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Une moindre égalité des genres aux plus hautes fonctions (4/4)
5. Des politiques DEI menacées outre-Atlantique

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World of AI via stock.adobe.comLes politiques liées à la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) vivent actuellement une vague de retour en arrière, au sein du pays qui les a pourtant fait naître. Mais si certaines multinationales américaines suppriment leurs programmes de diversité, y compris envers leurs fournisseurs, d’autres réaffirment leurs engagements.
Né de la discrimination positive aux États-Unis et popularisé au début des années 1960, le sigle DEI se rapporte à trois grandes valeurs singulières mais interconnectées : la diversité, l’équité et l’inclusion (ou diversity, equity and inclusion en anglais). Après avoir été largement transposées, décennies après décennies, par les grandes entreprises – dans le cadre du respect de la loi, ou via des actions volontaristes –, les politiques DEI connaissent aujourd’hui une remise en cause sans précédent outre-Atlantique.
Le MEI face au DEI
« Attention à cette vague de MEI [sigle créé pour prôner le mérite, l’excellence et l’intelligence, face au DEI, ndlr], très trumpienne, qui est en train de se déverser depuis la Silicon Valley. Elle risque de nous atteindre et d’impliquer un retour en arrière », alerte Salomée Ruel, docteure en sciences de gestion et professeure en supply chain management à Excelia Business School, en faisant notamment référence aux positionnements de Mark Zuckerberg de Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) et d’Elon Musk (Tesla, Space X, X). Si les premiers décrets du gouvernement de Donald Trump vont assurément dans le sens du MEI, la vague de défiance envers des politiques jugées « wokistes » s’enracinait déjà avant la réélection du président républicain et de la nomination du milliardaire en charge de l’« Efficacité gouvernementale ».
Des suppressions de programmes de diversité des fournisseurs
Dès août 2024, Harley Davidson, sous la pression de l’aile conservatrice et des réseaux sociaux, a ainsi indiqué vouloir « se conformer » aux attentes de ses clients, et a annoncé la non-reconduction des quotas d’embauche. De même que ses objectifs de diversité des fournisseurs. Ces derniers encouragent le recours à des sociétés-approvisionneurs détenues par des femmes, des vétérans de guerre (ils sont 18 millions aux US), des personnes en situation de handicap, des membres de la communauté LGBTQIA+… et concourent à sécuriser la supply chain, via la mise en œuvre de filières diversifiées, locales et durables.
Mais la célèbre marque de moto n’est pas la seule à abandonner sa politique DEI et ses engagements en faveur de la diversité des fournisseurs. Amazon, Walmart, McDonald’s, Boeing et Ford font partie d’autres mastodontes à avoir opté pour un changement voire une suppression de certains de leurs programmes. Avec des impacts également chez les filiales et fournisseurs internationaux, les décisions des conseils d’administration centraux pouvant directement influer sur l’ensemble de l’écosystème des partenaires. La France et l’Union européenne garantissent cependant la protection des données à caractère personnel les plus sensibles. Elles imposent également aux entreprises de ne point discriminer, sous peine de condamnations pénales des employeurs fautifs. Une vague hexagonale anti-DEI comme celle que connaît l’Oncle Sam semble ainsi difficilement envisageable, du fait de lois et d’applications différentes.
D’autres groupes renforcent leurs engagements
Face au courant massif de ce que les médias américains nomment le DEI rollback (pour recul), d’autres multinationales américaines ont a contrario partagé leur volonté de ne pas faire marche arrière sur leurs politiques d’inclusion internes et celles appliquées à leurs fournisseurs. Parmi elles se retrouvent entre autres Costco, Apple et Microsoft. En France aussi, de grands groupes internationaux maintiennent leur position. À l’instar de Geodis, également présent aux États-Unis. « Concernant la vague américaine de suppression des programmes DEI, nous réaffirmons notre total engagement envers la diversité et l’inclusion. Nos objectifs restent identiques, mais nous tiendrons évidemment compte des éventuelles régulations », affirme Anne-Elisabeth Duchesne, directrice de la diversité et de l’inclusion au sein du groupe et présidente du Geodis Women Network [cf. page 3].
Une logistique assurément plus inclusive
Effort démocratique en premier lieu, l’inclusion infuse tout aussi bien le monde du travail. En optant pour des politiques volontaristes en faveur de la diversité et de l’égalité des chances, les acteurs de la supply chain au sens large élèvent leur capital humain et enregistrent des gains concrets : sociaux, financiers, et de réputation. Qu’elles soient liées au handicap, aux seniors ou à l’égalité des genres, les politiques d’inclusion continuent, dans une large majorité, à se renforcer au sein des entreprises françaises. Si de nombreux efforts restent encore, de la voix de l’ensemble des personnes interrogées dans le cadre de ce dossier, à réaliser, la logistique devient assurément, année après année, plus inclusive qu’elle ne l’était lors des décennies précédentes. M.P.
