Innovation
Planification & prévisions : la supply chain voit toujours plus loin
6. Cloud computing & automatisation algorithmique
À l’instar d’un grand nombre de solutions logicielles logistiques, celles liées à la planification et aux prévisions connaissent une migration massive vers le cloud. Une plus large autonomie est ainsi laissée à leurs utilisateurs, qui bénéficient qui plus est des progrès de l’auto-apprentissage.
Selon la synthèse, publiée en avril 2016, de l’étude Transformation digitale de la supply chain : état de l’art et perspectives, menée conjointement par GT Nexus (éditeur de la plateforme commerciale cloud éponyme appartenant au groupe Infor) et le cabinet Capgemini Consulting, « les plateformes et autres outils qui participent à l’amélioration de la visibilité au sein de la supply chain (94 %), l’analytique de type “big data” (90 %), les outils de simulation (81 %) et le cloud (80 %) sont cités en priorité quand il s’agit de transformation digitale de la supply chain ». Déjà bien entamée depuis une paire d’années en France et en Europe, et depuis bien plus longtemps aux États- Unis, le basculement vers le cloud s’accroît et impacte fortement le marché de l’édition logicielle. « Nous remarquons, surtout depuis deux ans, une forte accélération et acceptation du modèle cloud par les clients sur les solutions de supply chain planning, confirme Pascal Garsmeur, chef de produits chez DynaSys. Il y a trois-quatre ans, nous étions très en retard par rapport aux États-Unis, où ce modèle se développait déjà beaucoup. Chez DynaSys, près d’un client sur deux signés depuis les deux dernières années est présent sur le cloud. » Les inquiétudes portant sur la sécurité des données dans le cloud, bien que tenaces, tombent petit à petit et les offres commerciales s’adaptent à la dématérialisation et l’externalisation de la gestion des systèmes d’information.
Dans le milieu de la planification et de la prévision, le cloud et notamment l’abonnement en mode SaaS gagne d’autant plus d’adeptes que de nombreuses entreprises ont besoin de renouveler leur portefeuille applicatif et de diminuer leurs coûts de maintenance. « Nous sommes dans les prémices d’un marché de renouvellement, annonce Gilles Perez, directeur d'activité supply chain optimization chez Viseo. Il y a beaucoup de petites solutions, dont la plus ancienne est Forecast pro, que vous pouviez facilement interfacer pour récupérer un historique des ventes et qui permettaient, avec un ou deux algorithmes, de réaliser une projection de ventes. Nous retrouvons des sociétés utilisatrices de ces vieilles versions qui repartent maintenant en consultation pour mettre en place une solution plus robuste et mieux intégrée à leur système d’information. C’est pour nous un phénomène nouveau : deux ou trois sociétés en 2017 ont émis le souhait de passer sur un outil plus robuste. Il y aussi beaucoup de demandes de cahiers des charges avec des solutions 100 % en mode cloud. Cette tendance-ci s’accentue. » Sans être pour autant un modèle adapté à toutes les entreprises – certains grands groupes préférant garder la mainmise sur leur système d’information et d’autres sociétés se sentant plus à l’aise avec des projets comprenant un déploiement et un accompagnement sur site, sans compter les coûts cachés des abonnements SaaS qui, si mal calculés, peuvent s’avérer plus coûteux que des achats classiques de licence – le « nuage » présente l’avantage de permettre à des petites entreprises de tester et installer des solutions qui auraient pu leur être autrement inaccessibles tant financièrement qu’humainement parlant.
La poussée du machine learning
De plus en plus de PME et ETI peuvent maintenant s’offrir des modules de planification et de prévisions sur le cloud sans avoir à se soucier de leur gestion en back office, de leurs mises à jour (normalement gratuites et automatiques avec les abonnements en SaaS) et de leur maintenance. À cette autonomie élargie se couple celle offerte par l’amélioration des logiciels eux-mêmes. « Nos logiciels de prévision trouvent tout seul les paramètres, les modèles, les modélisations, les regroupements logiques demandés auparavant aux utilisateurs ou étudiés manuellement, explique Cédric Hutt, directeur général adjoint d'Azap. Les corrections automatiques d’historiques sont depuis longtemps proposées chez nous et je pense que c’est le cas de la plupart des éditeurs, plus ou moins bien. Nous avons de plus en plus de clients qui veulent passer peu de temps à faire des prévisions. C’est une vague de fond : ils cherchent des systèmes bien plus automatisés qu’avant. »
L’heure est à l’autoapprentissage, au machine learning, c’est-à-dire la capacité d’une intelligence artificielle à apprendre de ses erreurs et à se corriger sans intervention humaine. Plusieurs éditeurs se sont spécialisés dans ce champ d’étude, quand d’autres l’exploitent à titre expérimental ou réfléchissent à s’y mettre. « Nous allons offrir dans les prochains mois et années une offre combinatoire entre la statistique et le machine learning, renseigne Stéphanie Duvault-Alexandre, senior business consultant chez Futurmaster. Nous travaillons sur de l’optimisation de la prévision pour estimer les quantités de promotions grâce au machine learning. Nous avions déjà un outil de simulation mais qui était davantage fondé sur des moyennes (les opérations précédentes étant confrontées aux caractéristiques similaires de la nouvelle opération). Dans le futur, avec le machine learning, c’est le moteur qui va faire le regroupement des promotions sur la base de différentes variables et déterminer celles qui influencent véritablement ces promotions. Nos clients utilisent beaucoup de critères et nous nous rendons compte que, sur une vingtaine de variables utilisées, il n’y en a que quatre ou cinq vraiment pertinentes pour leur activité. » Futurmaster ne compte pas s’arrêter à cette seule application. « Plus nous avançons, plus le machine learning va être intégré dans la prévision globale, et pas uniquement la prévision de promotion, mais aussi sur les lancements, le budget, poursuit Stéphanie Duvault-Alexandre. Nous allons l’intégrer dans nos outils de planification, avec des algorithmes prédictifs pour améliorer la prise de décision. »
Acteos, dans sa suite progicielle SCM 4.0, intègre lui aussi nativement dans son moteur de prévisions des éléments d’auto-apprentissage qui influent sur l’ensemble de ses briques applicatives. « Notre moteur choisit automatiquement les modèles de prévisions qui sont adaptés aux typologies des produits (produits saisonniers, erratiques, sporadiques, séries temporelles etc.) et est capable de les classifier automatiquement, affirme Christian Zelle, chef de produit forecasting and procurement system chez Acteos. Aucun humain ne pourrait comparer autant de possibilités manuellement. Les personnes qui utilisent ce système ont la certitude que ce moteur a fait de son mieux : parmi tous les paramétrages possibles, il a choisi la méthode qui minimise l’erreur de prévision. C’est quelque chose qui rassure les utilisateurs. Le seul cas où une intervention manuelle du client est nécessaire, c’est lorsqu’il dispose d’une information supplémentaire, non détenue par le moteur. » Bien qu’il faille faire attention à l’emploi parfois faussé de la mention « machine learning », qui se retrouve à des fins marketings sur des plaquettes commerciales de produits réalisant seulement une automatisation sans algorithmes auto-apprenants, ce champ d’étude augure des avancées considérables sur le pan de l’intelligence artificielle au service des statistiques.