Innovation
Planification & prévisions : la supply chain voit toujours plus loin
8. Une planification des flux tirée par la demande
Connu aux États-Unis depuis plus de dix ans, le Demand driven material requirements planning, ou DDMRP, gagne en popularité en France depuis ces trois dernières années. Cette méthode de planification et d’exécution pour l’industrie et la distribution amène à repenser l’organisation de la supply chain pour la rendre plus agile.
Après le MRP, voici venue l’heure de son évolution « demand driven ». Le DDMRP se démarque de son grand frère dans sa capacité à aligner les flux en fonction de la demande pour réduire les stocks. Quand le MRP s’axe sur des signaux (prévisions) pour dresser des plannings de production et déterminer des niveaux de stocks avec une logique de flux poussé, le DDMRP s’appuie lui sur un pilotage en temps réel, aligné avec la demande. Grâce à l’insertion de « buffers », de stocks tampons à des endroits stratégiques de la supply chain avec un code couleur très intuitif (vert si tout va bien, jaune s’il faut faire attention et rouge lorsqu’il faut traiter la chose au plus vite), cette méthodologie, qui n’est en rien un remède miracle à tous les problèmes de production, permet toutefois de mieux s’accorder aux variabilités de la demande.
« Les supply chains modernes sont confrontées à des environnements de plus en plus volatils, amorce Bernard Milian, consultant et formateur chez Agilea, cabinet de conseil et de formation spécialisé en supply chain management qui est également l’un des acteurs historiques de la démocratisation du DDMRP en France. Le modèle consistant à travailler et piloter les différentes étapes de fabrication et de distribution sur une base de planification descendante atteint ses limites. Car bien souvent en manufacturing et en distribution, les évènements réels diffèrent des prévisions sur le court terme. Aujourd’hui les méthodologies dominantes, ne serait-ce que du fait des systèmes d’information utilisés, sont le MRP sur de la production et le DRP (distribution resource planning) pour la gestion d’un réseau de distribution. Ce ne sont pas nécessairement les meilleures pour répondre à la variabilité de la demande, que ce soit en distribution ou en production. Nous apportons chez Agilea des éléments différenciants en matière de formation, en mettant en place et en explicitant des méthodologies qui permettent de fonctionner en flux tiré par la demande, ce que l’on appelle demand driven, à chaque échelon de la supply chain. » En pleine expansion sur le marché français depuis trois ans, le DDMRP commence à se faire une place importante parmi les méthodes les plus connues de planification de la production et de management (Lean, 6 Sigma, MRP2…) et à rencontrer un écho favorable lors des salons professionnels.
« Le DDMRP tend à combler les lacunes des systèmes MRP traditionnels. »
Pour Cédric Hutt, directeur général adjoint d'Azap, le DDMRP gagne à être mieux étudié pour éviter les confusions : « Le DDMRP, bien que très marketé, n’est pas forcément bien compris. Il a cependant le bénéfice de changer les mentalités et les attentes du marché. Les gens se préoccupent enfin de points de découplage, de niveaux de stocks et de dimensionnement de stocks de sécurité. Cela fait vingt ans que certains acteurs proposent de dimensionner des stocks de sécurité, des buffers, mais ce n’était pas quelque chose sur laquelle on avait une grosse demande. Les clients étaient obnubilés par la demande, les problèmes capacitaires et plus récemment par la demande moyenne. Le DDMRP adresse les problématiques de dimensionnement de stocks en mettant l’accent sur la stabilisation des opérations, ce qui est une bonne chose. » Cédric Hutt conseille cependant de faire attention aux classifications hâtives entre des méthodologies dont les résultats diffèrent beaucoup selon les contraintes et attentes des sociétés qui les utilisent : « Il y a une tendance consistant à opposer le DDMRP et la planification de type APS, expose-t-il. C’est un mauvais débat. Le DDMRP tend à combler les lacunes des systèmes MRP traditionnels à juste titre. Certaines entreprises connaissant des effets de campagnes et de flux saisonniers forts ont historiquement des problèmes de planification, soit parce que la matière rentre de manière saisonnière, soit parce que les ventes sont saisonnières ou encore parce que l’outil industriel amont nécessite de faire des campagnes de production, avec le lancement par exemple de quatre mois de stock d’un seul coup. Le DDMRP répond beaucoup moins bien à ces situations, or ces industriels sont le plus consommateur de solutions type APS. Le DDMRP fonctionne bien lorsque la demande est relativement régulière. »
Rien ne sert donc de confronter des techniques plus complémentaires qu’autre chose, et n’ayant pas pour vocation innée de résoudre des problématiques similaires au sein d’un environnement unique. Le DDMRP n’est plus en France la méthodologie confidentielle qu’elle a pu être pendant plusieurs années. « Nous ne sommes pas les seuls acteurs sur le marché et heureusement, se réjouit Bernard Milian. Nous essayons comme les autres d’apporter un support professionnel et nous commençons à constater plus d’expérience sur la méthodologie. Ce qui ajoute de la légitimité au DDMRP c’est que de gros éditeurs d’ERP s’y intéressent enfin, notamment avec l’un des partenaires de SAP qui a fait un certain nombre d’annonces sur le sujet. Cela apporte du crédit à la méthodologie. Auparavant, le choix logiciel était un barrage, de même que les compétences et les formations. Désormais, il n’existe pas de freins techniques formels qui puissent empêcher une entreprise de se lancer dans une transformation agile comme celle que nous proposons. » Une simple visite sur le site du Demand Driven Institute, organisme à l’initiative du DDMRP en charge de sa promotion dans le monde, permet en effet de constater la popularité croissante de la méthodologie, intégrée ou en cours d’intégration au sein d’un nombre grandissant de logiciels de supply chain planning certifiés conformes.