets : « En passant par le fer plutôt que la route, nous réduisons de 40 % nos émissions. Et le développement du transport multimodal via les barges est aussi un vrai atout. Mais le camion reste indispensable sur les petites distances et pour atteindre directement les chantiers. Nous devions donc agir sur ce point ». Cherchant à être accompagnée sur cette problématique, la SCV s’est rapprochée de l’AUTF, qui les a orientés vers Fret 21, permettant à l’entreprise de s’engager très rapidement dans l’initiative. « En s’appuyant sur notre base de données d’expédition et notre logiciel de planification, nous avons récupéré beaucoup d’informations cruciales : tonnages, distances routières... Les outils de Fret 21 et les données de l’Ademe nous ont permis d’étudier les offres des transporteurs et de calculer précisément les émissions par tonne/km. Cet engagement nous a donné de la méthode et une base de connaissances pour définir et appliquer ensuite des objectifs ».
Toute la chaîne logistique engagée dans le même sens
La réduction des émissions pour la carrière passe par deux actions principales. En premier lieu, la poursuite du développement de la multimodalité. « Le fait de passer en train et barge sur la plateforme de Val-d’Hazey représente à lui seul une réduction de 15 % de nos émissions de CO2 », note Sylvain Le Borgne. Le second point de travail est l’augmentation des taux de chargement. Si l’entreprise affichait déjà une moyenne de 95 %, elle souhaite atteindre 96 % dès 2023, ce qui représente 300 kg transportés en plus par camion. De quoi permettre une nouvelle réduction de CO2 de 1,5 %. « Ce sont des résultats assez faciles à aller chercher, mais sur lesquels nous n’avions pas d’attention particulière. Cela passe par une sensibilisation de nos chauffeurs pour qu’ils aillent chercher le taux de chargement maximum, d’autant qu’il est dans leur intérêt de transporter le plus de tonnes à chaque trajet, afin d’optimiser le nombre de camions sur les routes ». Plus généralement, Fret 21 permet la mise en place d’un programme global, aux côtés des transporteurs qui sont eux inclus dans Objectif C02. « Toute la chaîne logistique est engagée dans le même sens. Avant, nous avions seulement une réunion annuelle avec nos transporteurs, mais nous allons désormais chercher à développer nos partenariats sur ces aspects CO2, avec nos prestataires les plus proches », souligne Sylvain Le Borgne. L’idée étant de s’intéresser à la façon dont les flottes évoluent et s’améliorent, avec l’aide d’indicateurs concernant les émissions. Mais sans pour autant se limiter à travailler avec des entreprises chartées Objectif CO2. « Nous n’allons pas sortir des transporteurs de notre liste de fournisseurs parce qu’ils n’ont pas rejoint Objectif CO2. Il faut aussi penser à l’emploi local et à la proximité de ces petites structures qui est avantageuse pour éviter les kilomètres supplémentaires. Il s’agit plutôt de communiquer sur notre stratégie, et créer quelque chose de durable avec eux. Nous avons redécouvert nos transporteurs avec Fret 21, et nous avons pu voir que beaucoup avaient déjà commencé à s’équiper en biogaz par exemple, ce qui nous permettra d’avancer sur ce sujet dans les années à venir ».
Un label pour convaincre aussi les clients
Car tel est l’intérêt d’une labellisation Fret 21 aujourd’hui : apporter un gage de qualité qui peut embarquer les transporteurs dans la stratégie du chargeur pour avancer ensemble. « On passe un cran au-dessus avec le label, et c’est une fierté pour une entreprise comme la nôtre d’être déjà aux côtés de très grands donneurs d’ordres. C’est aussi valorisant pour nos prestataires, car l’obtention du label est soumise à une performance environnementale à laquelle ils participent activement. Quand ils travaillent avec nous, ils montrent aussi leur engagement sur ces questions », déclare Sylvain Le Borgne. Un élément crucial pour appréhender les demandes des clients, qui risquent d’être de plus en plus exigeantes sur ces sujets, là encore dans une optique de contrôle des émissions du scope 3. « Nos clients vont nous l’imposer à terme. La SNCF a annoncé en novembre qu’elle allait prendre en compte les rejets CO2 de ses fournisseurs dans ses appels d’offres. La grande distribution commence à écarter les fournisseurs qui n’ont pas de stratégie de développement durable. Il faut prendre les devants pour ne pas être pris au dépourvu ».