Immobilier
De la friche à l’entrepôt : entre complexité et exemplarité
6. « Reconversion d’une gravière : la législation est un caillou dans la chaussure de Telamon »
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Telamon | Sur ce terrain s’étendant sur 36 hectares, la nature a repris ses droits.Promoteur à l’initiative de la reconversion d’une friche dans le Val-d’Oise, Telamon développe actuellement un projet sur une ancienne gravière utilisée comme carrière jusqu’en 2005, puis remblayée avec des terres en partie polluées.
La filière logistique fait face à la raréfaction du foncier disponible pour la réalisation de nouvelles opérations immobilières. À ce titre, les friches constituent un réservoir et une solution contre toute artificialisation supplémentaire. Au niveau régional, le SRADDET (le SDRIF-E en Île-de-France) désigne des friches pour maîtriser la croissance urbaine et la consommation d’espaces. Néanmoins, si la reconversion est une alternative vertueuse, elle n’est toutefois pas dénuée de contraintes.
Dans le cas présent, le SDRIF-E a pointé ce terrain de 36 ha en indiquant de « sanctuariser le site d’activités d’intérêt régional et maintenir le site multimodal ». C’est justement cette dimension multimodale, cumulant, au-delà du réseau routier, voies fluviales et ferroviaires, qui a séduit Telamon. Cet atout permettrait de réduire, avec l’établissement d’une liaison ferroviaire hebdomadaire, la circulation des poids lourds sur des axes déjà très fréquentés, tout en diminuant les émissions de CO2. S’inscrivant dans un cadre plus large, ce site coche toutes les cases de la politique nationale de reconquête des friches dans le cadre de la démarche Zéro artificialisation nette.
Trois principales contraintes
En tant qu’opérateur, Telamon doit intégrer certaines spécificités afin de développer un projet sur une friche et, surtout, trois contraintes. Si des bâtiments existent, leur déconstruction/démolition induit des surcoûts, très élevés si la présence d’amiante ou de plomb est avérée. De même, la dépollution de ces terrains, souvent encore très pollués en raison des activités préalables qui y étaient exercées, peut engendrer des dépenses importantes. Vient enfin la question de la renaturation spontanée des espaces abandonnés. Point notable, la reconversion de ces terrains inusités ne requiert pas d’étapes règlementaires ni d’études urbanistiques supplémentaires à celles d’un terrain classique.
Éviter, réduire, compenser
Les activités humaines ayant délaissé ces terrains, la nature reprend ses droits et la biodiversité renaît progressivement. Les friches sont souvent des milieux ouverts qui abritent rapidement une faune et une flore riches, dont de nombreuses espèces protégées. Les réglementations environnementales sont très vigilantes concernant la préservation de ces milieux. Un opérateur intervenant sur une friche doit appliquer, comme pour un terrain classique, la méthodologie « éviter, réduire, compenser » (ERC) et, en cas de nécessité, réaliser de lourdes compensations écologiques. Il s’agit, en l’occurrence, de récréer ailleurs des lieux favorables à la biodiversité alors identifiée sur le site et de gérer ce nouvel espace pendant 30 ans. En cas de milieu ouvert, il faudra l’empêcher de se refermer. Ces mesures induisent des coûts non négligeables.
Des millions d’euros de compensation
Dans le cas évoqué, la reconversion de cette friche ne présente aucun bâtiment à démolir. Cependant, l’insertion d’inclusions rigides de grande profondeur, due au remblai de la gravière, va engendrer un surcoût. Côté biodiversité, des espèces se sont implantées dans ce milieu ouvert inactif depuis près de 20 ans. Pour compenser la disparition de ces habitats liée au développement de son projet, Telamon doit assurer la gestion de près de 36 ha au cours des 30 prochaines années afin de préserver les espèces identifiées sur la friche lors des études réglementaires. Montant de la facture de compensation : près de 5 millions d’euros. « Telamon soutient les principes vertueux qui animent la revalorisation des friches, introduit Christophe Bouthors, son président. Oui, la reconversion permet de reconstruire la ville sur elle-même et évite l’étalement urbain sans imperméabiliser de nouveaux sols. Il s’agit de plus d’une solution favorisant la régénération de terrains pollués et délaissés. Le législateur doit cependant prendre la mesure des obstacles que dressent les réglementations actuelles. Elles freinent le développement de ce type de projets qui, allégés, constitueraient une alternative attractive pour le secteur. Elles augmentent, de surcroît, le coût d’implantation pour les potentiels utilisateurs. Les entreprises pourront-elles payer ? ».
Les limites de la démarche
Les mesures de compensation écologique de la séquence ERC sont sans doute la phase la plus contraignante. Les investissements inhérents aux phases de démolition du bâti existant et de dépollution des sols imposent de commercialiser plus cher. Ces sites, qui ne satisfont en réalité que 5 à 10 % de la demande du marché, se révèlent finalement moins accessibles pour les éventuels utilisateurs. Les entreprises les plus engagées sont ainsi confrontées aux limites de la démarche.
Légende : Telamon reconvertit d’autres friches, comme sur ce chantier également situé dans le Val-d’Oise.
Crédit photo : © Telamon