Transversal
7. Couvertures assurantielles : du palliatif au prédictif
Le monde de l’assurance des risques industriels a depuis longtemps développé des programmes bien ficelés pour couvrir les incendies ou les catastrophes naturelles. L’émergence de risques moins courants, mais aussi de nouveaux dangers, l’a cependant poussé à refonder son offre.
Selon le Baromètre des risques pour 2017 réalisé par le groupe d’assurances et gestionnaire de fonds Allianz, l’interruption d’activité (incluant celle de la chaîne d’approvisionnement) demeure pour la cinquième année consécutive le risque le plus redouté par les entreprises interrogées. Apparus dans le baromètre de l’année précédente, les évolutions de marché (volatilité, concurrence accrue, nouveaux entrants, fusions/acquisitions, stagnation et fluctuations de marchés) et les « cyber risques » (« cyber crimes », violation de données…) conservent quant à eux les deuxième et troisième places de ce classement mondial. L’apparition de ces nouveaux facteurs, qui plus est, en haut des préoccupations, a amené la société de courtage et de conseil en assurance Siaci Saint Honoré à repenser ses programmes. « Nous avons réalisé des études avec Allianz et certains assureurs démontrant que le risque qu’appréhendaient le plus les petites et grandes entreprises en France, en Europe et dans le monde, était l’interruption de la supply chain, introduit Nicolas Rivière, directeur études recherche et innovation de Siaci Saint Honoré. Elles font toujours le même constat : la chaîne logistique n’est plus celle que l’on a connue dans le temps. Aujourd’hui nous avons un écosystème beaucoup plus complexe, interconnecté, dynamique. Nous avons de ce fait des évènements beaucoup plus saugrenus. Il y a toujours les classiques : incendie, catastrophe naturelle, mais aussi des choses de plus en plus prégnantes comme la cyberattaque, l’interruption d’un transport suite à un évènement inattendu ou encore une défaillance financière d’un fournisseur. De ce fait, nous avons cherché à développer une solution adaptée à ce nouvel environnement. »
Siaci Saint Honoré s’est ainsi alliée en fin d’année 2016 à Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS), filiale d’Allianz spécialisée dans l’assurance des grands risques et au cabinet d’audit et de conseil Deloitte pour développer une couverture assurantielle couvrant plus finement les risques supply chain grâce à de l’analyse prédictive avancée. « Nous, courtiers et assureurs avons des outils d’analyse des risques, mais ce n’est pas notre métier, poursuit Nicolas Rivière. Nous ne sommes pas des logisticiens. L’outil de Deloitte permet de modéliser la supply chain et d’établir des probabilités de rupture, de casse, qui peuvent permettre d’en tirer des enseignements pour optimiser la supply chain. »
Répartition des tâches
Acteur du trio placé le plus en amont, Deloitte emploie un outil de détection et d’analyse des signaux faibles appelé Early Warning System (EWS). Magali Testard, associée conseil achats et supply chain du cabinet, en détaillait ses fonctionnalités à Voxlog dans une interview réalisée en novembre 2016 : « Nous employons des techniques fondées sur de l’analytics avancé, des algorithmes permettant de modéliser les flux d’informations et les flux physiques des supply chains et de définir des scénarios de simulation en changeant des paramètres clés (baisse ou montée de production, expansion d’opération à l’étranger, évènements climatiques…). Nous allons plus loin qu’un diagnostic supply chain ou une cartographie des risques traditionnelle. Nous détectons des signaux faibles situés très en amont des opérations. » Le diagnostic réalisé, Siaci Saint Honoré, en qualité d’architecte du programme d’assurance, va alors affiner l’offre. « Notre rôle est d’exploiter l’analyse de Deloitte, évaluer le risque résiduel, regarder ce qui est couvert chez l’entreprise via ses programmes classiques ou spécifiques pour déterminer le risque non couvert et le financer avec le nouveau produit d’AGCS », précise Nicolas Rivière. Allianz Global Corporate & Specialty aura ainsi pour mission de délivrer, avec les conclusions de Siaci Saint Honoré faisant suite au diagnostic de Deloitte, une couverture assurantielle sur-mesure.
Cette association est une première dans le secteur, selon Jean-Baptiste Regnier, responsable des souscriptions risques industriels, dommages aux biens et perte d’exploitation sans dommage chez AGCS : « Le fait qu’un assureur et un courtier, deux parties prenantes de l’assurance, s’associent avec un fournisseur tiers pour une analyse est nouveau sur la partie supply chain. Cela a été fait par AGCS il y a quelques années dans l’assurance cyber par exemple. Nous nous sommes associés à Thales pour bénéficier de leur expertise dans la cyber sécurité. La seule différence est qu’il n’y avait pas de courtier en intermédiaire. » Depuis le lancement de leur partenariat, les trois acteurs ont reçu des retours positifs quant à la pertinence de cette nouvelle offre, qui pourrait faire des émules chez les concurrents.
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Focus
L'analyse de marché de Nicolas Rivière
Nicolas Rivière, en charge des études, des appels d’offres et des nouveaux produits lancés par la société de courtage et de conseil en assurance Siaci Saint Honoré, partage sa vision du marché de la couverture assurantielle des risques de la supply chain.
Quelles sont les forces et les faiblesses des offres actuelles d’assurance dédiées à la gestion des risques ?
Les solutions assurance sont très matures dès lors que l’on se place au centre de la supply chain. Quand vous êtes l’assureur de PSA, de Renault, vous savez que leurs structures industrielles sont saines et très bien entretenues. Du point de vue de l’incendie, des évènements naturels, tout est bien borné et dimensionné. Les assureurs étant ainsi sécurisés, ils proposent de ce fait des garanties qui vont jusqu’au bout du risque, à des prix de plus en plus compétitifs car le marché de l’assurance est très attractif, avec des capacités excédentaires actuellement. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes au centre de la supply chain. En revanche, lorsque l’on s’en éloigne et que l’on s’intéresse aux fournisseurs situés juste derrière, nous rentrons dans l’inconnu.
Comment couvrir alors ces industriels en cas de défaillance de leurs fournisseurs ?
Les programmes « dommages » permettent de couvrir des évènements tels que l’incendie ou les catastrophes naturelles. Au sein de ces programmes se trouvent des garanties que l’on appelle de carences de fournisseurs, permettant d’assurer les fournisseurs d’un industriel donné si un incendie l’empêchait d’être fourni. C’est plutôt bien couvert par le marché mais encore faut-il que les fournisseurs soient bien identifiés par l’industriel client pour être également connus des assureurs. Ces derniers assurent bien l’entreprise et ses fournisseurs identifiés, mais plus on s’éloigne de l’épicentre de la supply chain, plus le fromage comporte de trous et plus on constate des carences de garanties. Le marché de l’assurance est bon sur ce qu’il connaît, sur ce qui est situé au centre de la supply chain et sur des évènements avec des conséquences de dommages directs types incendie, explosions, bris de machine ou évènements naturels.
Qu’en est-il pour les autres types d’évènements ?
Certains assureurs ont essayé de développer des produits de perte d’exploitation non consécutive pour couvrir des évènements qui affecteraient la supply chain, mais le problème est que ces produits sont excessivement chers. Lorsque l’on ne sait pas ce qui se passe en dehors de nos portes, le prix augmente forcément. C’est pour cela que nous nous sommes alliés à AGCS et Deloitte, pour essayer d’aller au-delà de ce qui existait sur le marché.