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et logistique

Transport

Le transport à l'ère de la digitalisation

Publié le 14 février 2019

4. La concurrence saine de nouveaux acteurs

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Depuis quelques années, de jeunes pousses, aujourd'hui sociétés prospères, sont venues s'intéresser de plus près au marché du transport de marchandises, alors largement pris en charge par les éditeurs historiques, les bourses de fret et les commissionnaires de transport. Venues disrupter le secteur, ces start-up l'ont également dynamisé.

Une étude menée par GT Nexus et Capgemini Consulting, Transformation digitale de la supply chain : état de l'art et perspective, publiée en 2016, révèle que la transformation digitale de la supply chain est perçue comme importante pour 75 % des personnes interrogées. Parmi les technologies-clés identifiées pour y parvenir figurent, pour 94 % des sondés, les plateformes et autres outils qui participent à l’amélioration de la visibilité au sein de la supply chain. Pour cela, la cartographie des solutions offertes dans le secteur de la gestion du transport est large. Qu'il soit chargeur ou transporteur, face aux impératifs de transparence et d'échange d'informations en temps réel, que demande justement l'utilisateur de ces solutions de gestion de transport ? Comment le satisfaire, et même anticiper ses besoins ? S’il est de rigueur d'évoquer inévitablement le TMS (transport management system), ce dernier recouvre lui-même plusieurs fonctionnalités et vient s'accorder aux différents besoins de ses possesseurs. « Le terme TMS englobe des solutions avec des périmètres fonctionnels distincts. Il cache une panoplie de solutions qui comptent parfois des territoires communs mais suivent des objectifs différents », juge Grégoire Garcia, directeur commercial de KLS Transport. Certains seront ainsi dédiés aux chargeurs, d'autres aux transporteurs, ou encore aux commissionnaires de transport.

 

Les chargeurs par exemple utilisent différentes solutions pour leurs transports, selon qu'ils effectuent de la messagerie ou bien de l’affrètement où ils sont amenés à gérer la répartition et les missions affectées à chaque véhicule. Bien qu'agissant à différents niveaux de la chaîne, le souci de collaboration et de visibilité les amène à se rejoindre sur certains outils comme les plateformes collaboratives. Face à ces besoins variés, les outils s'adaptent : « Pour nous, un TMS dans sa globalité est une offre totalement modulaire comportant un ensemble de solutions couvrant des besoins de planification et d’exécution du transport. Les solutions proposées sont vendables et installables de manière autonome, sans avoir l'intégralité du package TMS », stipule Thomas Felfeli, directeur marketing d'Acteos. Et depuis quelques années, de nouveaux acteurs ont fait irruption sur le marché, se faisant sources de propositions disruptives via des solutions de plateformes. Comme le relève le recueil Supply Chain Vision 2019-2020 édité par l'Aslog en novembre 2018, « un vent du changement souffle fortement dans le transport et la logistique ». Les plateformes de digitalisation dont l'objectif est de « faciliter et simplifier les processus complexes du transport de fret, à travers des solutions cloud et mobile » sont « un moteur de cette transformation ». Dans ce document, le cabinet de conseil Talan Consulting les classe en deux grandes familles : les plateformes d'intermédiation qui « mettent en relation les demandes des chargeurs avec les offres des transporteurs à la recherche de chargements avant ou au cours de leurs déplacements » et les plateformes de collaboration qui « donnent le moyen à des entreprises autonomes de travailler au sein du même système, pour coordonner et planifier l'exécution de leurs opérations ». Ces dernières permettent, grâce à une communication en temps réel, d'offrir de la visibilité sur les commandes, les expéditions, les plannings d’enlèvement et livraison, le déroulement des opérations et des indicateurs de performance.

 

Des besoins encore inassouvis ?

