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Transport

Les poids lourds électriques au pas de charge

Publié le 3 octobre 2024

2. Vers une multiplication des bornes de recharge pour poids lourds

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Bump | L'hôtel logistique urbain de Lyon Gerland est doté d'une infrastructure de recharge pour les véhicules électriques (IRVE) réalisée par Bump, dont une borne pour poids lourds libre d'accès.

De plus en plus largement équipé en stations de recharge dédiées aux voitures électriques, le territoire français commence également à accueillir des infrastructures adaptées aux camions électriques. Les opérateurs de bornes investissent massivement pour soutenir la transition de la mobilité lourde, qu’ils jugent nécessaire et promise à une rentabilité long terme.

400 000 points de recharge ouverts au public en France d’ici à 2030. C’est ce qu’ambitionnait déjà le gouvernement d’Élisabeth Borne en mai 2023. L’ancienne Première ministre se félicitait alors d’avoir dépassé, « grâce aux aides de l’État », les 100 000 bornes dans l’espace public. En hausse quasi exponentielle, les stations de recharge pour voitures électriques continuent de fleurir dans tout l’Hexagone. Mais celles adaptées aux poids lourds à batteries n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.

 

« Au démarrage de notre aventure fin 2020 - début 2021, nous avons commencé notre mission consistant à réduire les émissions de CO2 des entreprises en électrifiant leurs flottes, sur des parcs de véhicules que je qualifierais plutôt de VL (véhicules légers) », relate François Oudot de Bump. Nous nous sommes ensuite intéressés aux VUL (véhicules utilitaires légers), puis aux PL (poids lourds). Notre ascension s’est toujours orientée en fonction de la maturité du marché, avec une particularité : travailler pour le compte de clients pour lesquels la recharge est critique à leurs activités. » Attaquant tout récemment le segment de la recharge pour camions, la jeune société compte notamment deux références dans la logistique et le transport (DPD France et DB Schenker) sur le flambant neuf hôtel logistique urbain « Lyon Gerland », érigé sur le port Édouard Herriot à Lyon. Elle y a installé une station de recharge rapide de 240 kW en libre accès (cf photo ci-dessus), apte à recharger des porteurs électriques de 16 tonnes.

 

Différentes typologies de recharge pour poids lourds

Implantée au sein d’un hub logistique, cette solution proposée par Bump fait partie de la typologie la plus courante pour remettre de grandes batteries à pleine capacité : la recharge au dépôt. Exploitées dans des lieux centralisés, comme un entrepôt, les bornes sont alors positionnées à l’intérieur du bâtiment ou sur un terrain extérieur. Utilisées fréquemment dans des cycles de charge lente, avec une puissance délivrée la plupart du temps en courant alternatif (on parle alors dans le jargon de l’électromobilité de bornes AC, pour alternating current), les recharges en dépôt s’effectuent souvent de nuit. Objectifs : que les véhicules soient prêts à repartir à 100 % d’autonomie dès les premières livraisons matinales, avec une facture d’électricité allégée.

 

Mais selon les plans de transport, certains points de recharge peuvent délivrer une puissance élevée en courant continu (avec des bornes DC, pour direct current) pour permettre aux chauffeurs de pouvoir repartir sans trop d’attente. Ces cycles rapides voire ultra-rapides se retrouvent particulièrement sur un autre modèle d’arrêt : la recharge en itinérance.

 

Un plein d’électricité le temps d’une pause réglementaire

Consistant à alimenter sa batterie lors d’un trajet de longue durée, en un temps souvent restreint, la recharge en itinérance implique l’installation de bornes très puissantes. « Les chauffeurs ne veulent pas passer une minute de plus à attendre après leur pause réglementaire [de 45 minutes toutes les 4h30 de conduite, ndlr], explique Saul Lopez, directeur du développement international chez Zunder, acteur de l’électromobilité d’origine espagnole à dimension sud-européenne, spécialisé dans la recharge ultra-rapide. Ils ont un planning à tenir et doivent reprendre la route pour respecter leurs délais. »

 

En parallèle, les chauffeurs peuvent également être amenés, pendant de longs trajets, à prendre des temps de repos journaliers et hebdomadaires dans des aires de stationnement sécurisées. « Les recharges de nuitée ne nécessitent pas une très haute puissance, poursuit Saul Lopez. Ils peuvent se brancher à 100 kW pendant 8 heures pour faire le plein. » Ainsi, Zunder, qui table sur des bornes MCS (pour megawatt charging system, cf. page 4 du dossier) surpuissantes, propose également des stations avec recharge en CCS (pour combined charging system, la solution la plus courante) entre 100 et 400 kW.

 

Des infrastructures en plein boom

Déjà bien implanté en Espagne avec plusieurs stations de recharge adaptées aux poids lourds, Zunder s’étend également en Italie, au Portugal et en France. À la suite d’un appel d’offres remporté auprès d’Alicorne, société concessionnaire de l’autoroute A88, l’opérateur a sorti de terre sa première station tricolore de recharge ultra-rapide à l’été 2023, sur l’aire de Pays d’Argentan en Normandie. « Sept importantes stations Zunder vont sortir en France sur les réseaux autoroutiers Vinci et Atlandes dès cet été, se félicite Saul Lopez, qui indique également « une bonne quinzaine de localisations confirmées sur le territoire pour cette année 2024 ». Concentrée initialement sur le marché de la voiture électrique, l’entreprise en forte expansion en Europe du Sud prévoit aussi des infrastructures pour poids lourds dans l’Hexagone. « C’est imminent », prévient-il.

 

Du côté de Milence, les objectifs affichés sont immenses : 1 700 points de charge opérés dans 15 pays européens d’ici fin 2027. Joint-venture fondée en juillet 2022 par Volvo Group, Daimler Truck et Traton Group, la société originaire des Pays-Bas développe ce qu’elle appelle des « corridors verts », à savoir un vaste réseau public transeuropéen de sites de recharge pour les poids lourds et les bus, placés stratégiquement à proximité des voies de fret les plus fréquentées. Accueillant déjà 170 employés en deux ans d’existence, dont une douzaine en France, la coentreprise table sur un enrichissement de ses effectifs à plus de 200 collaborateurs d’ici fin 2024. « Il y a tellement de sites à faire sortir de terre, tellement de travail pour effectuer la transition, que nous avons besoin de beaucoup de personnes aptes à construire les centres de recharge et les opérer », témoigne Alexandre Hélibert, son responsable des affaires publiques en France.

 

Focus

Des recharges à la carte

La recharge en itinérance exige, pour l’utilisateur, des modèles contractuels passés avec des opérateurs d’électromobilité, sous contrat ou abonnement. Ainsi, les opérateurs d’infrastructures de recharge en itinérance pour poids lourds nouent des partenariats avec des fournisseurs de services d’électromobilité pour permettre aux chauffeurs de disposer du même niveau de service que celui lié aux « cartes carburant » traditionnelles. Disposant d’une application smartphone ou d’un badge de recharge avec une puce RFID pour payer son plein d’énergie, le chauffeur peut ainsi, selon son offre, également bénéficier d’une localisation en temps réel des bornes, d’un suivi de ses consommations, et de services annexes comme le télépéage. Au sein du complexe écosystème de l’électromobilité, certains acteurs peuvent aussi cumuler à la fois le rôle d’opérateur de recharge et de mobilité.

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