eCommerce
3. L'e-commerce au secours du retail
Lutter contre la désertification des centres-villes et la vacance des locaux commerciaux. Un enjeu aujourd'hui pour de nombreuses municipalités en France. Parfois accusé d'être parmi les responsables de sa perte de vitesse, l'e-commerce peut devenir support d'un nouveau commerce de proximité, plus numérique.
Les chiffres Procos (la Fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé) indiquent que le taux de vacance atteint en moyenne 9,5 % du parc de locaux commerciaux en 2015 (un chiffre qui était à 7,2 % en 2012, dont un centre-ville sur dix avec un taux de vacance supérieur à 10 %). Particulièrement touchées : les villes moyennes de moins de 100 000 habitants. Évolutions de peuplement, surproduction des surfaces de vente, centres urbains mal aménagés et peu accessibles, concurrence redoublée par les différents lieux et canaux de consommation : à qui la faute ? Si l'e-commerce est parfois désigné comme responsable, il montre également sa capacité à venir au secours de ces centres qui se dépeuplent.
Le défi du e-commerce
Procos l'a compris et s'interrogeait sur le sujet avec l'Alliance du Commerce le 4 juillet 2017 lors d'une matinée débat intitulée « Où va la consommation ? » où étaient conviés près de 300 participants dont un tiers de représentants d’enseignes du commerce et de l’équipement de la personne. Dans son communiqué de presse, il fait le constat d'une « demande d’immédiateté et d’individualisation des nouvelles générations » plaçant le commerce face à plusieurs défis majeurs, parmi lesquels, celui du e-commerce. À son propos, le document stipule devoir répondre aux attentes du consommateur et « omnicanaliser » ses enseignes. « Nos réseaux de magasins sont une force. Nous devons adapter notre offre, innover, introduire les nouvelles technologies au service de la relation client », déclarait François Feijoo, président de Procos. C'est bien en effet par une acculturation aux méthodes et aux bases du commerce en ligne que le commerce traditionnel pourrait trouver une seconde jeunesse. Des propos corroborés par Mohamed Mebarek, entrepreneur, spécialiste de la logistique urbaine : « Beaucoup d'enseignes disparaissent et les quartiers se redessinent, les flux baissent partout sauf dans le e-commerce, donc il y a un renouvellement du commerce qui laisse place à des enseignes omnicanales. C'est aussi un effet de l'e-commerce sur le paysage urbain ».
Relier commerçant et e-commerçant
Certaines municipalités décident de répondre à cette désertion de leur centre-ville par une redynamisation liée à son ajustement au numérique. C'est le cas de la ville de Pau (64) qui a mis en place E-City (www.e-city.fr), un dispositif facilitant la mise en visibilité des produits des commerçants du centreville via une plate-forme accessible aux consonautes. Un site de « partage de shopping » fondé sur la recommandation de produits et sélections issus des boutiques de la ville, choisis par une communauté d’acheteurs, les « Cityzen ».
« Les élus palois le disent : notre problème ce n'est pas la livraison en centreville en tant que telle mais de faire que notre commerce de centre-ville vive. Il doit donc être visible sur internet et des modes de livraison et d'enlèvement des marchandises doivent être organisés. Un partenariat a donc été mis en place avec La Poste pour collecter et aller livrer ces colis au porte à porte aux clients. En service depuis février, le site couvre aujourd'hui 8 % des commerçants et compte environ 250 comptes clients. Si cela fonctionne, l'idée est de transposer le modèle et ses outils à d'autres territoires en France », détaille Marc Trinque, directeur de projets auprès de la direction générale de l'Agence d'urbanisme Atlantique et Pyrénées.
En région parisienne, Epicery (www. epicery.com) a conçu le même type de service. Ici, l'initiative ne vient pas de la municipalité mais d'une start-up qui, partant du principe que 80 % du shopping dans les petits commerces de quartier a lieu le week-end, propose de livrer dans l’heure, à vélo (90 %, dont 10 % de vélo-cargo), à pied de manière collaborative (5 %) ou scooter électrique (5 %) tous les produits proposés par les commerçants du quartier (fromages, viandes, légumes…) aux particuliers. L'objectif : « disrupter le marché du frais en ville grâce au digital avec un service qui apporte qualité et praticité », explique Elsa Hermal, cofondatrice et directrice du développement d'Epicery. Une application dédiée permet aux commerçants de quartier d'activer ou non chaque jour les produits qu'ils peuvent vendre. Lancé en décembre 2016, le site est déjà accessible à Paris, Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt et Levallois-Perret (92). « Un lancement est prévu pour Lyon en septembre et nous pensons aussi à Bordeaux pour la suite ».