« Si l'on regarde aujourd'hui de quoi est vraiment constitué le secteur du transport routier, il s'agit de dizaines de milliers de petites sociétés de moins de cinq salariés qui ne peuvent pas avoir de directeurs commerciaux ou produits », observe Maxime Legardez, CEO et fondateur d'Everoad, la plateforme de mise en relation entre chargeurs et transporteurs. « En agrégeant ces petites sociétés sur notre plateforme, nous mettons à leur disposition des milliers d'offres et des expéditeurs de qualité auxquels elles n'auraient autrement pas accès, tout en simplifiant leur gestion opérationnelle », souligne-t-il. Surpris de voir « une telle opacité au niveau des acteurs, des prix et du tracking », Maxime Legardez fonde en 2016 une plateforme, alors appelée Convargo, « permettant une mise en relation sur les transports spot (non régulier, ndlr) et donnant la possibilité aux utilisateurs de créer un compte en quelques secondes et de publier un chargement via une interface simplifiée ». Disposant désormais du statut de commissionnaire, la plateforme prend en 2018 le nom d’Everoad et s’ouvre à l’international. L’offre de services à, quant à elle, été étoffée pour accompagner chargeurs et transporteurs sur l’ensemble de leurs besoins (spot, régulier, visibilité, etc.).

 

C'est pour répondre à une demande grandissante de partage d'informations que Shippeo est également venue, en 2014, se frotter au secteur du transport avec sa plateforme d'interopérabilité à destination des chargeurs, 4PL et des transporteurs comme l'explique Lucien Besse son COO et co-fondateur : « Nous ne sommes pas arrivés en nous disant que les outils n'existaient pas et qu'il fallait équiper les transporteurs et les chargeurs, mais plutôt que si l'information existait, elle ne transitait pas de manière optimale et que le client BtoB n'y avait pas accès ». Rendre l'information plus accessible entre les différents acteurs de la chaîne demeure le maîtremot de ces nouveaux outils fondés sur une philosophie de collaboration. La création de Fretlink, fin 2015, solution digitale d’organisation, de pilotage et d’optimisation de flux, répondait également, selon son co-fondateur Paul Guillemin, à la volonté d'apporter « de la transparence sur la chaîne de transport » ainsi que de l'information en temps réel, « besoin que ne comblent pas les acteurs traditionnels du transport ». Son objectif : rationaliser les échanges, mutualiser les envois et exploiter les retours à vide en jouant un rôle de tiers de confiance « pour fluidifier la relation entre les chargeurs et les transporteurs de la manière la plus automatisée et la plus efficiente possible », décrit Paul Guillemin.

 

Des acteurs inspirants

Également précepteurs ou poussés par ce vent de renouveau, les éditeurs historiques dégainent également des outils simplifiés plus agiles. Transporeon, dès sa naissance en 2000, a ainsi choisi de proposer une solution de plateforme collaborative de transport cloud « très peu intrusive, demandant zéro investissement et bénéficiant d'équipes support », explique Valérie Carreau, directrice France de Transporeon Group. De son côté, DDS Logistics lance en novembre 2017 sa plateforme collaborative Join2Ship avec le même « enjeu de donner des outils à de plus petits acteurs », comme l'explique Jérôme Bour, son PDG : « L'idée de Join2Ship c'est de digitaliser un process qui ne l'est pas aujourd'hui puisque cette information donnée par le fournisseur à son client demeure archaïque ». Un outil digitalisé qui souhaite répondre à un double enjeu : « Créer les conditions de collaboration et de qualité de service entre le destinataire, ses fournisseurs et le transporteur mais aussi donner le moyen à tous les fournisseurs, quelle que soit leur taille, qu'ils aient un TMS ou non, de transmettre l'information à leur client. De la même manière, il s’agit de permettre d'intégrer tous les transporteurs, équipés ou non d’un système d'information, à travers des plateformes mobiles pour remonter de l'information de traçabilité », poursuit-il.

 

Capables de dynamiser le marché, ces nouveaux entrants peuvent ainsi se révéler des aiguillons inspirants et confirmer des stratégies. « Contrairement au WMS, le marché du TMS est toujours en phase de croissance et n’a pas encore atteint le stade de maturité. Cela conforte KLS Group dans son choix de positionnement via le rachat de Logtimum [Ndlr : éditeur de TMS à destination des chargeurs, acquis pas KLS Group en septembre 2017] », juge Grégoire Garcia, directeur commercial de KLS Transport. Même état des lieux chez Descartes qui, de son côté, a également senti ce vent de nouveauté souffler sur le secteur en acquérant en 2017 MacroPoint, société américaine développeuse d’une plateforme de visibilité en temps réel du transport de marchandises par voie routière. Autre éditeur historique, A-Sis a lancé son offre de plateforme collaborative, proposée en module de son TMS, LM : « Nous l'avons sortie avant que ces plateformes soient à la mode, observe Olivier Schulman, responsable développement TMS. Nous pensions qu'il était utile d'avoir une offre digitale de collaboration ».

