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Emploi/RH
Les entreprises de la logistique et du transport emploient plus de 1,5 million de salariés en France. Elles peuvent engager des efforts proactifs afin d’offrir à des profils, tous uniques, une carrière diversifiée et équitable. Qu’en est-il concrètement des politiques d’inclusion mises en place dans notre secteur ? Voxlog fait un vaste tour de la question au travers de trois thématiques majeures : l’ouverture des métiers aux personnes en situation de handicap, l’embauche et le maintien en emploi des seniors, et l’égalité des genres.
Introduction d'un dossier spécial en quatre parties, coécrit par Laurène Matzeu de Vialar et Matthew Perget.
1. Échanger autour de l’inclusion et de la diversité en supply chain

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Avr Di via stock.adobe.comDébut 2025, l’association France Supply Chain, dont l’objectif vise à développer et promouvoir la fonction supply chain au sein des entreprises, invitait un panel de professionnels à échanger autour de l’inclusion et de la diversité dans le secteur. Entourés de Françoise Lieuré et Elorri Thicoïpé, respectivement chargée de mission et responsable communication de l’association, trois d’entre eux se sont livrés sur leur vision et la façon dont sont pris en charge ces sujets dans leur organisation.
Depuis plusieurs années, France Supply Chain fait vivre un lab dédié aux ressources humaines, composé de managers, RH, enseignants-chercheurs et cabinets de recrutement. Convaincue que « l’adaptation et la gestion du capital humain est l’un des vecteurs majeurs de performance des fonctions supply chain », l’association s’est fixée comme mission de réfléchir collectivement à la formation, à la recherche, à l’attractivité de la filière et au développement des talents. Au fil du temps et des échanges, la question de la diversité et de l’inclusion s’est invitée dans la réflexion. Étroitement liée aux directions RH et RSE, de plus en plus soulevée dans le débat public, la thématique prend tout naturellement une place croissante dans la supply chain. Ainsi, à l’appel des membres du lab RH, un premier groupe de travail a été lancé.
À cette occasion, l’association a convié plusieurs professionnels du secteur, parmi eux : Madeleine Deby, human resources manager chez Chep ; Samya Bellhari-Trahin, responsable ergonomie, QVT, maintien dans l’emploi et gestion du handicap chez GXO Logistics et Benjamin Muller, responsable ergonomie, handicap et santé au travail au sein du groupe Rocher. Tous trois ont accepté de se livrer sur leur métier et leur vision du sujet. « Le mot “inclusion” signifie que tout le monde est accepté, se sent capable de communiquer et de participer à la vie de l’entreprise et de l’organisation. La diversité et l’équité sont des préalables à l’inclusion. Chez nous, cette dernière recouvre notamment l’égalité femmes/ hommes, le handicap mais aussi l’orientation sexuelle et les identités de genre », introduit Madeleine Deby de Chep.
« Nous intégrons les personnes quels que soient leur profil, leur culture, leur genre… L’inclusion fait forcément le lien avec la notion de différences, et plus particulièrement avec le respect de ces dernières. Comment fait-on pour en tenir compte, notamment sur le recrutement ? Il ne faut pas avoir de biais, ni de filtres et accueillir les gens tels qu’ils sont, voire faire de la diversité un atout », corrobore Benjamin Muller du groupe Rocher.
Le dialogue au centre de l’inclusion
Et si la question du recrutement semble essentielle, celle du vivre ensemble et de la compréhension des uns et des autres dans l’entreprise sera au centre des discussions. Tous s’accordent sur un élément clé : la nécessité de comprendre les enjeux de société et d’écouter le terrain, car c’est de là qu’émanent les sujets les plus prégnants : « Nous n’avons pas le même bagage culturel sur les sujets d’inclusion… Dans l’entreprise, il y a souvent une dichotomie entre ce que l’on a envie de faire et la réalité du terrain. Notre rôle est de ramener cette culture au même niveau pour tous, mais cela peut prendre du temps. Il ne faut pas craindre de poser les mots, notamment sur le sexisme, le harcèlement. En cas de situations problématiques, il faut le dire et l’expliquer aux individus concernés, tout simplement. Une fois que tout le monde dispose du même niveau d’information, les situations se règlent plus facilement. Mais on ne peut pas s’éparpiller, il faut prioriser, y aller sujet par sujet », analyse Benjamin Muller.
« Ces sujets peuvent être complexes, à l’instar des blagues racistes, du harcèlement ou des agissements sexistes. Lorsqu’un nouveau sujet survient, on s’interroge sur la façon de le traiter et les moyens d’actions à mettre en oeuvre. Si cela arrive sur un site, cela signifie que le sujet peut également émerger sur d’autres, nous lançons donc des campagnes de sensibilisation et en faisons un axe de travail sur l’année ou les mois à venir », confirme Samya Bellhari-Trahin de GXO.
