Transversal
Formations : des besoins en compétences plus larges dans un environnement en mouvement
6. Innovation, développement durable : Des sujets au cœur des programmes
Pour coller au plus proche de la réalité des entrepôts logistiques et des réseaux de transport, les organismes de formation et les écoles adaptent leurs programmes en suivant l’innovation technologique et en intégrant, au centre de leurs enseignements, les aspects sociaux-économiques et environnementaux des différents maillons de la supply chain.
Un dimanche matin, dans un entrepôt de demain. Un opérateur vérifie le fonctionnement de son matériel avant de commencer sa journée. Arrivé à son poste, il reçoit un ordre vocal lui indiquant de réceptionner sa première commande. Pas encore bien réveillé, il met en veille sa solution de guidage vocal et choisit de se laisser aiguiller par son assistant numérique personnel. Après s’être fait contourné par des AGVs (Automated guided vehicles) qui étaient en train d’apporter des palettes et des déchets à la zone de recyclage, il atteint en quelques pas la zone de préparation. Une immense étagère, soulevée par un robot autonome infatigable, s’approche de lui. Équipé de lunettes de réalité augmentée, il scanne d’un simple mouvement de tête le bon objet. Il n’a pas besoin de vérifier l’état des stocks : des drones s’en sont chargés à l’aube. Doté d’un bras robotique, il soulève le produit sans même le sentir. À l’aide de son exosquelette, il le dépose d’un seul mouvement rotatif sur un convoyeur et le voit partir au loin, dans un circuit entièrement automatisé. Ce déroulé type fictionnel aurait relevé du fantasme il y a encore quelques années. Aujourd’hui, il s’approche de la réalité. Car ces technologies, si elles ne sont pas encore toutes réunies au sein d’un même entrepôt pour des questions de budget, de développement ou simplement d’utilité de déploiement, existent à l’état de prototypes ou fonctionnent déjà dans des circuits de préparation de commandes et dans des entrepôts de stockage.
Une réalité que les organismes de formation ont bien comprise, même si le chemin à parcourir est encore long avant de pouvoir en découvrir toutes les applications. « Nous parlons de la robotisation dans nos programmes, affirme Gérard Delchini, adjoint à la direction de la pédagogie, de l'expertise et de l'innovation du groupe Promotrans, réseau de centres de formations professionnelles pour la logistique, la supply chain et les transports. Nous avons, par exemple, un cas pratique qui accueille ce critère de choix dans la construction d’entrepôts. Je crois beaucoup au développement des robots sur les problèmes de préparation de commandes, notamment pour éviter les TMS. C’est abordé dans nos référentiels, mais nous n’en sommes qu’au début du cheminement. » Un constat partagé par Pierre de Surône, directeur du développement, de la communication et des écoles au sein d’Aftral, pôle de formations supérieures en transport et logistique : « Pour tenir compte des nouveaux besoins (database, systèmes d’information…), il y aura encore d’importantes évolutions au niveau des contenus de formations. Nous avons l’avantage de pouvoir les adapter assez rapidement pour tenir compte des réalités et des évolutions des entreprises. »
« Les domaines de la digitalisation sont à investir »
Pour Philippe-Pierre Dornier, professeur et responsable du département Management des opérations de l’Essec, la multiplication des flux et d’évolutivité technologique permanente entraîne une complexification des processus logistiques et, par voie de conséquences, motive les réflexions autour de leurs usages les plus pertinents : « Il y a deux évolutions lourdes : tout l’aspect durable et tout l’aspect qui a trait à la digitalisation de la logistique et de la supply chain. Il y a beaucoup de supply chains informatisées mais peu sont digitalisées. Tout le monde connaît les WMS, les outils de forecast… En revanche les objets connectés, l’interfaçage intelligent, sont moins développés. D’autant que les systèmes qui pilotent aujourd’hui les entrepôts sont assez lourds et complexes. Leur évolutivité n’est pas simple. Les domaines de la digitalisation sont des domaines à investir. » Philippe-Pierre Dornier, comme l’ensemble du corps enseignant de l’Essec, a depuis leurs prémices pris en compte ces développements dans ses programmes : « Tout ce qui est robotisation, reconnaissance d’objets, inventaires automatisés par drones interposés, mise en place d’interfaces communes entre fournisseurs, transporteurs, donneurs d’ordres, prestataires logistiques, pour des questions comme la gestion des litiges, toutes ces questions sont des exemples de sujets abordés dans nos cours. » Des cours qui n’ont de cesse de se transformer, de se revisiter pour refléter l’état actuel de la recherche et des solutions déployées sur le terrain.
Les intervenants professionnels et les concepteurs de programmes, à l’instar de Jean Damiens, directeur de l’Ecole Supérieure des transports, sont ainsi constamment en état de veille technologique, économique et stratégique : « Les programmes sont adaptés en permanence, car ils sont dispensés par des professionnels en activité, en phase avec les nouvelles règlementations ou technologies, affirme-t-il. Nous avons toujours des fondamentaux : la géographie des transports, l’expertise portuaire mondiale etc. Nous avons rajouté la dimension du développement durable, introduit les notions de gestion des risques et de gestion de crise et travaillé sur les systèmes d’information. Bien évidemment, nous avons intégré l’e-commerce, la livraison urbaine, le multi-canal et l’omnicanal. Nous suivons les bouleversements en cours et observons les nouveaux modèles. Car le manager aujourd’hui doit être plus ouvert et transverse, plus international, plus interculturel. Les fondamentaux opérationnels techniques et réglementaires évoluent, mais nous savons les consolider. »
Pour une supply chain durable
Autre enjeu majeur, le développement durable, dans son triptyque social, économique et environnemental, n’est plus relégué comme une composante secondaire des stratégies d’entreprise. Il prend désormais une place centrale dans l’élaboration des visions de développements à court, et surtout à long terme. Il se retrouve également de plus en plus au centre des formations. L’aspect environnemental est le plus traité, de par le lien direct qu’il entretien avec la santé économique des entreprises. Aftral a ainsi créé le label « parcours vert », apposé sur la quasi-totalité de ses formations. « Les parcours verts sont des formations qui intègrent cette notion de développement durable, sur un thème d’emballage, d’éco-conduite etc., expose Pierre de Surône. En prenant en compte ces dimensions, elles permettent de pouvoir s’inscrire sur une action durable. Cet aspect sera différent pour une formation d’opérateur, de responsable de flux ou d’acheteur et s’adapte au niveau de la personne en formation. C’est une approche transversale. » Des supply chains vertueuses commencent ainsi à émerger, portées par la vision double de professeurs professionnels conscients que la transmission des savoirs, si elle se fonde de prime-abord sur le passé et le présent, gagne en valeur en étant tournée vers le futur.