 

Des outils complémentaires

« Les start-up sont indispensables car elles dynamisent le marché. Néanmoins elles ne nous font pas repenser notre offre et notre concept de manière générale. Elles peuvent être concurrentes sur certains segments à des moments précis, mais trouvent également une forte complémentarité avec nos solutions », observe Thomas Felfeli, directeur marketing chez Acteos. Venues répondre à un besoin parallèle de transparence, d'agilité et loin de couvrir tout le spectre de la gestion du transport, ces plateformes de mises en relation peuvent également venir s'accorder avec des outils existants. « Effectivement ces sociétés arrivent sur le marché avec les dernières innovations, c'est le propre de la start-up. Cela peut être l'occasion pour nous d'enrichir notre offre par des partenariats dans certains cas où nous n'allons pas développer nous-mêmes des fonctionnalités », indique Valérie Carreau. Transporeon Group s'est d'ailleurs associée avec Sixfold, une plateforme européenne de visibilité de la supply chain, afin de proposer aux chargeurs une solution de tracking des ordres de transport en mode plug & play.

 

« Nous pouvons être en collaboration avec la solution d’un partenaire externe parce qu'il couvre une partie que avons décidée de ne pas développer : la remontée des informations des affrétés par l'intermédiaire d'un smartphone, par exemple », illustre de son côté Olivier Schulman. Le positionnement de ces start-up, dont certaines sont déjà grandes, aura également eu l'intérêt de mettre un coup de projecteur sur l’utilité de la digitalisation dans le transport de fret pour accélérer la maturité du marché. « Dans les fonctions TMS que nous proposons via nos solutions destinées aux chargeurs, il peut arriver que certains de nos clients travaillent avec ces start-up. Cela implique que nous permettions à notre outil de communiquer de manière rapide et efficace avec différents acteurs qui disposent de solutions concurrentes aux nôtres sur un segment de marché mais également complémentaires », juge Jean-Christophe Henry, directeur général d'Infflux.

Focus

La digitalisation chez Geodis

Soucieux de digitaliser l'expérience client à travers des systèmes d’informations intégrés, le spécialiste du transport et de la logistique lance également sa place de marché multimodale, Upply.

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Avec l'objectif de privilégier la fluidité de l’accès à l’information en couvrant tous les points de contact avec ses clients sans contrainte de lieu, de temps et de support, Geodis propose plusieurs outils digitaux. Avec son système d’information intelligent en temps réel (IRIS) déployé au sein de son métier freight forwarding, l'opérateur propose ainsi aux clients une plateforme unique pour toutes leurs opérations, permettant un suivi du transport de leurs marchandises de bout en bout en utilisant un iPhone, un iPad ou un appareil sous Android. En 2017, de la même façon, son métier road transport lance un nouveau portail Neptune offrant la possibilité aux partenaires transporteurs et clients de gérer, à partir d’une seule plateforme, toutes leurs opérations : suivi des opérations en temps réel, prise de rendez-vous, planification des moyens…

 

Son métier distribution et express, avec l’interface client baptisée E-space, a également été entièrement refondu en 2017, ce portail web permettant d’optimiser en temps réel la gestion des expéditions, depuis leur préparation jusqu'à la preuve de livraison. Observant par ailleurs l’émergence des plateformes globales d’intermédiation dans le BtoC à l'oeuvre dans le transport et la logistique, Geodis constate que son « métier de freight forwarder fait face, sur une frange de son business, à ce nouveau paradigme avec une désintermédiation de certains volumes captés par les bourses de fret en ligne », comme l'explique Philippe de Carné, vice-président business development et innovation. S'emparant du sujet, en novembre 2018, Geodis annonçait le lancement d'une « place de marché multimodale », selon les mots de Marie-Christine Lombard, présidente du directoire. « Nous revendiquons de croire à toute la chaîne », expliquait cette dernière en évoquant la mise en oeuvre de cette marketplace digitale, fruit d'un travail de deux ans.

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