Sensibiliser le collectif pour favoriser le vivre ensemble
Parmi les principaux sujets évoqués ce jour-là, le handicap, les seniors, l’identité de genre, les différences culturelles mais également le harcèlement et les agissements sexistes. Ainsi, le groupe Rocher a notamment collaboré avec l’entreprise Woonoz, qui s’appuie sur l’ancrage mémoriel, à travers un module de e-learning. 1 000 managers ont été formés sur le harcèlement et les agissements sexistes. « Nous avons travaillé sur un questionnaire comprenant des questions telles que : Qu’est-ce que le harcèlement sexuel ? Moral ? Qu’est-ce qu’un agissement sexiste ? Quelle situation est acceptable ou non ? Nous nous sommes également appuyés sur un outil d’échelle de mesure du sexisme : le Sexismomètre avec l’entreprise Goods to Know, qui accompagne les entreprises sur les sujets de la diversité. Enfin, une campagne de communication a été également lancée, des référents ont été formés et nous continuons encore à travailler sur le sujet afin qu’il s’ancre durablement dans l’entreprise », détaille Benjamin Muller.
Même initiative chez Chep où depuis 2023, des campagnes de sensibilisation liées au harcèlement et aux agissements sexistes ont été mises en place. Sur le sujet, Chep travaille avec la médecine du travail qui propose une formation en ligne, avec un baromètre et des mises en situation permettant aux collaborateurs de se positionner. « À titre d’exemple, dire “miss” à une jeune fille n’est pas accepté,mais on ne le sait pas forcément. Ces actions permettent d’obtenir des repères pour savoir si on va trop loin ou pas dans son discours », souligne Madeleine Deby.
Malgré tout, certaines thématiques liées à l’inclusion restent plus complexes à aborder et peinent encore à se généraliser en France et dans les entreprises : « D’une manière générale, les questions culturelles et de l’orientation sexuelles sont plus compliquées à aborder », souligne Samya Bellhari-Trahin. « Les collaborateurs ne sont pas forcément à l’aise pour parler d’eux même », témoigne Madeleine Deby. Ici encore, la sensibilisation reste le meilleur moyen d’approcher certains sujets et de construire des espaces de confiance et d’écoute au sein de l’entreprise : « Nous créons des modules de formation spécifiques sur des sujets remontant du terrain. Nous avons travaillé sur les troubles psychiques, sur l’audition, mais également avec un contrôleur de gestion souffrant de dyscalculie. En parlant avec son manager, nous avons pu apaiser les tensions. Lorsque les gens parlent librement, qu’ils brisent le tabou, nous sommes en mesure de sensibiliser le collectif et lever les incompréhensions », garantit Benjamin Muller. L.dV.
Focus
L’inclusion chez France Supply Chain
Comment est né ce panel « inclusion et diversité » au sein de France Supply Chain ?
Françoise Lieuré, France Supply Chain : Dans le cadre de notre Lab RH (Lab Richesses Humaines), nous travaillons sur l’attractivité de nos métiers et la nécessité de recruter toutes les personnes ! Nous avons notamment développé une communauté de femmes, nous nous appuyons sur un Lab Jeunes et concernant le handicap, nous avons notamment été interpellés par l’un de nos jeunes membres, Dys, qui intervient dans les collèges et lycées pour expliquer le handicap invisible. Beaucoup de thématiques se croisent donc dans ce Lab RH. En tant qu’association professionnelle, il était de notre devoir de faire bouger les choses dans la bonne direction, cela fait partie de notre rôle.
Pourquoi avoir pris part à ces échanges ?
Samya Bellhari-Trahin, GXO Logistics : Il me semble important de pouvoir discuter autour d’une pratique, brainstormer sur un sujet clé et que chacun apporte son expérience sur les actions qu’il a pu mettre en place. Nous travaillons sur un sujet transverse, avec des RH, des médecins, des chercheurs, des préventeurs… C’est là toute la force de notre métier.
Madeleine Deby, Chep : Je suis convaincue que ce sont des éléments cruciaux à travailler au travers de mon rôle et dans ma fonction. Au sein de France Supply Chain, nous aurons la possibilité de faire en sorte que ce sujet soit diversifié et traité le plus largement possible. Participer à ce panel devrait nous permettre d’apprendre les uns des autres, de faire émerger des idées. Nous pouvons nous inspirer mutuellement.
Benjamin Muller, groupe Rocher : C’est effectivement une occasion d’apprendre les uns des autres. Nous n’avons pas toujours les mêmes façons de travailler. Il est important de se questionner sur pourquoi certaines actions fonctionnent chez l’un et pas chez l’autre.