Focus
La ville de Paris agit pour le commerce de proximité
« Face à l'e-commerce, nous élaborons des solutions pour donner au commerce de proximité la possibilité de résister. » Olivia Polski, adjointe à la maire de Paris, chargée du Commerce, de l’Artisanat et des Professions libérales et Indépendantes, souligne par ces mots la volonté de la Ville de « renforcer et amplifier son soutien à ses acteurs de proximité ». « L’e-commerce constitue une concurrence sérieuse aux commerçants traditionnels mais il dispose aussi de nombreux atouts dont les commerçants doivent profiter. Les acteurs doivent jouer à armes égales et la Mairie s’engage à un ensemble d’aides financières et d’outils innovants », indique-t-on à la Mairie de Paris.
S'il ne s'agit pas de se placer à l'encontre du progrès et du commerce digital, est néanmoins pointée du doigt « la concurrence déloyale » qu'il implique pour le petit commerce : « C’est le cas d’Amazon aujourd’hui qui n’a pas les mêmes taxes et qui ne paye que peu d’impôts en France. Ils ont installé à Paris 4 500 m² de lieux de stockage. En réalité, il s’agit d’un lieu de vente dématérialisé. Ces sites “de stockage” devraient payer les mêmes impôts que les autres. Il faudrait qu’ils puissent également être intégrés dans les CDAC (Commissions départementales d'aménagement commercial). Cela a forcément un impact sur le commerce de proximité lorsque l’on peut vous livrer en une heure. La livraison à perte est un immense problème. Elle est profondément injuste pour des commerçants qui payent leur pas-de-porte », souligne Olivia Polski. Pourtant, la Ville a bien compris également que l'économie de demain passera aussi par l'ouverture de ses commerçants et artisans aux usages du numérique. La Semaest (Société d' économie mixte d'animation économique au service des territoires), a notamment mis en oeuvre, via le réseau « CoSto » (Connected stores), un programme d’animation numérique et économique à destination des commerçants indépendants. Il compte aujourd’hui plus de 1 000 membres et propose une diffusion des pratiques innovantes, de l’information sur les nouveaux usages, des formations autour de la prise en main des outils digitaux…
La livraison à l'étude
En vertu de la Charte relative à la logistique urbaine durable qu’elle a signé en 2015 avec la Mairie de Paris, La Poste propose également de déployer d’ici 2020 un service de livraisons à pied, actuellement en phase d’expérimentation dans le IVe arrondissement, avec les flux de ses branches Chronopost, Colissimo et DPD. L’objectif est d’installer un micro-dépôt dans l’ensemble des quartiers parisiens afin de développer et de garantir les livraisons à pied. « La Ville de Paris apportera son aide à la recherche d’espaces adaptés, sans fausser le jeu de la libre concurrence. Et si elle mobilise son foncier, ce sera dans le cadre d’un appel à projets », indique la Mairie. En mars 2015, la Ville de Paris et Paris&Co ont par ailleurs lancé l’appel à projets « Logistique urbaine durable » afin de permettre aux entrepreneurs innovants de tester leurs prototypes ou leurs solutions sur le territoire parisien, pour une durée de six mois à un an.
Vingt-deux projets ont été retenus dans des domaines aussi variés que l’optimisation des tournées, la réduction des nuisances sonores et des émissions de polluants, ou encore l’amélioration de la gestion des stocks pour les commerces de proximité. Dans ce cadre, de nouvelles solutions sont actuellement testées sur le territoire parisien, en lien avec les mairies d’arrondissements. D'autre part, un système de consignes est actuellement expérimenté pour les Parisiens et les habitants de la petite couronne manquant de temps pour réaliser leurs achats chez les commerçants et préférant la commande en ligne. « L’idée innovante est de leur garantir de pouvoir récupérer leurs courses à toute heure dans un périmètre de 300 mètres du magasin de provenance ». Des consignes Pickup Stations sécurisées sont d’ores et déjà en cours d’installation sur l’espace public comme par exemple, rue de Vaugirard.