Innovation
Les avancées technologiques de l'entrepôt connecté
4. Drones : quand l’inventaire prend l’air
Voilà maintenant plusieurs années que les drones sont objets de discussion et de convoitise au sein de la supply chain. Mais où en est-on réellement aujourd’hui ? Coup d’oeil sur une technologie bientôt arrivée à maturité, comme en témoigne la solution Eyesee du groupe Hardis.
Ils volent, surveillent, transportent… L’imaginaire autour des drones dans la supply chain s’est principalement cristallisé sur la livraison en extérieur par voie aérienne grâce à la communication intensive de géants comme Amazon, mais également de grands noms du transport tels que UPS ou DHL. Mais dans l’entrepôt, la logistique s’est également emparée du sujet afin de résoudre une de ses problématiques les plus récurrentes : la gestion du stock et les inventaires. Les expérimentations dans ce domaine se sont multipliées depuis plusieurs années autour du concept d’un drone sans pilote, chargé de naviguer au sein de l’entrepôt pour scanner automatiquement chaque palette et colis.
Les avantages sont nombreux : une vitesse d’exécution décuplée, une solution plus sécurisée (pas de travail en hauteur), des économies évidentes (un seul opérateur nécessaire au lieu d’une forte mobilisation d’équipe) et surtout la possibilité de multiplier les inventaires pour avoir en permanence une vision globale du stock. Autant de motifs d’intérêt pour les acteurs de la supply chain et du retail. Et à raison : selon le magazine économique américain Forbes, les erreurs d’inventaire pour une enseigne comme Walmart (multinationale spécialisée dans la grande distribution) peuvent entrainer des pertes de l’ordre de trois milliards de dollars par an. Des projets de drones inventoristes ont donc éclos ces dernières années. On peut ainsi citer Infinium Robotics, une jeune pousse de Singapour qui a dévoilé à l’automne sa solution Infinium Scan, actuellement en test dans un entrepôt Bolloré Logistics. Des collaborations entre logisticiens et acteurs de l’innovation ont également vu le jour : Geodis avec l’entreprise Delta Drone l’année dernière ou encore Kuehne + Nagel aux côtés de l’Institut polytechnique des sciences avancées d’Ivry-sur-Seine (94).
Eyesee, près du but
En France, c’est le groupe Hardis qui s’est lancé le premier dans l’aventure des drones inventoristes avec sa solution Eyesee. À l’origine du projet, annoncé début 2015, il y a la vision de Stéphane Cadenet, directeur de projet logistique. Passionné d’aéromodélisme, il cherchait à comprendre ce que cette technologie pouvait apporter à son métier. « Je suis allé voir des constructeurs de drones et leur ai donné des exercices : lire des étiquettes en vol, suivre des parcours précis. Je voulais constater la dextérité du matériel. Fort de ces démonstrations, j’ai voulu lancer un chantier sur le sujet au sein d’Hardis », raconte-il. Après le dépôt d’une demande de brevet, Stéphane Cadenet et ses équipes débutent rapidement leurs premières expérimentations avec différents prototypes. Après plusieurs années de développement, l’appareil est désormais opérationnel, embarquant de nombreuses technologies pour permettre son fonctionnement. « L’outil est entièrement contrôlé par une application Hardis pour tablette Android. Cette dernière envoie des ordres en wifi en suivant un plan de vol programmé au préalable. Le fonctionnement est simple : Eyesee est amené à un point de départ, un opérateur déclenche son décollage, puis le vol se déroule de manière autonome », résume Stéphane Cadenet.
Afin d’assurer la sécurité, le drone est équipé de capteurs variés : baromètre, accéléromètre et un rayon infrarouge pour identifi er les obstacles. Côté opérationnel, il bénéficie de microcaméras développées par la branche industrielle de Zebra. Stéphane Cadenet explique : « Initialement, ce type de matériel a été développé pour des colis qui passent sur des convoyeurs. Nous l’avons adapté afin de pouvoir lire les codes-barres en vol. Selon la typologie des informations à scanner, nous équipons entre trois et quatre caméras de ce type par appareil. En plus d’être des outils de lecture, elles peuvent prendre des photographies en haute défi nition, permettant d’archiver chaque étape métier. » Le vol est bridé à 30 centimètres par seconde pour plus de fiabilité mais la machine reste adaptable. Dans l’esprit d’une industrie 4.0 synonyme d’agilité, Eyesee ne demande ni ajustement, ni installation de balises, et peut être déployé rapidement comme le détaille Stéphane Cadenet : « Nous proposons à nos clients un test sous forme de POC (Proof of Concept, ndlr) de huit jours en entrepôt, pour être proche de leurs besoins et attentes. Après cela, nous déployons une solution pilote qui va s’interfacer avec leur propre gestion d’entrepôt. C’est aussi sur ce point-là que nous nous démarquons : nous ne vendons pas que la machine. Nous proposons une offre digitale d’inventaire complète. »
L’industrialisation pour 2018
Pour tester Eyesee, le groupe Hardis s’est tourné vers un partenaire métier de renom : FM Logistic, chez qui la solution a pu être mise à l’épreuve de l’entrepôt durant plus d’un an et demi. « Nous sommes leurs bêta-testeurs », plaisante Patrick Bellart, directeur innovation et automatisation chez FM Logistic. « Nous avons acquis un exemplaire pilote du drone en 2016 que nous avons mis en action sur l’un de nos sites. Les retours de nos opérateurs sont prometteurs, mettant en avant la facilité de prise en main de l’outil. » Hardis souhaite également déployer son drone chez d’autres clients afin de multiplier les cas d’usages. D’ultimes préparatifs avant l’industrialisation, actuellement prévue dans le courant de l’année 2018 d’après Stéphane Cadenet : « Nous sommes en train de valider notre premier modèle viable économiquement. Nous arrivons à la fin des tests sur la version pilote, mais nous procédons avec beaucoup de soin car c’est la dernière étape avant l’industrialisation, où nous n’aurons plus le droit à l’erreur. »
D’ici là, Hardis continue de peaufiner Eyesee tout en planchant sur des services supplémentaires. « Nous souhaitons pouvoir identifier les palettes (couleur, forme) lors de l’inventaire afin que les responsables d’entrepôt puissent avoir un compte rendu de leur état de location », révèle Stéphane Cadenet. Des applications multiples qui résument bien l’importance que pourraient prendre les drones à terme. « Ces solutions seront indispensables d’ici quelques années. Les avancées technologiques vont nous offrir plus d’autonomie et plus de fonctionnalités au-delà du traitement logistique : de la reconnaissance anti-infractions ou du déplacement de petits outils par exemple », estime-il.
Émilien Villeroy